domingo, 5 de febrero de 2012

Comprendre notre monde

LE  NOUVEAU  " SYSTEME – MONDE ",  Ignacio  Ramonet



ALAI, América Latina en Movimiento - 2011-10-10.



Dix ans après les attentats du 11-Septembre et trois ans après la faillite de la banque Lehman Brothers, quelles sont les caractéristiques du nouveau système-monde ? La norme actuelle ce sont les séismes. Des séismes climatiques, des séismes financiers et boursiers, des séismes énergétiques et alimentaires, des séismes communicationnels et technologiques, des séismes sociaux, des séismes géopolitiques comme ceux provoqués par les insurrections de l’éveil arabe...

Autre caractéristique dominante : l’absence de visibilité générale. Des évènements imprévus font brutalement irruption sans que nul, ou presque, ne les ait vus survenir. Si gouverner c’est prévoir, nous vivons une évidente crise de gouvernance. En Europe, les dirigeants actuels se révèlent incapables de prévoir les collisions que se succèdent. La politique semble impuissante. L’Etat qui protégeait les citoyens a cessé d’exister. D’où la crise de la démocratie représentative. "Ils ne nous représentent pas !" constatent, non sans raison, les "indignés" espagnols. Les citoyens assistent à l’effondrement de l’autorité politique et réclament qu’elle assume de nouveau son rôle conducteur de la société. Seul le politique dispose de la légitimité démocratique. Ce que les gens demandent aussi c’est que le pouvoir politique délimite et restreigne celui, excessif, de la finance. Qu’il régule enfin, d’une main ferme, l’irrationnelle exubérance des marchés.

Autre constat : à l’échelle planétaire, la médiocrité des dirigeants politiques consterne. Peu d’hommes ou de femmes d’Etat sont à la hauteur des défis contemporains. Les pays riches (Amérique du Nord, Europe, Japon) subissent le plus grand choc économique et financier depuis la crise de 1929. Pour la première fois, l’Union européenne voit sa cohésion et même son existence menacées. Simultanément, le risque n’une nouvelle Grande dépression économique affaiblit le leadership international des Etats-Unis dont la prépondérance est également menacée désormais par l’émergence de nouveaux pôles de puissance (Chine, Inde, Russie, Brésil) à l’échelle mondiale.

Dans un discours récent, le Président des Etats-Unis a annoncé la fin des "guerres du 11-Septembre" (Irak, Afghanistan et contre le "terrorisme international") qui ont marqué cette décennie. Barack Obama a rappelé que "cinq millions d’Américains ont porté l’uniforme au cours des dix dernières années". Malgré cela, il n’est pas évident que Washington l’ait emporté. Les "guerres du 11-Septembre" ont coûté au budget de l’Etat entre 1 billion (un million de millions) et 2,5 billions de dollars. Charge financière astronomique qui a fait exploser l’endettement des Etats-Unis et a aggravé, en particulier après 2007, leur crise économique.

Dans une certaine mesure, finalement, Al Qaeda a poussé Washington dans une fuite en avant militaire comme Reagan l’avait fait vis-à-vis de Moscou lorsque, dans les années 1980, il avait obligé l’URSS à se lancer dans une exténuante course au surarmement, dans le cadre de la "guerre des étoiles", qui avait fini par épuiser l’empire soviétique et provoqué son explosion. L’Amérique sort laminée de ces conflits. Son "déclassement stratégique" a commencé.

En matière de diplomatie internationale, la décennie a confirmé l’émergence de nouveaux acteurs et de nouveaux pôles de pouvoir, surtout en Asie et en Amérique latine. Le monde se "désoccidentalise" et devient multipolaire. La Chine apparaît, en principe, comme la future grande puissance à vocation hégémonique. Mais ce n’est qu’une hypothèse. Car la stabilité de l’Empire du Milieu n’est pas garantie. En son sein coexistent, à la fois, le capitalisme le plus sauvage et le communisme le plus autoritaire. La tension et la contorsion de ces deux forces provoqueront, tôt ou tard, une rupture. Pour l’instant, tandis que décline l’hégémonie des Etats-Unis, l’ascension de la Chine se confirme. Elle est déjà la seconde puissance économique du monde devant le Japon et l’Allemagne. Par ailleurs, en raison de l’importante part de la dette américaine qu’elle possède, la Chine tient en ses mains le destin du dollar...

Le groupe d’Etats géants rassemblés au sein du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) n’obéit plus automatiquement aux consignes des grandes puissances traditionnelles occidentales (Etats-Unis, Royaume Uni, France) qui continuent cependant de se définir comme "la communauté internationale". Les BRICS ont encore montré leur autonomie en s’opposant, dans l’enceinte des Nations Unies, aux décisions des puissances occidentales lors des récentes crises de Libye et de Syrie.

Le monde fait face à une somme de crises si intimement mêlées les unes aux autres que nous ne parvenons plus à distinguer les causes et les conséquences. Parce que les conséquences des unes sont les causes des autres, et ainsi de suite jusqu’à constituer un véritable système. Le monde occidental vit une sorte de grande crise systémique qui bouleverse la technologie, l’économie, le commerce, la politique, la démocratie, la guerre, la géopolitique, l’environnement, la culture, la famille, l’éducation, la jeunesse...

