martes, 13 de abril de 2021

Le livre de l'Espérance chrétienne

 

L' A P O C A L Y P S E :  L'ESPERANCE  D'UN  PEUPLE  QUI  LUTTE

Une clé de lecture par Carlos MESTERS (bibliste brésilien).

 

Rome, 1988. Traduction : PR.

 

CONTENU

Introduction: L'Apocalypse hier et aujourd'hui

1.      Message de bonheur aux communautés persécutées

-        L'époque de composition de l'Apocalypse

-        Les destinataires. L'auteur. Le message

2.      Dévoiler le sens des événements et annoncer la bonne nouvelle de Jésus

-        Une manière originale d'annoncer la Bonne Nouvelle en temps de persécution

-        La Bonne Nouvelle de l'Apocalypse : une symphonie à trois voix

3.      Les visions livrent leur secret

-        Le pourquoi des visions et des symboles

-        Les visions de l'Apocalypse ne connaissent pas les demi-mesures

-        Suggestion sur le sens des principaux symboles

4.      Le voile est retiré : apparait le visage de Dieu

-        La division de l'histoire en étapes

-        Le passé est présenté comme futur

-        Premier itinéraire du cheminement des Communautés

-        Deuxième itinéraire du cheminement des Communautés

-        Sept conseils de lecture donnés par Jean

5.      Les lettres aux sept communautés persécutées (chap. 1 à 3)

"Celui qui a des oreilles, qu'il entende ce que l'Esprit dit aux Eglises".

6.      Premier itinéraire du cheminement des communautés (1 à 11)

Dieu libère son Peuple

7.      Deuxième itinéraire du cheminement des communautés (12 à 22)

Dieu détruit les oppresseurs de son peuple

Recommandations finales de Jean et de l'auteur

 

INTODUCTION : L'Apocalypse hier et aujourd'hui.

 

Nous avons tous trouvé, un jour ou l'autre, dans l'Apocalypse, quelque message important pour notre foi et notre vie. D'autre part, il est possible que nous ayons été déroutés par ses présentations mystérieuses, ne sachant trop comment les interpréter. Une identification trop minutieuse avec les personnes et les évènements d'aujourd'hui conduit à des significations erronées. Les pauvres en Communautés chrétiennes peuvent nous donner des chemins de lecture : ils cherchent moins à comprendre tout ce qui y est décrit qu'à faire l'expérience d'un Dieu proche qui leur donne la lumière et la force de croire et d'avancer au jour le jour. Quant à nous, en regroupant les informations que nous donne Jean tout au long de son livre, essayons d'en déchiffrer le sens tantôt pour les chrétiens d'hier que pour nous aujourd'hui. Que l'Esprit Saint nous guide pour comprendre ce qu'il dit aux Eglises que nous sommes.

 

Chapitre 1 : MESSAGE DE BONHEUR AUX COMMUNAUTES PERSECUTEES

 

Les différentes parties de l'Apocalypse sont :

1.      En plus d'une introduction et

2.      D'une conclusion,

3.      Sept lettres personnelles aux Sept Communautés persécutées d'Asie Mineure, (ch. 1 à 3)

4.      Deux itinéraires pour le cheminement des Communautés Chrétiennes:

-        Dieu libère son Peuple (ch. 4 à 11), et

-        Dieu anéantit les oppresseurs du Peuple (ch. 12 à 22).

 

A. LES EPOQUES DE COMPOSITION DE L'APOCLYPSE

Sans être absolument certains, disons que l'Apocalypse a été terminée d'écrire vers l'année 95, au temps des persécutions de l'Empereur romain Dioclétien. Après la prédication de l'Evangile en Palestine et dans plusieurs régions de l'Empire, de petites Communautés chrétiennes étaient nées en assez grand nombre. Les difficultés n'avaient pas manqué, mais le soleil brillait et les vents étaient favorables: la barque de Pierre allait de l'avant. Cependant, les nuages s'accumulaient à l'horizon, et déjà les vents devenaient forts.

Au long des années, s'était installé un conflit de fond entre l'Empire et les Chrétiens. L'empereur se déclarait 'le seigneur du monde' et se faisait adorer, premier entre ses dieux; de plus il faisait peser un joug terrible de domination et d'exploitation sur les pays colonisés; l'appauvrissement des uns faisait le luxe des autres (18,3-19). Or pour les chrétiens, Jésus était le seul Seigneur de l'univers et leur Dieu était unique et père de tous; leur foi en Dieu et leur fidélité à Jésus les conduisait à vivre en frères sur le même pied d'égalité (Actes 2 et 4).

Le conflit n'était pas seulement théologique: l'empire n'admettait pas que les chrétiens vivent selon leur foi. Une organisation entre pauvres et à partir des pauvres allait à l'encontre des relations de domination et d'exploitation impériales. Déjà en l'an 64, l'empereur Néron avait déclenché une persécution contre les chrétiens: c'était la première alerte grave. Tente ans plus tard, voyant que les Communautés chrétiennes grandissaient et que leur vitalité minait les fondements de l'empire, Dioclétien organisa une nouvelle persécution encore plus violente que la première.

Aux yeux de beaucoup de chrétiens d'alors, la fin du premier siècle pourrait marquer également la fin de l'Eglise. C'est dans cette situation-là que Jean écrit l'Apocalypse, pour les Communautés chrétiennes persécutées et découragées.

 

B. LES DESTINATAIRES DE L'APOCALYPSE

Jean dirige l'Apocalypse aux Communautés chrétiennes d'Asie Mineure, et, à travers elles, à toute l'Eglise. Il poursuit un double but : les difficultés que rencontraient les chrétiens, étaient non seulement extérieures, avec la persécution; elles étaient aussi intérieures. La première évangélisation avait été faite avec ardeur, et l'enthousiasme des convertis était grand : une certaine fatigue se faisait sentir et l’organisation devenait plus pesante. Il y avait de mauvais pasteurs et de faux prophètes; certains s’accommodaient des croyances païennes ou s'installaient dans la richesse (Jacques 5,1-6). La confusion pouvait se répandre: tous avaient besoin de lumière et d'encouragement pour continuer sur la bonne voie.

 

C. L'AUTEUR DE L'APOCALYPSE

A la première ligne de l'Apocalypse, l'auteur se présente lui-même: Jean, sans autre titre que 'votre frère et compagnon dans l'épreuve, la royauté et la persévérance'. Il écrit de son exil forcé dans une île de la mer Egée, Patmos, au large des côtes de l'Asie Mineure. Il connaît bien les Communautés auxquelles il s'adresse. De plus, il se sent porteur d'un message qui lui est délivré directement par Dieu lui-même. Et également pour vivre dans sa chair le drame commun à tous, il parle avec autorité. Il demande à être écouté et obéi, car le moment est en effet critique.

 

D. LE MESSAGE DE L'APOCALYPSE

Dès le premier mot de son ouvrage, Jean veut donner le contenu de l'ensemble. Cette parole d'origine grecque signifie 'révélation', au sens d'enlever un voile'. Jean veut en effet dévoiler le visage de Dieu caché au cœur même de la persécution. Devant l'impatience des uns, la confusion des autres, la peur et la mort de beaucoup, Jean va faire comprendre que la Providence de Dieu conduit toujours l'histoire et la vie des hommes: ce n'est pas l'empereur qui commande aux destinées du monde. Dieu est fidèle et libérateur, hier, aujourd'hui et demain. L'avenir verra la chute des faux dieux et la destruction de ceux qui les adorent. Dieu appelle tous les hommes à croire en Jésus et à collaborer à la construction de son Royaume : celui-ci grandit même dans la persécution. Telle est la Bonne Nouvelle de l'Apocalypse. L'heure la plus obscure de la nuit est toujours la plus proche de l'aurore.

