lunes, 19 de junio de 2017

Un regard d'espérance sur notre monde

T I S S E R A N D S   D E   L A   N O U V E L L E   E R E
Pierre Riouffrait, Equateur, 2017.
La violence est la grande caractéristique de notre époque. On pensait que les deux guerres mondiales du siècle dernier seraient le point final de millions de morts dans les pays protagonistes. Il semble plutôt que les belligérants se soient joints pour dépouiller pour mettre à feu et à sang le reste de la planète. On se demande quand vont se terminer se termineront les guerres du Moyen et Extrême-Orient, les dominations sur les gouvernements africains et le pillage de leurs matières premières dans cette « 3ème guerre mondiale fragmentée » comme dit le Pape François.
Malheureusement on constate que l'ONU (Organisation des Nations Unies) est incapable de prévenir les guerres ou de les arrêter. Par ailleurs les religions ont bien peu d’effet, d'une part, pour empêcher les conflits et, d'autre part, arrêter les fanatismes de ses propres membres. Peut-être nous avons pensé, à tort, que nous avions besoin de sauveurs pour nous nous tirer d’affaire, individuellement et collectivement et nous indiquer la bonne voie, les lois à accomplir et les cultes à célébrer obligatoirement. Si tous ces moyens politiques et religieux ont échoués ou sont insuffisants, il nous faut en chercher d'autres ou entrer dans les nouveaux chemins qui nous tracent une humanité différente en matière civile et religieuse.

1. Tisserands de la dignité et de l'ouverture
Avec la fin du siècle dernier, les notions intouchables jusque-là de hiérarchie, autorité, obéissance aveugle, vérités révélées ont beaucoup perdu de leur intérêt et de leur valeur... Les personnes cherchent et vivent l’autonomie et seulement. La fin du système patriarcal, au moins dans les déclarations, nous a donné une liberté quasi sans limite extérieure ni contrôle personnel. Nous nous croyons les maîtres inconditionnels de notre destin et nous avons décidé de notre meilleur avenir dans la solitude de notre conscience. Malheureusement, le résultat spectaculaire est l'individualisme destructeur de la personne et générateur de violences terribles sur les autres et la nature.
La liberté est nécessaire, mais accompagnée de dignité personnelle et d'ouverture aux autres. Ce sont les chemins complémentaires de l'autonomie personnelle. Nous venons tous d’un passé qui nous trace un chemin. Au nom des erreurs et des mensonges dont nous avons hérités de ce passé, nous ne pouvons pas fermer la porte sans découvrir les aux perles cachées profondément au sein de structures sociales inadéquates pour la réalité actuelle. La pensée philosophique et religieuse des siècles passés nous parlent de dignité de la personne humaine.
Il se peut que les grandes idéologies et les croyances nous fassent penser que l'obéissance à leurs règles soit la solution pour mettre le bonheur à portée de main. La réalité est plus complexe. Mais la pensée philosophique et religieuse nous dit aussi que la dignité fait partie intégrale de nous-mêmes. Une croissance sans dignité n’est pas humaine : celle-ci est irréductible. Toutes les générations, d’une certaine façon, ont cherché à développer ensemble croissance et dignité mais chaque génération doit trouver la manière la plus adéquate de réaliser son développement. Les temps changent et appellent de nouvelles façons de se développer dans la dignité. L'autonomie finit par détruire la dignité et nous fait tomber sous le joug de nouveaux tyrans. L'ouverture aux autres va nous aider à corriger ces excès afin de croître individuellement de manière harmonieuse qui ne porte préjudice ni à nous-même ni aux autres et de nous permettre le vivre-ensemble.

2. Tisserands de la Communauté
La grande nouveauté que nous enseignent les peuples indigènes de l’« Abya Yala » (nom indien des Amériques du Nord, du Centre et du Sud) est la priorité de la communauté sur l'individu, sachant que la communauté est au service des personnes. Une telle affirmation ne rentre pas facilement dans notre façon de penser et d'agir. Dans la mentalité européenne, la personne et les droits individuels ont la première place.
Si les peuples indigènes ont été en mesure de résister à plus de cinq siècles de colonisation, de pillage et de destruction de leurs cultures et religions, c'est grâce à la force et à la priorité données à la communauté. Ces peuples nous partagent aujourd’hui leurs critères communautaires pour construire une autre façon de vivre en société, de retrouver l'harmonie avec la nature et renaître à une spiritualité unificatrice. Nous faisons l’expérience que l’individualisme est mortel, mortel pour les personnes et mortel pour l’organisation sociale. Personne n’est le critère unique de sa morale et de sa façon de vivre.
Avec les progrès de la science et de la conscience, nous nous rendons compte que l'univers est une seule unité ou tout et tous, nous, sommes interconnectés et interdépendants. Le mythe de Robinson Crusoé seul et heureux sur son île est un beau mensonge des plus dévastateurs : personne ne peut vivre seul et heureux. Les propositions du « Bien vivre » des peuples indigènes des Amériques sont des chemins qui nous ouvrent à un avenir meilleur si nous mettons en premier le bien commun. Voici les principaux critères de ce ‘Bien vivre’, « nous offrons au monde la culture de la vie, qui est le chemin de la vie en plénitude » proclament les peuples indiens :
-          Le travail est pour le bien-être de tous. Le « développement occidental » s’est limité au bien-être individuel aux dépens des autres et de la nature. Malheureusement en Europe : on a troqué le bien-être pour le ‘tout avoir’ individuel aux dépens des autres et de la nature. Travailler c’est d'apprendre à grandir et à grandir ensemble.
-          L'identité est plus importante que la dignité. La dignité n’existe pas s’il n'y a pas d'identité parce qu’on a perdu la boussole de la mémoire et l’héritage du passé. La vraie dignité surgit du chemin hérité du passé et conservé dans la communauté : celle-ci est la mémoire actualisée du passé. Elle est conservée et cultivée dans la communauté.
-          Une vie harmonieuse apporte la justice sociale. Le bien-être de quelques-uns génère est une injustice pour la plupart des autres. De plus, le modèle de justice sociale occidentale n’inclut pas le respect de la nature. Le Bien Vivre cherche des équilibres multiples à l’intérieur de la communauté entre les personnes, entre les peuples et avec la nature, éliminant ainsi l’exclusion et la discrimination.
-          Le consensus surpasse la démocratie. Avec le Bien Vivre on obtient la « souveraineté collective », à savoir l'accord de tous et de chacun, y compris les oppositions de chacun. Le Bien vivre est le « gouvernement de toutes et de tous : la véritable démocratie »
-          La complémentarité est plus importante que la liberté. Le bien être individuel justifie la liberté du vol, du saccage, de la corruption, de la violence, des guerres… Dans le Bien Vivre, on promeut prioritairement la complémentarité, parce que nous sommes tous frères : les devoirs viennent avant les droits.
-          L'harmonie avec la nature est la source de la santé. Après plus de 500 ans de pillage et de destruction de la nature, le résultat est la destruction de la santé : la santé personnelle (physique, mentale et spirituelle), la santé sociale, la santé de la nature. Celle-ci est notre maison commune et notre unique foyer, elle est la source de notre alimentation et de notre santé.
-          L'éducation est la mère de la sagesse. L'éducation est à la fois communication, communion et responsabilité au sein de la communauté: nous apprenons tous les uns des autres. Nous apprenons surtout à vivre en communauté.