Nous disons qu’il y a crise lorsque, dans n’importe quel domaine, un mécanisme cesse soudain de fonctionner, commence à céder et finit par casser. Cette rupture empêche l’ensemble de la machine de tourner. C’est ce qui arrive notamment à l’ensemble de l’économie depuis l’éclatement de la bulle des sub-primes aux Etats-Unis en 2007.

Les répercussions sociales du cataclysme économique sont d’une brutalité inédite. Au sein de l’Union européenne : 23 millions de chômeurs, plus de 80 millions de pauvres... Les jeunes en sont les victimes principales. C’est pourquoi, de Madrid à Tel Aviv, en passant par Santiago du Chili, Athènes ou Londres, une vague d’indignation soulève la jeunesse du monde. Mais les classes moyennes sont également effrayées par ce modèle néolibéral de croissance qui les abandonne au bord du chemin. En Israël, une partie d’entre elles se sont jointes aux jeunes pour refuser l’intégrisme ultralibéral de Benyamin Netanyahou.

Le pouvoir financier (les "marchés") domine et contrôle le pouvoir politique. Cela désoriente les citoyens. La démocratie ne fonctionne pas. Nul ne comprend l’inertie des gouvernements face à une crise provoquée par la spéculation et la dérégulation financières. Les citoyens exigent que la politique assume sa responsabilité, désarme les marchés et rétablisse l’ordre démocratique. Mais les leaders politiques semblent dépassés. La vitesse de l’activité financière est celle de la foudre ; tandis que la politique avance à l’allure de l’escargot. Il est de plus en plus difficile d’harmoniser temps économique et temps politique. Ou bien crises globales et gouvernements nationaux.

Les marchés sur-réagissent sur le temps court devant la moindre information (ou rumeur) ; tandis que les organisations financières globales (FMI, OMC, Banque mondiale...) travaillent sur le temps long et peinent à déterminer et à prévenir les chocs. Tout cela provoque, chez les citoyens, angoisse et frustration. Cependant, la crise globale ne produit pas que des perdants. Les gagnants se trouvent, essentiellement, en Asie et dans les pays émergents. Au Brésil, par exemple, durant les deux mandats du président Luis Ignacio Lula da Silva, 2003-2011, le nombre de pauvres a diminué de 39 millions... Ces Etats ne partagent pas la vision pessimiste des Européens. Il y a également de nombreux gagnants à l’intérieur même des pays occidentaux frappés par la crise. Les sociétés sont fracturées par les inégalités entre des riches de plus en plus riches et des pauvres de plus en plus pauvres.

Entretemps, les ruptures stratégiques se succèdent sans que nous en comprenions la signification. Internet est un vecteur important de nombre de changements. Presque toutes les crises récentes, dans les domaines les plus divers, ont un rapport plus ou moins pertinent avec les nouvelles technologies de la communication. Les marchés financiers, par exemple, ne seraient pas aussi puissants si les ordres d’achat et de vente ne circulaient pas à la vitesse de la lumière via les "autoroutes de l’information" qu’Internet a mises à leur disposition. Davantage qu’une technologie, Internet est un acteur des crises. Rappelons - sans pour autant le magnifier -, le rôle qu’ont joué WikiLeaks, Facebook, Twitter ou le courrier électronique dans les récentes révolutions démocratiques dans le monde arabe.

Du point de vue anthropologique, ces crises se traduisent par une montée des peurs et du ressentiment. Les gens vivent en état d’anxiété et d’incertitude. On voit revenir les grandes paniques face à des menaces indéterminées comme la perte de l’emploi, les chocs technologiques, les catastrophes naturelles, le changement climatique, les biotechnologies, l’insécurité généralisée... Chacune de ces menaces constitue un défi pour les démocraties. Les terreurs diffuses se transforment parfois en haine et en répulsion. Dans plusieurs pays européens, la détestation vise en priorité l’étranger, l’immigré, le différent... La répulsion sociale à l’égard de tous les "autres" (musulmans, Roms, Noirs, "sans papiers", etc.) ne cesse de monter alors que se multiplient les partis xénophobes.

Autre grande préoccupation planétaire : la crise climatique. La prise de conscience du danger que représente le réchauffement général s’est largement étendue. Les problèmes liés à l’environnement sont devenus hautement stratégiques. Les "guerres climatiques" se multiplient. Le prochain Sommet mondial du climat, qui aura lieu à Rio en 2012, constatera que le nombre de catastrophes naturelles est en augmentation spectaculaire et que la relation de nombre d’entre elles aux changements climatiques en cours est de plus en plus évident.

Le récent accident nucléaire de Fukushima a terrorisé le monde. Plusieurs gouvernements (Allemagne, Suisse) ont décidé de faire marche arrière en matière d’énergie nucléaire. Ils parient désormais - dans un contexte marqué pour la fin prochaine du pétrole - sur les énergies renouvelables.