 

Chapitre 2 : DEVOILER LE SENS DES EVENEMENTS ET

ANNONCER LA BONNE NOUVELLE DE JESUS

 

De tout temps, ont existé divers moyens pour communiquer des messages. Chaque époque a les siens propres et en invente de nouveaux, aussi adaptés que possible à transmettre fidèlement son contenu et sa signification. Les chrétiens des premiers siècles avaient les leurs, tels les Evangiles, les Actes des Apôtres, les lettres de Ste Paul. Jean utilise le genre apocalyptique qu'il trouve plus adapté pour transmettre la Bonne Nouvelle de Jésus dans un temps de persécutions.

 

A. UNE MANIERE ORIGINALE D'ANNONCER LA BONNE NOUVELLE

Jean cherche un moyen efficace de faire parvenir aux Communautés persécutées un message d'espérance et d'encouragement: elles sont menacées dans leur foi et leur survie. Jean va les aider à se ressaisir en leur expliquant les raisons de la persécution et en les reliant à Dieu et à leur mission. Il faut dans le même temps se protéger, se défendre et grandir. L'Apocalypse devient le moyen choisi pour communiquer un tel message à mots couverts; la Bonne Nouvelle est transmise sans éveiller les soupçons des persécuteurs qui ne comprennent pas ce message.

1.      La persécution produit une crise dans la foi des communautés

Un des buts de Jean est de raviver la foi des Communautés chrétiennes. La crise dans la foi qu'elles traversaient, avait une double origine: l'une était leur difficulté pour analyser le sens de la persécution, et l'autre le message de Dieu dans ces mêmes évènements. Jean centre surtout son message sur la présence et l'action de Dieu. La marche des évènements n'a pas échappé à Dieu. Malgré les apparences contraires, Dieu domine toujours la situation et Jésus reste le Seigneur de l'histoire. Il libère son Peuple et le conduit vers le Royaume. L'avenir n'appartient pas à l'empire : attention à ne pas se laisser confondre ! Le pouvoir des puissants est limité et trompeur: Même si l'empereur apparaît le maître du monde, son pouvoir n'est que provisoire : la violence et la mort n'auront jamais le dernier mot. L'Eglise a les promesses de la vie éternelle. Par l'Apocalypse, Jean renvoie ses lecteurs à une vision de foi: la résurrection de Jésus est en marche parmi nous et le Royaume de Dieu ne cesse de grandir. C'est cela qui doit advenir, et qui advient envers et contre tout.

2.      La bonne nouvelle qui surgit à la lumière de la foi

Jean veut donner aux Communautés chrétiennes le sens de l'histoire: il s'agit de prendre du recul par rapport aux évènements immédiats. La Bonne Nouvelle de l'Apocalypse est donc celle de Dieu qui a confié à Jésus la seigneurie du monde: celui-ci conduit son Peuple vers la victoire finale. Alors, les puissants seront détruits à jamais. Cependant cette situation a déjà commencé à se produire. Le genre littéraire apocalyptique va servir de support à ce message.

Grâce à l'Apocalypse, Jean va remettre les choses à leur juste place: dans la balance de l'histoire, le plateau de la balance penche toujours en faveur de Dieu. Auprès des chrétiens, il va renverser la vapeur : ce n'est pas la persécution qui va venir à bout de la foi, mais le contraire. Dieu est toujours le Dieu d'Abraham, d'Isaac, de Moïse et des Prophètes, et il accompagne son Peuple à travers de nouveaux exodes vers la Terre Promise définitive.

 

B. LA BONNE NOUVELLE DE L'APOCALYPSE: UNE SYMHONIEA TROIS VOIX

La Bonne Nouvelle est présente tout au long de l'Apocalypse, comme le sang qui en parcourrait les veines: aussi faut-il la comprendre de l'intérieur. Son message parcourt le fleuve le l'histoire, mais on n'en aperçoit que le lit seulement quand l'eau est claire et tranquille. Ce message est présent dans chacune des trois parties du livre, mais dans des tonalités différentes.

1.      Les lettres aux sept communautés (ch. l à 3)

Jean présente la Bonne Nouvelle comme une exigence de fidélité et d'engagement courageux à la suite de Jésus. C'est d'ailleurs en son nom qu'il écrit. La longue introduction à ces lettres (l,4-20) sert d'introduction à tout le livre. Viennent ensuite les 7 lettres, assez brèves, dirigées aux sept Communautés d'Asie Mineure (2,1 - 3,22), tel un seul et long écrit valable pour toute l'Eglise.

2.      Première lecture de la persécution (ch. 4 à 11)

Jean présente la Bonne Nouvelle de Jésus comme l'annonce en acte de la libération du Peuple des opprimés: le cheminement des Communautés répète la route du premier exode où Dieu agit de la même façon. Il est en train de libérer son Peuple des griffes du nouveau Pharaon : l’empereur romain Dioclétien. Il est possible qu'une telle lecture des évènements ait été faite du temps de la première persécution sous Néron, en 64, trente ans plus tôt.

3.      Deuxième lecture de la même situation de persécution (ch. 12 à 22)

Dans cette partie Jean donne une présentation de la persécution sous un angle différent : il livre la Bonne Nouvelle de Jésus comme le jugement et la condamnation des oppresseurs du Peuple des Communautés. Le déroulement de 1'histoire des hommes contient déjà le jugement de Dieu. C'est la leçon qui se dégagerait plus clairement de l'actuelle persécution de Dioclétien, vers les années 95.

Les 3 parties de l'Apocalypse présentent la même Bonne Nouvelle à la manière d'une seule et même tresse dont les 3 fils servent d'une part à délier la foi et l'engagement des Communautés, et d'autre part à lier le pouvoir des oppresseurs. Un chant de victoire parcourt tout l'Apocalypse comme une symphonie à trois voix.

 

CONCLUSION

Le procédé utilisé par Jean pour dévoiler le sens des évènements est symbolique. Celui qui veut se faire comprendre du Peuple des petites gens doit en connaître l'imaginaire poétique et le mode symbolique à travers lesquels ils s'expriment. Jésus avait inventé les paraboles. Ici, 1ean se sert du genre symbolique, à deux volets:

1.      Il utilise surtout des images de vision et des symboles. Alors que pour ses contemporains il s'agissait d'un langage codé auquel ils étaient habitués, il devient pour nous un ensemble mystérieux plus difficilement déchiffrable, et qui nous décourage souvent.

2.      Jean divise l'histoire en une succession d'étapes où le passé devient une prophétie du futur : c'est le deuxième procédé littéraire. Parfois, dans l'Apocalypse, on ne sait plus très bien s'il s'agit du passé, du présent ou du futur. Pour Jean, c'est d'ailleurs tout un : Dieu n'est-il pas le même 'hier, aujourd'hui et demain'? D'autre part on n'est pas sûr si les étapes décrites furent exactement celles des Communautés, ou si elles ont leur sens propres.

 

 

Chapitre 3: LES VISIONS LIVRENT LEUR SECRET

 

'C'était un dimanche' nous précise Jean au début de son livre. De plus il est exilé à cause de l'Evangile. Soudain, une voix forte lui ordonne d'écrire ce qu'il voit pour le faire parvenir aux Eglises. Jean observe des visions étranges: il y a des animaux inconnus, une cité mystérieuse, un langage chiffré... Il s'agit au premier abord d'un monde autre, différent, irréel. Or, la signification à en tirer doit être claire: il y va de la vie des chrétiens et de la vitalité de l'Eglise persécutée.