3. Une communauté de vie avec la nature
Nous nous rendons compte que nous allons au suicide collectif : une société qui détruit la nature n'a pas d'avenir. Toute la création est une unité de vie et de destin: nous sommes interdépendants. Ou nous collaborons à notre salut commun ou nous nous détruisons tous. Nous devons tous apporter notre grain de sable ou notre goutte d'eau à l’ensemble de la vie de la terre et du cosmos, car « une seule goutte d'eau modifie le niveau de la mer ».
Nous devons nous reconnecter aux quatre éléments originels et indispensables à notre existence et au bonheur : l'air, l'eau, la terre et le feu. Ils sont les bases indispensables à notre développement personnel, à la croissance collective et à la bonne marche du cosmos. Défendre et promouvoir la nature est la meilleure manière de nous protéger nous-mêmes. Cultivons plantes, fleurs, légumes, arbres fruitiers pour être partie prenante, active et heureuse du grand développement de la vie, de la beauté et de la félicité.

4 Une spiritualité libératrice
Dieu n'est pas en dehors de nous : il est l'énergie vitale et d'amour qui nous habite et remplit tout l'univers. Tout est sacré et le sacré est d’abord en nous, car nous sommes une parcelle, étincelle de Dieu. Tous, y compris l’univers, nous sommes l'incarnation de Dieu. Il est mieux de dire que nous sommes en Dieu plutôt que Dieu est en nous.
Notre spiritualité doit avoir quatre dimensions:
-          Être enraciné en Jésus-Christ. Jésus s’est fait le compagnon inséparable de l'humanité en particulier des plus pauvres et cela continue aujourd'hui. Croire en sa résurrection c’est reconnaître sa présence parmi nous, avec nous et en nous. Si nous sommes serviteurs les uns des autres, à son exemple, nous sentons sa présence avec nous, une compagnie qui nous comble et nous conduit au-delà de la souffrance et de la mort.
-          Vivre en communauté. Aucun homme n’est une île : personne n’est seul nulle part, c’est ensemble que nous grandissons correctement. La communauté est notre façon humaine d'exister. Si nous nous isolons et nous pensons que nous allons aller de l'avant tout seuls, nous sommes tout simplement des morts-vivants. L'humanité doit devenir la grande communauté née de l’union des différentes et multiples communautés humaines. Telle est notre grande tâche : être communauté et former des communautés.
-          Parvenir à un développement intégral. Nous sommes corps, esprit et âme, trois dimensions à développer conjointement. Prenons soin de notre santé et de la beauté et de la force de notre corps, mais n’en restons pas là. Cultivons nos capacités intellectuelles, artistiques et poétiques. Éveillons la mystique qui nous habite et qui est l’énergie même de Dieu. Si nous développons notre dignité personnelle, la fraternité entre nous, l'harmonie avec la nature, la communion intime avec Dieu, alors ce sera plus de bonheur qui nous envahira.
-          Travailler pour la libération dans l'Église et dans la société. Tant de choses nous limitent et nous détruisent, tant d’indifférence et de la complicité nous diminuent ; tant de méchanceté, parfois, nous habite… et habite notre Église et notre monde. Le pape François favorise un grand mouvement de libération dans notre Église catholique, dans les religions et le monde lui-même. Les temps nouveaux ont besoin d’hommes et de femmes nouveaux, dignes, de villes fraternelles et de peuples frères. Les Églises et les religions doivent être les artisans d’une libération universelle avec tous ceux qui travaillent dans ce sens. Voilà notre mission, ce doit être la passion qui nous habite et nous encourage inlassablement.
Ainsi sont et nous sommes les tisserands d'une nouvelle société. La réalité ne s’arrête pas dans le passé. Parfois, nos mains en saignent parce que la tâche est difficile. La vérité c’est la fraternité universelle d’un monde réconcilié, respectueux de la nature et uni à Dieu. Tisserands de tous les pays, unissons-nous, nous sommes déjà des millions engagés dans cette tâche !