Le cours de la mondialisation semble suspendu. L’idée d’une démondialisation séduit de plus en plus. Le pendule était sans doute allé trop loin dans le sens d’une mondialisation néolibérale ; il pourrait maintenant partir en direction contraire. Ce n’est plus un sacrilège de parler de protectionnisme pour limiter les excès du libre échange et mettre fin aux délocalisations et à la désindustrialisation de l’Union européenne. L’heure de réinventer la politique paraît avoir sonné.



Ignacio Ramonet est Président de l’association Mémoire des Luttes.




http://alainet.org/active/50091


Comprendre la théologie de Indiens des Andes

LA  THEOLOGIE  INDIENNE  DANS  LA  MATRICE  LATINO - AMERICAINE
Eleazar  López  Hernández



DIAL 3159 Amérique Latine



Eléazar López Hernández, déjà bien connu des lecteurs et lectrices de DIAL [1], est né à Juchitan, Oaxaca (Mexique), le 6 septembre 1948 ; il appartient au peuple zapotèque de l’Isthme de Tehuantepec. Il fit ses études d’humanités et de philosophie au séminaire conciliaire de Xalapa, Veracruz (1961-1972). Il commença alors ses études de théologie dans le même séminaire et avant de les terminer à l’Institut supérieur des études ecclésiastiques (ISEE) de Mexico (1973). Ordonné prêtre le 8 septembre 1974, il est membre fondateur du Mouvement des prêtres indiens du Mexique (1970) [2] et participe à la Pastorale indienne du Mexique et de l’Amérique latine depuis 1970. Il fait partie de l’Équipe de coordination du Centre national d’aide aux missions indiennes à partir de 1976, étant d’abord responsable du Département de formation et actuellement du secteur de l’identité religieuse. Il a collaboré à l’essor de la théologie indienne au niveau latino-américain. Il est membre de l’Association œcuménique des théologiens du Tiers-Monde (ASETT) à partir de 1992. Il est aussi fondateur de l’Association œcuménique de missiologie d’Amérique latine ; il fut vice-président de la International Association of Catholique Missiologists (IACM, « Association internationale des catholiques missiologistes », en français) (2004-2006). Représentant du CENAMI (Centre National d’Aide aux Missions Indiennes) à l’Articulation œcuménique latino-américaine de pastorale indienne (AELAPI), il a aussi été assesseur à la Commission nationale de conciliation (CONAI) dans le dialogue du gouvernement et de la société civile mexicaine avec les Indiens zapatistes de l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) (1994-1997). Il a été assesseur à la présidence de la Confédération latino-américaine des religieux (CLAR) (2005-2007) et fait partie de l’équipe d’assesseurs du Conseil épiscopal latino-américain (CELAM) pour les affaires indiennes, depuis 2006. Il a participé par divers textes à des publications latino-américaines de théologie. Il a aussi publié divers articles dans des revues théologiques du Mexique, du Costa Rica, de Bolivie, d’Équateur, d’Argentine, de France, d’Italie et d’Allemagne. Plusieurs textes de l’auteur ont été publiés en français dans « Sagesse indigène : la théologie indienne latino-américaine », (sous la direction d’Alain Durand et Eléazar López Hernández), Cerf/Dial, Paris, 2002.





CONTENU

1.       Racines de la théologie indienne

2.       Les accoucheurs du réveil de la théologie indienne

3.       Théologie indienne et théologie de la libération

4.       Modalité de la théologie en Amérique latine

̵            Théologie indienne dans les Eglises

̵            Théologie indienne dans la tradition propre des peuples

̵            Théologie indienne dans les mouvements sociaux indiens

5.       Nécessité du dialogue des théologies indiennes

En guise de conclusion





1. RACINES DE LA THEOLOGIE INDIENNE

La théologie indienne, qui a fait son apparition de manière claire et nette dans les vingt dernières années de l’Église latino-américaine, n’a pas surgi ex nihilo, c’est-à-dire comme par magie ou par génération spontanée : elle est continuité, nouvelle manière de penser ou nouvelle élaboration de ce qui existait déjà ici à l’époque précolombienne et de ce qui avait été aussi un des meilleurs apports de la foi chrétienne apportée par l’Église pendant les cinquante premières années de l’évangélisation fondatrice de ce que nous sommes maintenant. Ce que nous appelons théologie indienne n’est donc pas issue de conjonctures ecclésiales récentes, mais elle vient de très loin et ne peut être considérée comme l’œuvre des pasteurs de l’Église : elle est action collective de la base indienne, de leaders autochtones et aussi de membres de l’Église au service de la cause indienne.

Les antécédents les plus anciens de la théologie indienne sont les religions indiennes qui ont marqué la vie de nos peuples avant l’arrivée de l’Église il y a 500 ans et qui survivent dans la religiosité populaire indienne de notre temps. Mais il est indéniable que l’émergence actuelle de la théologie indienne a quelque chose à voir aussi avec la maturation des semences de tolérance et d’optimisme missionnaire implantées dans ces terres par les meilleurs premiers évangélisateurs de l’Amérique (1524-1574). Ces prophètes et visionnaires, à contre-courant et au milieu de « lumières et d’ombres », ont élaboré pour les peuples qu’ils ont servis des propositions missionnaires et missiologiques de respect, de dialogue et de collaboration avec la spiritualité indienne qui, bien qu’elles aient été réduites au silence peu de temps après, se sont maintenues latentes dans l’espérance de nouveaux moments favorables. Et ces moments sont en train maintenant de devenir réalité.