 

A. LE POURQUOI DES VISIONS ET DES SYMBOLES

Jean poursuit en fait des buts très précis: il veut donner des réponses et des directives simples à comprendre et à appliquer.

1.      Première réponse: redonner sérénité et courage

A quelqu'un qui vous demande une présentation brève sur Jésus, vous donnez une série de titres évocateurs : 'Fils de Dieu, Messie, Prêtre, Juge, Seigneur, présent dans la communauté, le Vivant pour toujours, etc. ... '. Jean ne dit pas autre chose, mais d'une autre façon (ex. : 1,12-18). Il ne nous écrit pas une définition où le discours présente Jésus Immobile; il le traduit en images vivantes et mobiles. Jésus devient plus actif et attractif. Il ne nous présente pas une série de thèses; même s'il fait œuvre de théologien; il nous peint un tableau où tout s'anime. Il fait appel non pas d'abord à notre intelligence, mais à notre cœur, pour nous communiquer l'expérience intérieure de la foi et nous donner, de cette façon, encore plus de force et de courage.

Les chrétiens qui écoutèrent pour la première fois l'Apocalypse, ne comprirent sans doute pas le sens de tous les détails (cela d'ailleurs ne les intéressaient peut-être pas). Mais le message était clair: la main de Dieu était sur eux comme 'la nuée' qui les protégeaient et les rendaient invincibles. Ils pouvaient saisir ce que signifiait la persécution -une étape dans la construction du Royaume- et ils pouvaient aller de l'avant. Jean n'explique pas la force et la protection de Dieu, il les fait sentir sur chacun; ce n'est pas du niveau de la compréhension, mais de communion. L'Apocalypse est une symphonie cosmique qui invite à vibrer à l'unisson de Dieu.

2.      Deuxième réponse: transformer la nostalgie en espérance active

Les visions de l'Apocalypse sont remplies d'évocations de l'Ancien Testament, plus particulièrement des livres d'Ezéquiel, Isaïe, Daniel, Zacharie. C'est un passé de foi et de lutte que Jean veut rappeler, depuis la création jusqu'à l'exil et l'attente du Messie; mais, attention ce n'est pas pour s'enfuir dans un rêve merveilleux et larmoyant. Jean construit le Nouveau Testament et l'Eglise avec les pierres de l'Ancien, pour que tous continuent le gros œuvre.

Or les chrétiens d'alors connaissaient bien l'A.T. : un mot leur en révélait une page, devenait tout un personnage, comme une photo qui nous parle d'une tranche de notre vie. Ce passé devient pour les Communautés le miroir du présent -Dieu continue ses merveilles aujourd’hui- et un viatique pour la route. Hier, c'est aujourd'hui; et demain sera meilleur, si tu le veux ainsi. Le passé ranime la braise sous la cendre afin que jaillisse la lumière nécessaire pour avancer. La mémoire devient un phare: Dieu est toujours l'Emmanuel, celui qui était, qui est et qui vient. Les nostalgiques du passé peuvent devenir les protagonistes du Royaume.

3.      Troisième réponse: communiquer la paix de Dieu

Dans l'Apocalypse, on a l'impression que le seul qui agit, c'est Dieu. Et une certaine lecture de l'Apocalypse peut détourner de l’histoire des hommes et nous dispenser de lutter pour la justice. Mais ce ne sont pas les conclusions que tiraient les premières Communautés. Le défi que leur lançait Jean, était justement de puiser dans son message la lumière pour voir Dieu avec elles, le courage de lutter contre les faux dieux et la fidélité dans la construction du Royaume.

Jean emmène ses Communautés au ciel, près du trône de Dieu, dans des batailles titanesques, pour leur communiquer la force et la paix de leur Seigneur, car c'est lui qui dirige les opérations contre l'injustice, l'oppression et la mort causées par l'empire. Eux, les combattants du front ne peuvent pas pressentir l'issue des combats; ils semblent même se croire perdus. Jean leur donne la vision 'd'en haut' : vous êtes gagnants! Alors la lutte a déjà la saveur de la victoire. Ayez courage: encore un effort!

4.      Quatrième réponse: se défendre des oppresseurs

En temps de persécution, une parole de trop peut être fatale. Aussi tout message doit-il être anodin pour les uns, mais significatif pour les autres. Jean ne pouvait pas dire que l'Empire était leur ennemi et qu'il fallait le détruire, à commencer par l'empereur. Par contre, leur parler d'une bête imaginaire, porteuse d'un numéro, leur décrire une prostituée montée sur un dragon à sept têtes, c'était faire à ses correspondants un clin d'œil complice qu'il devait comprendre: il s'agissait de Dioclétien, de sa ville capitale, et du sort qui leur était réservé.

Jean utilise cette imagerie pour dissimuler son message, éclairer ses lecteurs et les inviter à faire preuve d'astuce et d'imagination, comme lui, pour se protéger et se défendre: devenez plus 'avisés que les fils du monde' (Lc. 16,8), et 'soyez simples comme des colombes et prudents comme des serpents' (Mt. 10,16).

5.      Cinquième réponse: pour que le message passe

Souvent, un petit dessin en dit plus long qu'un long discours, une image parle plus qu’un grand sermon. Le peuple des pauvres préfère le monde vivant des images et des couleurs, des gestes et des symboles: c'est d'ailleurs une part importante de sa culture et de sa sagesse séculaires. L'Apocalypse s'enracine dans ce terreau-là. Elle n'est pas la chaire du haut de laquelle un professeur dispenserait des vérités éthérées à un auditoire confortablement assis. C'est un feu d'artifice de portraits, de voyages, de rêves aux ensembles saisissants, une forêt de symboles tous plus parlant les uns que les autres: un arc-en-ciel pour une fête sans fin. Il n'est pas nécessaire de tout comprendre, mais de se laisser séduire et entrainer dans son dynamisme de foi et de libération. 'Le ciel est par-dessus le toit / Si bleu, si calme'. L'Apocalypse est une immense fresque dont les tableaux s'éclairent entre eux, où les lignes se complètent pour livrer leur secret dans le concret de la vie et de la lutte des Peuples.

 

B. LES VISIONS NE CONNAISSENT PAS LES DEMI-MESURES

Dans les visions de l'Apocalypse, ou tout est bon, ou tout est mauvais : tout est clair, ou tout est obscur. On voyage de contrastes en contrastes : d'un côté le dragon et la bête face à l'Agneau et ses soldats à la tunique blanche, de l'autre Rome et la grande prostituée face à Jésus et sa fiancée resplendissante. Jean sait que la réalité n'est pas ainsi, ni la vie des Communautés.

1.      La situation politique était confuse

Luc avait présenté, dans les Actes de Apôtres, l'Empire romain comme plutôt favorable à l'extension du christianisme. Dans ses lettres Paul demandait même l'obéissance aux autorités en place (Romains 13,1-2). A l'époque de Jean, la situation avait changé : les autorités de l'empire persécutaient les chrétiens s'ils n'adoraient pas leurs dieux. L'empire était un loup déguisé en agneau. Personne ne pouvait plus s'y tromper.

2.      La décision apportée par l'Apocalypse

Jean n'entre pas dans les détails. La cause de tout le mal qui arrive aux Communautés, ne vient pas de quelques fonctionnaires mauvais ou trop zélés, comme si le système impérial était bon en lui-même. Il veut faire comprendre clairement que l'empire en soi est fondamentalement pervers : ses projets et son organisation conduisent à le rendre maître absolu de tout et de tous. Il faut donc le condamner sans tergiversations.

Si Jean est aussi dur, c'est qu'il justifie cette condamnation a posteriori: ce qui va arriver à l'empire, c'est sa chute, et avec lui, celle de tous ceux qui ont cru en lui. Seuls, ceux qui sont avec Dieu triompheront avec lui. Il faut donc condamner ce monstre. En conséquence, tout ce qui contribue au maintien de l'empire est mauvais, puisque celui-ci persécute les élus de Dieu: il ne peut y avoir d'alliance possible avec Satan et l'empire du mal. C'est pourquoi Jean invite les chrétiens à s'opposer à lui-même au prix de la mort: il y va de salut des chrétiens et de leur fidélité à Jésus-Christ. C'est seulement de cette façon que l'Eglise deviendra le signe de la victoire définitive du bien sur le mal, de la vérité sur le mensonge, de la fraternité sur l'injustice. Telle est la raison des affirmations en noir et blanc de Jean: juger l'empire et agir en conséquence.

3.      Suggestions sur le sens des principaux symboles

-        La femme enceinte (12,1) représente le Peuple de Dieu, Marie, en train d'enfanter le Messie, le Libérateur de Communautés.

-        Le Dragon et le serpent (12,3,9) représentent le pouvoir du mal qui agit dans le monde : c'est Satan matérialisé.

-        Les sept têtes sont les sept collines de Rome (12,3; 17,9-10).

-        Les dix cornes (12,3) représentent le pouvoir suprême; le chiffre 10 indique la totalité.

-        Les chiffres 1260 (12,6), 42 mois (11,2), un demi temps (12,14) représentent la moitié de 7 années, c'est-à-dire un temps imparfait; Dieu limite le temps de la persécution.

-        Les ailes de l'aigle (12,14) représentent la protection de Dieu sur son Peuple (Deutéronome 32,1l; Ex.19,4).

-        La bête (13,1), pareille à un agneau mais à la voix de dragon, représente les faux prophètes qui justifient et légitiment l'empire.

-        La panthère, l'ours, le lion (13,2) signifient la voracité des exploiteurs.

-        L'Agneau (14-,1), c'est Jésus dont le sacrifice libère son peuple.

-        Les 144.000 vierges représentent le chiffre parfait (14,1-4) de ceux qui n'adorèrent pas les faux dieux (12 de l'A.T. et 12 du N.T., multipliés par 1.000).

-        Babylone (14,8; 18,2) est l'autre nom de Rome qui exploite les Peuples pour s'enrichir.

-        Le Fils de l'Homme (14,14), c'est Jésus de Nazareth (cf. Dn. 7,13).

-        Hamarguédon (16,16) rappelle le lieu de défaite des ennemis du Peuple de Dieu (Zacharie 12,11).

-        La couleur blanche (19,14) est le symbole de la victoire.

-        Les 1.000 années (20,2-7) représentent le temps indéfini qui sépare la fin de la persécution de la fin du monde.

-        Le lac de feu (20,llf) indique la destinée de ceux qui s'opposent au plan de Dieu.

-        La deuxième mort (20, 14) sera la défaite de la mort qui laissera la place à la vie seule.

-        Les noces de l'Agneau (19,9; 21,2) représentent la victoire et la fête éternelle de Jésus avec son Peuple.

-        La nouvelle Jérusalem (22,2) représente le nouveau Peuple de Dieu libre et fraternel.

-        Alpha et Oméga (21,6) sont les première et dernière lettres de l'alphabet grec : Dieu est l'origine et la fin de tout.

 

Chapitre 4 : LE VOILE EST RETIRE, APPARAIT LE VISAGE DE DIEU

 

Pour les communautés, Jean situe les évènements dans le déroulement de l'histoire, en les divisant en étapes successives et en embrassant d'un seul regard passé, présent et futur. Les différentes interventions de Dieu apparaissent ainsi plus clairement.

 

A. LA DIVISION DE L'HISTOIRE EN ETAPES

Jean aide d'abord les Communautés à se localiser dans le long cheminement du Peuple de Dieu : la mise en route est commencée depuis bien longtemps. Elle comprend des passages agréables et tranquilles, mais aussi des sentiers effacés, des éboulements et des catastrophes où il est difficile de trouver l'issue de secours.

 

B. LE PASSE EST PRESENTE COMME FUTUR

Les visions conduisent l'auteur de l'Apocalypse dans le passé, jusqu'à la création du monde, c'est-à-dire aux débuts du plan de Dieu. A partir de là, il regarde le futur et annonce ce qui va arriver; une partie de ce futur a déjà eu lieu: il y a tout l'A.T.; l'évènement Jésus-Christ revêt une importance capitale. L'époque récente (1er premier siècle) est divisée en deux par la persécution de Néron en 64. Et Jean continue sa prospective jusqu'à la fin des temps. A cause de la persécution dont sont victimes les Communautés, Jean donne du relief au sens qui se révèle dans l'époque de Néron et dans celle de Dioclétien.

 

C. SENS DU PREMIER ITINERAIRE : DIEU EST TOUJOUIRS LE LIBERATEUR

Jean fait une comparaison de la situation actuelle avec celle soufferte sous Néron. Mais auparavant, il prend son point de départ avec Jésus. Suivons-le dans sa vision. Il voit la porte du ciel ouverte, il y entre et voit le trône de Dieu. Apparaît ensuite l'Agneau, avec une blessure mortelle, qui reçoit un livre fermé par sept sceaux: c'est le moment après la résurrection de Jésus, son entrée dans la gloire à la droite du Père. Jean nous fait comprendre que nous sommes entrés dans la dernière étape du plan de Dieu. A partir de ce point de vue, Jean regarde le futur et le décrit par étapes successives, jusqu'à la fin des temps. C'est alors la rupture des sept sceaux, chacun représentant une nouvelle étape.

Les quatre premières étapes rendent compte de ce qui s'est passé entre les années 33 et 95 : cela est connu des Communautés. La cinquième étape décrit la persécution de l'an 95 : il voit les morts victorieux (à la robe blanche), décrit le pouvoir de Dieu et invite à patienter, car c'est bientôt la fin. La sixième étape comprend tout ce qui va arriver après l'année 95 jusqu'à la fin du monde. La septième étape décrit le bout du chemin: la fête nous attend à l'arrivée.

C'est le plan de route des Communautés: celles-ci, semblables au voyageur qui se situe sur le chemin parcouru, se rendent compte où elles en sont, qu'est-ce qui se passe, où elles vont et ce qui les attend. Rassurées, illuminées, réconfortées, elles peuvent continuer la route et se préparer plus efficacement à affronter ce qui va se présenter. De toute façon, 'on en sortira gagnants', car Dieu est avec nous pour nous libérer.

 

D. SENS DU DEUXIEME ITINERAIRE: DIEU DETRUIRA LES OPPRESSEURS DU PEUPLE

Le chapitre 12 marque un nouveau commencement. Jean voit une femme dans les douleurs de l'enfantement, et un dragon qui se prépare à dévorer l'enfant qui va naître. Le livre de la Genès (3,15) annonçait déjà cette inimitié. Mais l'enfant est attiré au ciel, la femme se réfugie au désert et le dragon est vaincu au cours d'une terrible bataille. C'est l'interprétation de la résurrection de Jésus qui ouvre la porte à une nouvelle création-libération pour l'Eglise. Jean reprend là tout ce qui s'est passé entre les années 33 et 95, à partir d'un nouveau point de vue, plus ample.