Au bout de 50 ans, l’étape missionnaire s’est terminée et a laissé la place à l’implantation de l’Église coloniale qui, avec tous ses schémas et ses structures d’administration diocésaine et paroissiale, a pratiquement abandonné les populations d’origine qui s’étaient réduites à leur plus simple expression, suite à la guerre de la conquête, aux maladies, aux travaux forcés et au système de l’encomienda [3]. À plus forte raison les peuples indiens qui ne furent pas alors soumis à la société coloniale et s’en sont maintenus à la marge, ne furent en réalité l’objet d’aucune action missionnaire ou pastorale de l’Église pendant une grande partie des 500 ans.

Il faut attendre la seconde moitié du XXe siècle pour qu’apparaisse de nouveau dans l’Église latino-américaine une préoccupation sérieuse pour les populations originelles, acculées cette fois à l’extinction totale par l’avancée des grands projets du monde capitaliste et néolibéral. C’est alors que ces groupes humains sortent de leur léthargie de plusieurs siècles et osent cheminer par eux-mêmes au milieu des vicissitudes de l’histoire, changeant leur stratégie d’automarginalisation qui cherchait à éviter le contact destructeur avec le monde du dehors pour assumer des stratégies ostensibles de participation critique dans la société qui les entoure. C’est dans ce contexte que surgit et se développe ce qu’on appelle la pastorale indienne, la théologie indienne ou l’Église autochtone qui coïncide avec la lutte indienne pour les droits collectifs, pour l’autonomie et pour l’autogouvernement.



2. LES ACCOUCHEURS DU REVEIL DE LA THEOLOGIE INDIENNE

Beaucoup de personnalités illustres de notre temps ont contribué activement à rendre possible ce moment favorable, le kairos, pour les peuples indiens et pour l’Église. On pense tout de suite en particulier à des pasteurs de renom comme Samuel Ruiz, Leonidas Proaño, Bartolomé Carrasco, Julio Cabrera, José Llaguno, Arturo Lona, Víctor Corral, Edwin Krauter et d’autres et aussi quelques théologiens d’une grande valeur comme Gustavo Gutiérrez, Leonardo Boff, Clodomiro Siller, Javier Albó, Margot Bremer. Et bien sûr, beaucoup d’autres figures, hommes et femmes des communautés autochtones elles-mêmes qui ont été le véritable levain de la pâte ecclésiale et de l’émergence indienne actuelle ; leurs noms sont toujours dans la mémoire des communautés.

Mais il existe aussi des contributions moins notoires et moins visibles qui ne s’expriment pas dans de grands textes théologiques brillants recueillis dans des livres très connus et qui mènent plutôt un travail de fertilisation, de logistique ou d’articulation de processus. Ils sont comme les châssis des métiers à tisser indiens, cadre fondamental qui permet de créer les broderies multicolores de nos peuples. Ce sont les sœurs et les frères, indiens ou non, qui, sans prendre la tête des processus et sans prétendre en être les porte-paroles, avec leur engagement désintéressé à la cause des pauvres ont été d’excellents tisserands ou ont accompagné ceux qui tissent la vie sur cette terre, depuis toujours « le continent de l’espérance et de l’amour ».



3. THEOLOGIE INDIENNE ET THEOLOGIE DE LA LIBERATION

Malgré les différentes opinions et les différentes interprétations des faits, la théologie de la libération a été certainement un des meilleurs apports de l’Amérique latine à l’Église universelle. Son apparition, immédiatement après le Concile Vatican II, coïncide avec la prise de conscience que l’heure de la libération des majorités appauvries est arrivée dans ce continent et que nous les chrétiens avons une énergie spirituelle capable de contribuer à la transformation des structures injustes du continent afin de construire, avec la force de l’Evangile du Christ, de véritables relations nouvelles de justice et de paix. Avec la théologie de la libération, l’Église se met aux cotés des préférés de Dieu, ceux pour qui cela vaut la peine de faire cette option et de s’engager pour la construction chez nous du Royaume.

Dans la phase initiale, pour les promoteurs de la théologie de la libération marquée par la catégorie de « pauvres », les Indiens faisaient partie de ces majorités appauvries et ils insistaient sur le fait qu’en tout cas, « nous étions les plus pauvres d’entre les pauvres » : pour cela, nous méritions une attention toute spéciale de la part des pasteurs de l’Église. Mais pour les militants sociaux et les théologiens de cette phase, il n’a pas été aussi facile d’accepter l’importance de notre différence culturelle et religieuse comme modalité particulière d’une longue lutte de résistance au modèle social qui s’était imposé. Plus d’un nous soupçonnait, nous les Indiens, parce que nous possédions un morceau de terre et que nous n’étions pas liés au marché et aux réseaux où existe la plus forte exploitation du travail, de manquer de conscience de classe et de fonctionner selon eux comme « des petits bourgeois » avec des idées assez romantiques, magiques ou arriérées de la vie et de la lutte sociale. Plusieurs théologiens de la phase initiale de la théologie de la libération n’ont pas su se rapprocher des Indiens et en conséquence ne se sont pas nourris de notre sagesse ancestrale parce qu’ils la considéraient comme une chose du passé ou comme des superstitions dont nous devions être libérés [4].