Il fait comprendre plus clairement qu'il y a d'un côté l'empire romain -la bête- qui a hérité son pouvoir de Satan -le dragon-, et de l'autre Jésus -l'agneau- qui a reçu de Dieu tout pouvoir -le trône- et qu'il peut l'exercer victorieusement -la bataille. Jean annonce ensuite ce qui se prépare pour les siècles futurs: la condamnation et la défaite des forces du mal. Dans ce deuxième itinéraire, Dieu est à l'œuvre par l'intermédiaire de son Fils, le nouveau libérateur, que la résurrection a établi Juge de toute la création: la libération termine par la victoire définitive du Peuple de Dieu sur toutes les forces du mal. Les Communautés y voient encore plus clair: le futur est définitivement ouvert, puisque les oppresseurs, non seulement cesseront d'opprimer, mais encore seront détruits.

 

E. SEPT CONSEILS DE LECTURE DONNES PAR JEAN

Non seulement Jean explique le sens de la persécution, l'action de Dieu, la mémère de vivre en Fidélité à l'Evangile; il parsème son récit de conseils pour apprendre à faire tout cela par soi-même.

1.      C'est en communauté qu'il faut lire et interpréter l'Ecriture. Dès les premières lignes de l’Apocalypse Jean attire notre attention : 'Heureux celui qui lit et ceux qui écoutent et gardent ces paroles' (1,3). Il n'y en a qu'un qui lit, mais ils sont plusieurs à écouter et garder. Son livre, comme toute la Bible, est fait pour être lu, partagé et vécu ensemble, en communauté.

2.      Ne rien ajouter ni ne rien enlever. L'Apocalypse est un livre souvent cité et auquel on associe des aspects terrifiants. Jean nous invite à la lire jusqu'au bout, sans 'broder ni cisailler'. Il y a à la clé une promesse de bonheur. Laissons-nous guider et sachons persévérer : le livre forme un tout, tel un arbre qu’il ne faut ni tronquer, ni enjoliver, car on risquerait d’en perdre la sève et d’en confondre les fruits (22,18-19).

3.      L'appliquer intelligemment. Jean n'écrit pas à des intellectuels, mais à des gens simples et généreux: il croit en leur sagesse. Par deux fois il fait appel à leur discernement (19.18) et à leur intelligence pratique (17,19). Lorsque des pauvres se réunissent pour partager collectivement leur intelligence des évènements, leur sagesse de vie et leur vision de foi, ils ouvrent un chemin vers Dieu.

4.      Avoir soif de vérité et de vie. L'Apocalypse est source de lumière et exigence de vie pour celui qui cherche la vérité et l'absolu. S'il se lance à leur quête avec l'aide d'autres frères et de l'Apocalypse, il ne sera pas déçu (22,17). De plus, notre solidarité avec les pauvres et les humbles est la garantie du droit chemin (Mt. 11,25-26): Dieu s'y est caché. Ne craignons rien: le chemin s'ouvre sous les pas de Celui qui avance.

5.      S'ouvrir à l'action de l'Esprit-saint. L'Apocalypse est une parole de Dieu marquée du sceau de l'Esprit (1,1-3): l'ange qui parle aux Eglise n'est autre que lui. Son message continue de se propager aujourd'hui dans son éternelle nouveauté: la Parole de Dieu se reçoit dans la prière pour que l'Esprit ouvre notre cœur, notre intelligence et notre volonté pour aimer, comprendre et agir en vérité.

6.      Conclure par les sacrements. 'L'Epouse et l'Esprit disent: Viens!' (22.17). L'Epouse, c'est l'Eglise animée par l'Esprit, c'est la Communauté en prière et en action selon l'Esprit. L'Apocalypse a été écrite comme une grande liturgie qui reprend les merveilles de Dieu et alimente les membres du Peuple de Dieu. Elle est une invitation à vivre les sacrements, en particulier l’Eucharistie, dans cette perspective : rendre grâces à Dieu et nous fortifier. De plus nous devons être pour le monde ce sacrement, cette prière, cette prophétie vivante et victorieuse; son message est donné pour en faire une expression collective, et celui-ci est un culte au Père dans l'Esprit.

7.      Pratiquer la Parole proclamée. Il ne suffit pas de connaître, d'écouter, de prier: l'Apocalypse nous exige de la mettre en acte la Parole écoutée. C'est une parole à 'garder' (1,3; 22,7,10), c'est-à-dire à pratiquer: tel est son but pour qu’elle ne meure pas et nous avec. Ce que dénonçait l'Apocalypse est encore une réalité aujourd'hui, toute proche de nous. Il est si facile de collaborer, de justifier et de fortifier les divinités et l’empire qui nous oppriment, exploitent et tuent au nom des fausses idoles qu'il fabrique de toute pièce. L'Apocalypse anime notre lutte contre la bête aux multiples têtes.

 

« Celui qui a des oreilles, qu’il entende ce que l’Esprit dit aux Eglises ».

 

Chapitre 5: LES LETTRES AUX SEPT COMMUNAUTES PERSECUTEES

 

A. LA CONSTRUCTION LITTERAIRE DE L'APOCALYPSE

L'Apocalypse ressemble à la maison des pauvres: elle a grandi peu à peu. D'abord, il n'y a qu'une pièce (ch. 4 à 11); ensuite, quand le besoin s'en fait sentir et qu'on en a les moyens, on ajoute une nouvelle salle (ch. 12 à 22, en l'an 95 -la partie antérieure datait de l'an 64-) ; puis on y arrange un auvent (ch. 1 à 3) et, par derrière, un petit jardin (ch. 22,6-21). La maison est terminée, bien des années après avoir posé la première pierre. De même l'Apocalypse. Nous n'allons pas suivre les étapes qu'a connues Jean, mais entrer directement par l'auvent pour avancer jusqu'au fond du jardin, une fois que tout est bien fini, comme ont fait les premières Communautés chrétiennes. Disons également que, généralement, les plus persécutes s'y sentent plus à leur aise.

 

B. LE TITRE DE L'APOCALYPSE ET SON RESUME (1,1-3)

Jean lui-même nous donne le titre de son livre dans le premier mot : 'Révélation de Jésus-Christ'. Et il nous explique son propos immédiatement après, en' présentant :

-        son origine: c'est Dieu lui-même,

-        sa valeur: c'est une Parole de Dieu confirmée par Jésus-Christ,

-        son exigence : elle a été écrite pour être lue et pratiquée en Communauté,

-        sa récompense: elle apportera à ceux qui la 'gardent' succès et bonheur,

-        son urgence vient de ce que le temps presse.

 

C. L'INTRODUCTION OU SALUT INITIAL (1,5-8)

Dans cette partie, Jean désire à ses lecteurs des vœux de 'grâce et de paix', de la part de Dieu trinitaire. Aujourd'hui, nous aurions utilisé la formule du signe de la croix. Jean est plus ample: il nous parle au nom de 'Celui qui était, qui est et qui vient', des 'Sept Esprits' et de 'Jésus-Christ'. Tout cela n'est pas sans importance.

1.      Le Père : 'celui qui était, qui est et qui vient'. Il s'agit du 'Dieu fidèle', du Dieu-avec-nous, qui nous accompagne dans l'histoire. Remarquons qu'au chapitre 11, la formule est amputée de la dernière partie; il ne reste que: 'Celui qui était et qui est' (v.l7). C'est qu'auparavant Jean nous a déjà dit qu'il était venu en Jésus-Christ. Et le Ressuscité ne s'est pas enfui auprès du père; il continue d'assurer sa présence et d'assumer la continuité de son Royaume par son appui à l'Eglise des Communautés: Dieu n'a pas d'autre histoire que celle de son Peuple; celui-ci en fait l'expérience par son action libératrice (Ex. 3,1-15).

2.      L'Esprit-saint: 'les sept Esprits qui sont devant le trône de Dieu'. L'Esprit-Saint est l'action continue de Dieu dans la vie et dans l'histoire des hommes : 'il remplit toute la terre' (Sagesse 1,7). Le Chiffre 'sept' indique cette plénitude: rien n'échappe à sa mouvance. Il est devant le trône afin d'écouter directement ses volontés et de les exécuter immédiatement.

3.      Jésus-Christ: 'le Témoin fidèle, le premier Né d'entre les morts, le Prince des rois de la terre'. Jean énumère les principaux titres de Jésus-Christ dont il va développer l'efficacité dans son livre. C'est le Témoin fidèle, car il obéit en tout et parfaitement jusqu'à la mort (Philipiens 2,6-11). Il notre frère aîné, car il nous a devancés dans la victoire sur la mort (1 Jn. 5, 18-19). Il a reçu de Dieu le pouvoir suprême afin de faire de nous 'la race élue, la communauté sacerdotale, la nation sainte.' (1 Pierre 2,9-10) : il est le roi de cette Communauté médiatrice entre Dieu et l'humanité.

Ce salut initial et trinitaire forme en quelque sorte la synthèse de la Bonne Nouvelle de l'Apocalypse.

 

D. A L'ORIGINE DU LIVRE IL Y A LA VISION DE JESUS (1,9-20)

Lors d'un jour du Seigneur, Jésus lui-même donne à Jean 'l'ordre d'écrire ce qu'il voit et d'en envoyer le livre aux Communautés' (1,11,19). Pourquoi Jean commence-t-il de cette façon son livre?

1.      La clé de lecture pour entrer dans la vision. Jean ne va pas écrire en technicien spécialisé ni en professeur émérite, mais comme un poète et un peintre. La vision est comme un rêve éveillé dont les tableaux et les images vont exprimer la force de l'amour, la vanité du pouvoir et la sainteté de Jésus. Les détails du chef-d’œuvre ne sont là que pour faire ressortir d'avantage le message d'ensemble: c'est plutôt une invitation à la communion qu'un rébus à déchiffrer. C'est un défi de fidélité qui est proposé aux Communautés persécutées pour un sursaut de foi et de vitalité.

2.      Entrer dans le genre apocalyptique. Pour les chrétiens du premier siècle, la plupart des signes et des images que Jean utilise avait un sens. Pour nous, il n'en est pas de même; de plus l'imaginaire poétique et mystique n'est pas un mode courant d'expression théologique. Cependant, si nous nous efforçons de nous solidariser avec les pauvres et d'en comprendre peu à peu de l'intérieur la culture propre, nous entrerons dans l'Apocalypse comme dans un monde familier et sa musique nous séduira et nous passionnera pour la construction du Royaume. L'Apocalypse se déploie comme une aurore boréale pour des temps nouveaux.

 

E. LES SEPT LETTRES AUX SEPT COMMUNAUTES PERSECUTEES (2,1 - 3,22)

Il s'agit à d'une série de lettres brèves, simples et personnelles, dirigées aux 7 Communautés d'Asie Mineure que Jean connaissait bien. Elles subissent, comme lui, une dure persécution. Toutes ces lettres ont été composées de la même manière, avec sept points communs : elles sont

-                            adressées à "l'ange de la Communauté" c'est-à-dire à son gardien,

-     présentées comme Parole de Jésus,

-     caractérisées par un titre, chaque fois différent, donné à ce même Jésus,

-     commencées par une description flatteuse (sauf pour une : 3,1),

-     dirigées sous forme d'avertissement précis,

-     scandées par une phrase identique : 'Celui qui a des oreilles, qu'il entende !’

-     terminées par une promesse : 'Au vainqueur, je donnerai…'.

 

E. UNE GRILLE DE LECTURE DE CES LETTRES

Recherchons :

-        la situation de chaque Communauté,

-        sa manière propre d'affronter les difficultés,

-        les textes de l'A.T. qui alimentent sa lutte,

-        les titres de Jésus qui éclairent sa foi,

-        la beauté des images et des comparaisons,

-        une complicité personnelle avec le vainqueur,

-        une modèle de lettre pour aujourd'hui,... car, si nous participons dans des Communautés Ecclésiales de Base, nous pouvons découvrir que, lorsque celles-ci s'écrivent, en particulier quand elles sont persécutées, leurs lettres sont parfois très proches de celles de l'Apocalypse.

 

Chapitre 6 : PREMIER ITINERAIRE DU CHEMINEMENT DES COMMUNAUTES:

DIEU LIBERE SON PEUPLE.

 

Après ses lettres, Jean invite les Communautés à regarder les choses 'd'en haut', comme les voit Dieu, pour qu'elles fassent l'expérience de sa présence active: 'Vous saurez que je suis le Seigneur, votre Dieu et votre libérateur'. Entrons avec les Communautés dans ce panorama lumineux pour nous laisser émouvoir, enthousiasmer et convertir, afin de devenir plus passionnés de Dieu et des hommes.

 

A. LA VISION DU TRONE DE DIEU (4,1-11)

'Le trône' est comme la toile de fond de l'apocalypse, qui l'enveloppe du début jusqu’à la fin (1,4 ; 22,3) : Dieu dirige en maître l'œuvre de la Rédemption. Le nom de Dieu ouvre (4,8) et ferme tout cet acte (11,17); il ne change pas : il est le Libérateur hier, aujourd'hui et demain (Ex. 6,7).

 

B. LA VISION DE L'AGNEAU BLESSE A MORT. (5,1-14)

Dieu tient dans ses mains un livre scellé que personne ne peut ouvrir: Dieu aurait-il perdu le contrôle de l'histoire, dont le plan est caché dans les pages du livre? 'Le Lion de Juda en est seul capable', c'est-à-dire l'Agneau qui vient d'être immolé: Jésus fait son entrée triomphale et reçoit le livre des mains de Dieu pour l'ouvrir et exécuter le programme qu'il contient. Il est le nouvel Agneau Pascal (Ex.12,13-14) qui vient de libérer le Peuple de Dieu définitivement, et il en fait 'un royaume de prêtres' (Ex. 19,6) : on peut même chanter victoire comme hier après le passage de la Mer Rouge (5,9-14 = Ex. 15,1-22).

Beaucoup d'hymnes parcourent l'Apocalypse, tels des 'fortissimo qui en rythment les pages : la symphonie se déploie dans toute sa grandeur. Jean veut enseigner aux Communautés à célébrer leur foi, leur vie, leurs luttes, leurs avancées. La marche du Peuple de Dieu n'est pas celui d’un cortège funèbre, mais une procession aux flambeaux, célébrant ses exodes successifs. Le passé illumine le présent dont il faut également se réjouir.

 

C. L'OUVERTURE DU LIVRE AUX SEPT SCEAUX (6,1-17)

Jésus rompt les sceaux afin de permettre le déroulement de l'histoire humaine selon le plan de Dieu. Au cinquième sceau, les Communautés reconnaissent qu'il s'agit de leur époque: Jean leur annonce alors que l'épreuve tire à sa fin. Puis viennent les dernières scènes : le futur également appartient à Dieu. Dans la lutte séculaire - sans date - entre le Bien et le Mal, les acteurs sont tous les hommes : mais chacun a choisi son camp. Malheur à ceux qui se sont laissé confondre et pervertir.

1.      Le recensement du désert. (6,9-10). Jean revien1fsur l'époque des Communautés (6° sceau) : c'est comme un retour en arrière. Comme après l'Exode (Nombres 1,20-43), faisons le compte de nos forces, réorganisons nous, identifions-nous pour éviter la dispersion et la destruction. Seulement, se reconnaître, c'est vivre selon la loi de Dieu, créer déjà l'empire de l'amour qui supplantera l'empire de la mort. La foi n'est pas une idée, mais une manière de vivre.