Dans la deuxième phase de la théologie de la libération, ceux qui ont osé se rapprocher des Indiens se sont rendu compte de la force libératrice de nos cultures millénaires et des alternatives d’avenir qui se trouvent dans l’expérience de vie et de Dieu qui animent nos peuples dans leur espoir obstiné d’« un autre monde possible ». Ces « pionniers » ont été à l’origine de la troisième étape de la théologie de la libération en découvrant qu’avec « le réveil de l’Indigène » [5], était en train de naître le nouveau soleil de vie pour toute l’humanité. Ils ont ouvert ainsi les portes de la théologie latino-américaine à la diversité des visages humains du continent : Indiens, Noirs, Métis, femmes, jeunes. Plusieurs thématiques indiennes comme le respect de la diversité culturelle, l’amour de la terre-mère et la recherche de l’harmonie humaine, sociale et cosmique commencent à être assumées maintenant par des théologiens notoires de la libération [6] ; de même la méthodologie indienne de puiser l’eau à nos propres puits ou à nos fontaines pour irriguer la vie de l’humanité vers le futur est déjà assez commune dans les théologies de l’Amérique latine et des Caraïbes [7].

L’incorporation de la théologie indienne à la table des théologiens de la libération (6) n’a certainement pas été facile. Il a fallu que nous fassions tous du chemin, parfois douloureusement, pour dépasser des préjugés sociaux, des systèmes de pensée, des catégories d’analyse et des attitudes dans les relations humaines qui rendaient difficile la rencontre de frères qui étions simplement différents. Sur ces points, quelques amis de la cause indienne dans l’Église ne baissèrent pas les bras dans leur obstination pour inclure à tout moment la perspective indienne dans l’ensemble des voix théologiques de ce continent qu’est Amerindia [8].



4. MODALITES DE LA THEOLOGIE EN AMERIQUE LATINE

À l’époque actuelle, trois formes différentes de vivre et d’exprimer la théologie indienne se manifestent sur la scène latino-américaine et chacune mérite notre attention d’analystes, de pasteurs, d’accompagnateurs ou d’acteurs :

̵            Théologie indienne dans les Églises ;

̵            Théologie indienne dans la tradition propre des peuples, indépendamment des Églises ;

̵            Théologie indienne dans les mouvements sociaux indiens, dans des luttes très concrètes pour l’autonomie, pour la terre, pour l’eau, pour les services nécessaires à la communauté.



1.       Théologie indienne dans les Églises

La théologie indienne la plus connue en ce moment est peut-être celle que nous mettons en œuvre, nous les membres indiens des Églises, en mettant en dialogue l’expérience religieuse ancestrale de nos peuples avec les apports de la foi chrétienne. Ici se situent les rencontres de théologie indienne maya qui ont eu lieu dans le Chiapas, dans le Yucatán, au Guatemala, au Honduras et en El Salvador ; et aussi les rencontres latino-américaines ou continentales de théologie indienne réalisées depuis 1990.

Dans le contexte de la tradition des missionnaires prophètes du début de l’évangélisation, nous avons osé employer le terme « théologie » si en vogue dans les milieux ecclésiaux, pour donner un nom à notre manière spéciale de nous mettre en relation avec Dieu et de comprendre à partir de là notre mission sur la terre et notre participation à l’Église. C’est pourquoi à l’expérience religieuse que nos frères de la base vivent de manière spontanée et sans formulations intellectuelles, nous appliquons le concept utilisé dans l’Église afin de nous faire comprendre et de faire accepter ce que nous sommes et ce que nous disons à partir de la trame fondamentale que nous donne l’expérience de Dieu héritée de nos ancêtres.

C’est principalement nous, prêtres, pasteurs, religieuses et laïcs indiens, qui avons été les promoteurs de ce chemin ; mais d’autres personnes qui ne sont pas indiennes se sont jointes à nous : évêques et théologiens qui l’envisagent favorablement, l’accompagnent et lui apportent le garant de l’autorité ecclésiale ou de l’académie ecclésiastique. Quelques membres de la hiérarchie de nos églises se sont également associés à ce cheminement : le CELAM (Conseil épiscopal latino-américain) et avec lui, des responsables de la Curie romaine et même les deux derniers pontifes de l’Église. Du coté évangélique, nous avons eu la participation du CLAI (Conseil latino-américain des Églises) qui a intégré aussi le Conseil mondial des Églises (CMI).