2.      La multitude que nul ne peut dénombrer (7,9-17). Une foule innombrable est entrée dans le camp de Dieu : la Rédemption atteint tous les hommes; sa tente les abrite, comme hier les hébreux au désert, et il les conduit aux sources d'eau vive. Si les Communautés sont la part que Dieu s'est réservée (Ex. 19,5), c'est pour être les témoins conscients et organisés de ce que l'Humanité recherche à tâtons. Cette alternative de fraternité victorieuse se forge dans la lutte.

3.      La rupture du septième sceau. (8,1 - 10,7). Voilà l'ultime chorégraphie: le jugement dernier. Le tableau reprend le cadre des plaies d'Egypte (Ex. 7,8-10,29), mais dans l'édition revue et augmentée du livre de la Sagesse (la 6° plaie est propre au livre de la Sage 11,15-20).

 

Le châtiment est sévère, mais Dieu ne refuse pas son pardon: l'application des plaies est incomplète (un tiers est toujours épargné : 8,7 - 9,15) : aujourd’hui comme hier, Caïn a toujours sa chance, pour se convertir (Gn. 4,15 = Sage 12,2). Mais, malheur à ceux qui restent attachés à leurs idoles : ils périront avec elles!

 

D. LA REALITE DEFINITIVE DU ROYAUME DE DIEU (11,14--19)

C'est le bouquet final, la célébration définitive, la fête sans fin: le Règne définitif du Christ sur toute la création, dans une action de grâces éternelle. L'Exode termine en libération et la libération en Royaume : tel est le dénouement de l'histoire de l 'Humanité qui avance au pas à pas de sa longue marche.

Jean est un artiste de génie : la magie des couleurs révèle le sens des évènements, la Bonne Nouvelle de Jésus et les traits du visage de Dieu. La rupture du septième sceau correspond à la persécution de Dioclétien: ce n'est pas un point d'orgue, mais le passage à un second clavier pour l'apothéose finale. La 7° plaie va être reprise et prolongée par tout l'orchestre: c'est le deuxième itinéraire proposé aux Communautés. Ainsi, elles pourront plus facilement affronter les difficultés. 'La Prophétie continue'(l0,1), d'abord en mineur, puis en majeur pour célébrer 'les cieux nouveaux et la terre nouvelle'.

 

Chapitre 7 : DEUXIEME ITINERAIRE DU CHEMINEMENT DES COMMUNAUTES :

DIEU DETRUIT LES OPPRESSEURS.

 

Le premier itinéraire s'était tissé sur la trame de l'Exode et du Dieu libérateur. Le deuxième aborde directement le Jugement dernier et le châtiment des oppresseurs. C'est une reprise du même schéma historique: le passé qui va de l'an 33 à l'an 95, le présent qui est l'époque de la persécution de Dioclétien et le futur jusqu'à la fin du monde, mais avec un nouveau message à l'adresse des persécuteurs: 'Contre votre gré, demain sera un jour nouveau: triste pour vous et d'allégresse pour vos victimes!'.

 

A. LE PASSE: LA LUTTE DE LA FEMME ENCEINTE ET DU DRAGON (12,1-17)

1.      Dieu prend position en faveur de la vie menacée (12,1-6)

La lutte s'articule à partir de l'inimitié amorcée lors de la création du monde (Gn. 3, 15). La femme dans les douleurs de l'enfantement, c'est l 'Humanité en naissance perpétuelle vers sa taille parfaite. C'est également Marie, modèle et prémisse de l'Humanité future. Cet enfantement se forge dans la lutte de la vie contre la mort. Le dragon représente le 'serpent' du Paradis Terrestre; c'est Satan (Mt. 4,1): le pouvoir du mal et de la mort qui pèse sur toute vie dès sa naissance.

Mais, Dieu n'est pas un spectateur tristement amusé de ce jeu mortel. Il prend fait et cause pour la vie. Il en est le créateur et le défenseur. C'est pourquoi il a ressuscité Jésus qui a voulu passer par elle, entrant dans sa victoire provisoire, pour en faire une défaite totale. Aussi Jésus devient-il à jamais le Pantocrator. Quant à l'Humanité harcelée, elle se réfugie au désert, lieu des fiançailles de Dieu avec son Peuple (Osée 2,16-25). Le dragon est vaincu: le compte à rebours est commencé.

2.      Le dragon chassé du ciel (12,7-12)

Suivant la croyance de l'époque, Satan servait d'Accusateur qui vivait près de Dieu pour l'informer des péchés des hommes (Job 1,6-12, 2,3-7). Or Jésus a expie nos péchés: notre foi et notre vie nous associent à cette purification. Notre Accusateur n'a plus de raison d'être : le Diable a perdu son emploi et sa place. Les persécutions sont sa manière désespérée de se venger.

3.      Les persécutions contre l'Eglise (12,13-17)

Le Diable a perdu la bataille, mais il se livre encore à des escarmouches contre la mère de l'Enfant qui représente aussi l'Eglise (1 'Humanité sauvée). Il est en train de vomir sur elle, pour la noyer, un fleuve qui n'est autre que l'empire romain. Peine perdue, Dieu la protège, et la terre ouvre un abîme où le fleuve s'engloutit. L'histoire est favorable au Peuple de Dieu persécuté.

Ainsi termine la première étape du jugement de Dieu: les persécutions sont les derniers soubresauts de la Bête agonisante. Sa violence n'a d'égal que sa peur et sa faiblesse.

 

B. LE PRESENT: LES DEUX ADVERSAIRES EN PRESENCE SONT SATAN ET L'AGEAU (13,1 - 14,5)

Jusque-là, Jean avait parlé de la persécution, mais non du persécuteur. Ecoutons son opinion sur l'Empire Romain.

1.      La bête qui combat les communautés est l'empire romain. (13,1-18)

Jean voit une bête sortir de la mer et un dragon lui donner son pouvoir maléfique. La mer symbolise le lieu du mal : l'empire romain est la bête sortie de la mer; il n'est pas d'origine divine, mais diabolique, car il a reçu de Satan (1e dragon) son pouvoir. On dirait une hydre à plusieurs têtes, car une persécution en remplace une autre. La Bête a ses prophètes qui ensorcellent, et ses inconditionnels qui lui sacrifient jusqu'à père et mère: l'empire subsiste grâce à leur services funèbres. Jean révèle même le code secret de l'empereur : 666. Toute la machine infernale reste à découvert: il s'agit de ne pas se laisser tromper, mais de se défendre et survivre.

2.      L'agneau et son armée = les communautés résistent à l'empire (14-15)

Dans cette lutte à mort, il n’y a rien de commun entre les deux adversaires: c'est l'opposition radicale entre eux et leur camp, d'une part l’Agneau, Jérusalem et les chrétiens, de l'autre la Bête, Rome et ses sbires, avec la Vérité et le mensonge, et la dynamique de la victoire face à l'angoisse de la défaite. On entend déjà comme la rumeur croissante d'un chant d'action de grâces qui couvre toute la terre, car la lutte des Communautés préparent un monde nouveau selon le cœur de Dieu par leur fidélité, leur fraternité et leur témoignage courageux.

Là termine la deuxième étape du jugement de Dieu: C'est l'aujourd'hui dont Jean est le témoin privilégié. Il voit les Communautés telle une petite graine qui devient Un grand arbre contre lequel l'ouragan va s'essouffler.