De la même manière, il existe des institutions ou des organismes d’Église dont la tâche primordiale a été d’accompagner, de servir et de renforcer le processus de la théologie indienne : par exemple le Centre national d’aide aux missions indiennes, CENAMI (Mexique) , le Conseil indianiste missionnaire (CIMI, Brésil) et l’Équipe nationale de pastorale aborigène, ENDEPA (Argentine), les Commissions ou Coordinations nationales de pastorale indienne, CONAPI (Guatemala, Paraguay et Panama) et d’autres institutions qui se sont unies à l’Articulation œcuménique de pastorale indienne, AELAPI. Cette Articulation a été un facteur de prise de conscience, de formation et d’organisation pour l’action conjointe d’Églises locales afin de faire avancer la pastorale indienne et la théologie indienne dans toute l’Amérique latine. Et elle l’a fait au travers d’ateliers, de rencontres, de forums, de symposiums et d’échanges d’expérience.

Parmi eux, ressortent les six rencontres continentales de théologie indienne (de 1990 à 2009) qui ont ouvert des espaces de dialogue inter-ecclésial sur des thématiques qui touchent à la vie des communautés indiennes et à leur participation dans l’Église. Grâce aux résultats de ce cheminement théologique, les réticences et les préjugés qui auparavant rendaient difficiles l’inculturation et l’appropriation indienne de l’Église ont été dominés peu à peu. Il a été demandé pardon pour les préjudices causés au peuple par l’action agressive de l’Église pendant 500 ans et des voies se sont ouvertes pour une pleine participation des Indiens à la vie ecclésiale.

La plus grande expression de ce changement d’attitude ecclésiale a été la canonisation par le pape Jean Paul II de l’Indien Juan Diego Cuauhtlatoatzin, ambassadeur de la Vierge de Guadalupe à Mexico. Dans cette canonisation, l’Église cherche à reconnaître officiellement non seulement que, nous les Indiens, nous sommes capables d’arriver jusqu’aux autels, mais que nous pouvons être chrétiens sans cesser d’être indiens. Juan Diego se présente ainsi comme un modèle de vie qui montre aux autres le chemin vers Dieu.

Il est indéniable que cette théologie indienne chrétienne est en train de gagner une place importante dans les Églises. Maintenant ce n’est plus quelque chose qui se fait en cachette dans le privé ou dans les grottes [9], mais quelque chose qui se pratique ouvertement et on peut dialoguer aussi bien dans l’Église catholique que dans les Églises évangéliques. Aucune autre théologie n’est arrivée à se positionner dans l’Église en intégrant les bases et les autorités ecclésiastiques en si peu de temps. Si nous continuons à avancer sur ce chemin, nous arriverons surement à de grands résultats.

Une critique que quelques-uns font à ceux qui, comme nous, promeuvent cette modalité de théologie indienne, est que, pour vouloir être fidèles à l’Église et à la tradition propre du peuple, nous courrons le risque d’être mal à l’aise avec les deux, sans arriver à être ce qu’étaient auparavant nos peuples, ni arriver non plus à être ce que l’Église veut que nous soyons. Nous pouvons rester « Nepantla » (au milieu des deux terres) comme disaient quelques Indiens nahuas dans la première évangélisation [10], c’est-à-dire au milieu de deux mondes religieux, sans nous identifier à aucun des deux. Les critiques les plus sévères disent qu’habituellement les Églises fonctionnent comme un tissu aux fibres très dures qui vont déchirer la toile douce et fine des peuples indiens.



2.       Théologie indienne dans la tradition propre des peuples

Beaucoup de frères indiens vivent l’expérience de Dieu selon la tradition religieuse de leurs peuples et l’expriment à la manière ancestrale, c’est-à-dire avec des mythes et des explications qu’ils tirent de la sagesse de leurs ainés. D’habitude, on n’appelle pas théologie cette explication, mais croyance propre, parole ancienne, voix des aïeux et des aïeules ou sagesse des peuples. Beaucoup d’entre eux ont peur ou se méfient des dirigeants de l’Église et ne veulent pas qu’ils interviennent dans leur expérience religieuse. Ce qu’ils désirent, c’est expérimenter Dieu avec une autonomie religieuse, c’est-à-dire sans ingérence des Églises. De nombreux prêtres mayas du Guatemala, de lonkos du Chili, de yatiris des Andes et beaucoup de leaders religieux d’autres peuples sont un exemple de cette forme de théologie : ils conservent les traditions antérieures à l’arrivée des Espagnols ou vivent la religiosité populaire chrétienne en marge du contrôle de l’institution ecclésiastique, en utilisant leurs structures propres comme les mayordomías [11], les pèlerinages et les fêtes patronales des villages.

Ce type de théologie a beaucoup d’impact et de force sur nos gens de la base. Elle constitue en Amérique latine l’expression majoritaire de la vie religieuse et chrétienne du peuple. Et bien qu’on ne l’appelle pas théologie indienne, en réalité, elle l’est dans son contenu fondamental.

Dans ce mouvement, quelques-uns insistent sur la nécessité de rechercher ce qui est le plus purement indien. Parfois, ils se montrent agressifs envers ceux qui veulent incorporer des nouveautés ou faire des changements dans les traditions. Comme s’ils voulaient conserver les choses dans l’état où elles étaient dans le passé, sans innovations ni incorporations modernes ou chrétiennes qui, selon eux, mènent à la perte de l’authenticité indienne. Mais d’autres comme nous cherchent des convergences avec eux et nous nous demandons : qu’est-ce qui est authentiquement indien ? Seulement le passé lointain ou aussi les reformulations faites par le peuple dans le devenir de l’histoire ?

Nous devons reconnaître que le dialogue est compliqué avec des frères qui ont légitimement peur d’être agressés. Il n’est pas facile de rechercher la fidélité à la tradition en exigeant l’authenticité et même la pureté ethnique sans tomber dans le risque de nous trouver pris au piège d’un passé à l’identité fossilisée. Les cultures indiennes évoluent en interaction avec l’environnement et avec les nouveaux défis qui se présentent. C’est pourquoi ce que les communautés indiennes ont incorporé consciemment dans leurs traditions culturelles et religieuses pendant ces 500 ans fait déjà partie de l’identité de nos peuples et ne peut être retiré sans amoindrir ce que nous sommes aujourd’hui. Mais faire comprendre cela sans avoir dominé auparavant la méfiance envers les institutions ecclésiastiques est pratiquement impossible. Pour cela il est nécessaire de travailler davantage dans un dialogue respectueux avec ce secteur de nos peuples.



3.       Théologie indienne dans les mouvements sociaux indiens

Aujourd’hui le monde indien s’est mis debout et lutte pour sa vie, pour ses droits, non plus isolément, mais conjointement avec d’autres pauvres de la planète et d’autres membres de la grande famille humaine. Ceux qui impulsent la participation indienne dans ces processus se sont rendu compte que, s’ils figurent seulement comme un numéro de plus dans la masse des pauvres, ils se perdent et apportent peu et finissent par être manipulés par l’arbitraire des plus forts. Par contre s’ils ont recours à la mémoire historique et à l’énergie culturelle et religieuse de leurs peuples, alors ils découvrent que leur plus grande force dans la lutte est précisément leur différence culturelle et religieuse. Ils expriment maintenant cela clairement dans les luttes communes de l’humanité, avec une résonnance presque immédiate dans les cœurs desséchés de ceux qui ne trouvent pas sur quoi fonder leurs espérances. Ce que les frères indiens mènent à bien dans les forums civils pour donner raison et sens à la lutte pour la vie, c’est aussi de la théologie indienne qui ne se développe pas dans le temple ni dans les lieux sacrés, mais dans les espaces profanes de l’économie, de la société et de la politique.

Dans cette ligne, beaucoup de mouvements indiens ont quelque chose à voir avec la terre, l’eau, le maïs. Peut-être sont-ils nés civilement sans idées religieuses, mais en chemin ils se sont rendu compte que leur force résidait dans l’expérience de Dieu qu’ils ont comme peuples ancestraux. Maintenant ils ont recours à ces sources et à ces mythes pour donner force à leur lutte. Pour cela ils ont recours aux anciens et aux sages de nos peuples : ils n’appellent pas cela théologie indienne mais pensée, sagesse, ou cosmovision indienne.

Quand ils conjuguent cette sagesse profonde avec la lutte, celle-ci se fait plus forte et la proposition a un impact plus grand dans la société ; nous avons vu cela très clairement dans le mouvement zapatiste du Chiapas qui, au début, ne parlait qu’avec des mots pris à l’extérieur comme « lutte des classes ». Mais quand leurs leaders ont repris la parole ancienne des peuples, celle des songes et des utopies mobilisatrices de la lutte pour la terre et pour leurs droits propres, ils ont pu interpeler de manière décisive l’ensemble de la nation mexicaine. Il s’est passé la même chose dans les Forums sociaux mondiaux où se rassemblent des mouvements de toute la planète ; on a vu alors que la parole indienne a quelque chose à voir avec la racine commune de l’humanité et que, pour cela, elle peut aider à esquisser « un autre monde possible » où nous puissions tous tenir.



5. NECESSITE DU DIALOGUE DES THEOLOGIES INDIENNES

Pour nous qui nous trouvons impliqués dans l’émergence théologique indienne actuelle, l’expérience récente nous a amenés à la conclusion qu’il était très important que les trois modalités de faire une théologie indienne se rapprochent, se donnent la main et unissent leurs forces pour avoir plus d’impact dans la société et dans les Églises afin que toutes aient un avenir. Leur base commune est la théologie indienne des fondations ou théologie originaire, c’est-à-dire celle avec laquelle nos ancêtres se sont construit un visage et un cœur propres en rencontrant et en collaborant avec Celui qui est notre Créateur et Formateur, celui qui nous donne la Vie, la Pachamama, Celui qui nous porte dans son sein de Mère-Père. Ce qui a forgé l’âme indienne dans le passé, nous en avons hérité dans la transmission de notre culture et cela perdure jusqu’à nos jours en s’ajustant et en agissant en interaction avec les nouveaux défis et propositions venus de l’extérieur. Avoir recours à cette source commune comme « caverne » ou matrice d’origine que nous devons honorer avec une fidélité envers ce qui est essentiel, est l’unique manière de faire que nos différences historiques ne soient pas seulement des problèmes à résoudre, mais aussi une richesse culturelle et spirituelle dont il faut profiter et qu’il faut partager.