 

C. LE FUTUR: LA CONDAMNATION DE LA BETE ET DU DRAGON (l4,6-20,15)

Après le passé et le présent de la marche des Communautés - et de l'Eglise -, Voici maintenant ses lendemains. L'inimitié nouée au Paradis Terrestre va se dénouer tragiquement pour les persécuteurs du Peuple de Dieu. Tirons-en les trois liens.

1.          La venue du jour du jugement (14,14-20)

Le Messie est le Juge principal. Tout est prêt pour la session: la faucille attend la moisson, et les cuves le raisin vendangé. Le travail commence. Grâce à cette vision, Jean veut faire comprendre aux Communautés que le jugement est en marche depuis la résurrection de Jésus : les persécuteurs des Communautés sont déjà condamnés et la destruction de l'empire est amorcée. La fin de l'histoire marquera la victoire de l'Eglise sur toutes les formes du mal.

2.      La chute de Babylone (15,1-19,10).

Comme en Egypte, les plaies vont frapper la capitale de l'empire, et le Peuple de Dieu pourra célébrer l'Alliance après le passage de la Mer Rouge (Ex. 19 et 24). Mais plus sévèrement punie que l'Egypte, Rome sera détruite, car elle a refusé de se convertir, tant elle était attachée à ses idoles. Au passage, Jean dénonce les péchés de l’Empire: celui-ci est devenu un repaire du démon à cause de sa soif insatiable de pouvoir et de richesses. La fête liturgique s'ordonne autour de quatre hymnes: le temps des épousailles de l'Agneau et de sa Fiancé -les Communautés et l'Eglise- est proche.

3.      La débâcle finale du dragon, de la bête et de ses adorateurs (19,11-20,15).

Le sens général de cette partie, encore plus  symbolique, est que le mal, en dernière instance, sera totalement annihilé. La victoire du bien sur le mal sera indéniable.

-        La première défaite (19,11-21) : Jésus combat et défait Is rois de la terre, adorateurs du mal, et leur suite périt également avec eux.

-        Le Royaume millénaire (20,1-6) : Les ressuscités sont les martyrs de la persécution actuelle. Ils favoriseront la croissance des Communautés durant mille ans, c'est-à-dire tout le temps qui s'étend jusqu'à la fin du monde (dont seul le père en connaît la date Mc. 13,32).

-        La seconde défaite et le jugement dernier (20,7-15) : Une ultime tentative du démon sème la panique avant sa chute définitive. Mais survient la 'seconde mort' : ceux qui ont été justifiés pat leur œuvres y échapperont, mais ceux qui ont commis le mal durant leur vie la souffriront. C'est la mort de la mort. Après cela, il n’y a place désormais que pour la vie à l'infini: la paix peut éclater.

 

D. LA FETE QUI VIENDRA EST DEJA COMMENCEE (21,1-22,5)

1.      Les cieux nouveaux et la terre nouvelle.

Le bout du chemin marquera l'aube d'une création nouvelle. Celle-ci sera, à la fois, don de Dieu et fruit des luttes humaines: cadeau divin et œuvre de l'acharnement humain. La libération atteint la liberté dans la fraternité et la communion avec Dieu: c'est le Royaume dans un face à face éblouissant avec Dieu (1 Cor. 2,9). Mais ce futur est diffus dans chaque aujourd'hui. Amplifions la vie qui est la visibilité de ce Royaume: manifestons dès maintenant ce qui nous attend en plénitude au bout du chemin. C'est une manière efficace révéler le sens des évènements, proclamer la Bonne Nouvelle de jésus, faire reculer l'empire du mal, construire l'Eglise comme Peuple serviteur de l'espérance de l'Humanité.

2.      Nos luttes construisent le Royaume

Le Royaume croît dans l’histoire de l'Humanité: Jésus en a décrit le tracé et posé les fondations; chaque génération de chrétiens y apporte sa part; Dieu y mettra la dernière pierre. Jean ébauche sa structure finale pour en faciliter la construction progressive: il dit que le Royaume :

-        C'est une création nouvelle -comme aux premiers jours- où tout est au service de la vie pour qu'elle naisse, grandisse et atteigne sa plénitude en tout et en tous.

-        C'est le Paradis retrouvé -le nouvel Eden- où l'harmonie naturelle et humaine est scellée par la réconciliation qui a fait fuir la haine, la destruction et la peur.

-        C'est une Alliance Joyeuse -comme au Sinaï- où la fidélité de l'homme correspond à la fidélité de Dieu, et le respect mutuel à la communion avec lui.

-        C'est une Nation Organisée -à l'image des douze tribus- où règne l'égalité comme fruit du partage, la fraternité comme fruit de la coopération et la paix comme fruit de la justice.

-        C'est une Cité Sainte -comme la Jérusalem dont Dieu rêve- où la transcendance est le ciment qui maintient unies les pierres vivantes.

-        C'est un Peuple Restauré -Nouveau Messie- prêt pour les noces avec son Dieu.

-        C'est l'Avènement de l'Emmanuel -définitivement-, c'est-à-dire Dieu-avec-nous et l'Humanité-en-lui, dans sa taille adulte: tout est résumé en Jésus-Christ grand-prêtre qui s’offre éternellement à son Père.

Tel est le message de l'Apocalypse, à la fois infini et intime: lumière sur notre route, force dans nos luttes, espérance dans nos nuits, salut dans nos égarements.

'Heureux celui qui lit et ceux qui écoutent et gardent ces paroles'.

 

CONCLUSION

 

A. REVELATION AU ‘FUTUR ANTERIEUR’: par Adelino A. CORDEIRO, paysan brésilien.

'Regardons le futur que nous présente Jean:

Il est la création en ses commencements.

Les pleurs ont disparu, la mort et ses malédictions;

Notre fraternité, fruit d'organisation,

Est notre paradis en alliance avec Dieu.

Cette ville bénie est plus belle à ses yeux

Que la fiancée parée, aux bras de son époux:

Victorieuse du mal et du diable jaloux.

La douleur et la mort, le mal et la tristesse

Ont fait place à la vie, l'amour et la sagesse.

L'oppresseur offrira tout son or, mais en vain;

Pour lui un triste jour se lèvera demain.

Nous sommes Apocalypse, cité d'un Peuple fier,

Heureux, pauvre et frère et grand comme la mer.

Dieu veille, paternel, et Jésus, le Seigneur,

Etend sur nous la paix, la fête, le bonheur.

Luttons tous bien unis, mais sans peur et sans haine;

Dieu couronne déjà nos efforts et nos peines'.

 

B. RECOMMANDATIONS FINALES de Jean et de l'Auteur

1.      Jean a eu beaucoup de talent, de foi et de courage pour avoir su interpréter ainsi les évènements de son temps et en délivrer le message d'espérance et de lutte: il voyait le Dieu de Jésus-Christ, fidèle et libérateur. Il termine son livre par quelques conseils (22,6-21), car il sait que celui-ci va rencontrer des interprétations erronées et des oppositions farouches, en particulier de la part de l'Empire romain et l’Empire du mal. Mais heureux sommes-nous de pouvoir nous bénéficier d'un tel message!

2.      "Et moi, lecteur, j'en achève le commentaire sans prétention. Il est le fruit de mon compagnonnage avec les pauvres et la Bible. J'ai cherché à être fidèle à Dieu, à l'Eglise, au texte et à la réalité de nos pays latino-américains. Si le Peuple souffrant de nos Communautés Chrétiennes y trouve un encouragement et un motif de foi et d'espérance pour continuer sa lutte contre l'Empire romain et l’Empire du mal, j'aurai l'impression d'avoir répondu à ce que Dieu attendait de moi". (Carlos MESTERS).