Lorsque nous arriverons à découvrir ce qui nous unit et que nous pourrons discerner sans les disqualifier nos différences en distinguant ce qui est effectivement le blé et ce qui est l’ivraie, alors nous arriverons à ce que les trois modalités actuelles de faire la théologie indienne collaborent étroitement pour le bien de nos peuples et aussi de l’humanité.



EN GUISE DE CONCLUSION

J’ai essayé de montrer comment le nouveau contexte actuel de la théologie indienne était le résultat d’une recherche commune en tant qu’Église pour répondre d’une manière satisfaisante aux interrogations qui se posent à cette composante de la théologie latino-américaine. Il n’a pas été facile de construire des ponts pour un dialogue fructueux entre nous qui appuyons la théologie indienne et ceux qui la contestent ; mais le fait que nous, pasteurs et théologiens, ayons décidé d’adopter, au-delà des réticences et des méfiances mutuelles, des attitudes de respect et de communion avec celui qui pense différemment, porte ses fruits. Ce qui prouve que pour l’Église aussi s’accomplit le dicton populaire : « en dialoguant, on comprend les gens » ; en cela nous valorisons beaucoup le travail de tous les frères qui avec le meilleur d’eux-mêmes contribuent, non à s’accrocher aux couteaux des luttes intra-ecclésiales, mais à unir les esprits et les cœurs et à rassembler les efforts afin de rendre possible la plénitude de vie qu’attendent nos peuples et qu’offre Notre Seigneur Jésus-Christ.

Aujourd’hui nous pouvons restaurer et faire progresser les propositions utopiques de la première évangélisation, en mettant en avant dans les sociétés nationales et dans l’Église des propositions alternatives qui puissent avoir une valeur prophétique face aux modèles de société contraires à la vie et à la liberté des enfants de Dieu, pour rendre possible la vérité symphonique de l’humanité et de Dieu.





Notes


[2] Sur le choix de traduction des mots « indígena » par « indien » et « indio » par « indigène », à l’exception de l’expression « teología india » , généralement traduite par « théologie indienne » par les théologiens francophones, usage qui est respecté ici, se reporter à la note 2 du DIAL 3027 - « AMÉRIQUE LATINE - La théologie indienne dans l’Église, un bilan après la rencontre d’Aparecida, première partie».

[3] Système du temps de la colonisation en Amérique latine : un village ou un groupe d’Indiens était attribué à un colon qui profitait de leur travail et percevait les tributs ; en échange, il devait les instruire dans la religion catholique et les protéger – NdT.

[4] Un texte du document final de Medellin manifeste cette mentalité sous-jacente même chez les personnes les plus engagées avec les pauvres : « Il existe, en premier lieu, le vaste secteur d’hommes “marginalisés” au regard de la culture, les analphabètes, et spécialement les analphabètes indiens, privés parfois même du bénéfice élémentaire d’une communication au moyen d’une langue commune. Leur ignorance est une servitude inhumaine ; leur libération, une responsabilité pour tous les Latino-Américains. Ils doivent être libérés de leurs préjugés et de leurs superstitions, de leurs complexes et de leurs inhibitions, de leurs fanatismes, de leur sentiment fataliste, de leur incompréhension craintive du monde dans lequel ils vivent, de leur méfiance et de leur passivité ». (Medellín 4,3.)

[5] C’est le titre d’un livre de Raúl Vidales, théologien mexicain des années 70 et 80 qui perçut dans le réveil indien la potentialité de cette lutte pour le reste de l’humanité.

[6] Leonardo Boff s’est distingué dans les dernières années par ce tournant vers des thématiques plus en affinité avec la mentalité indienne du continent.

[7] Gustavo Gutiérrez nous a lancé le défi de « boire à notre propre puits ».

[8] L’un d’eux est Sergio Torres, du Chili, qui prit la tête pendant plusieurs années de l’Association œcuménique de théologie du Tiers Monde (ASETT) et aussi de l’Équipe des théologiennes et théologiens d’Amerindia.

[9] Beaucoup de rites et de cérémonies mayas se pratiquent encore aujourd’hui dans des grottes ou des lieux cachés par sécurité et par tradition – NdT.

[10] Voir Fray Diego Durán, dominicain du XVIe siècle, Histoire des Indes de la Nouvelle Espagne et des Îles de la Terre ferme, éditions Porrua, Mexico, 1984, chap. 3,16.

[11] Charge assurée à tour de rôle dans les communautés indiennes, principalement pour l’organisation des fêtes patronales. C’est une charge honorifique et non rémunérée qui représente pour celui qui l’assume un travail et des dépenses considérables – NdT.





Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3159.

Traduction de Bernard & Jacqueline Blanchy pour Dial.

Source (espagnol) : texte envoyé par l’auteur.

En cas de reproduction, mentionner au moins l’auteur, les traducteurs, la source française (Dial - http://enligne.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.



Dimanche 10 juillet 2011, mis en ligne par Dial