miércoles, 14 de diciembre de 2011

DÉVELOPPEMENT ANDINO OU OCCIDENTAL

Ch’ulla et Yanantin, les DEUX MATRICES civilisationnelles de l’Orient et de l’Occident
Javier Medina



Vendredi 9 décembre 2011, mis en ligne par Dial 3174.



Nous achevons avec deux textes du philosophe bolivien Javier Medina la série de textes présentant des perspectives critiques sur la notion de « développement » [1]. Ce texte consiste en une traduction d’extraits choisis du livre de Javier Medina intitulé Ch’ulla y Yanantin : las dos matrices de civilización que constituyen a Bolivia (La Paz, Garza Azul Impresores & Editores, 2008, 64 p.). Dans cet ouvrage, l’auteur propose une réflexion pour la refondation de la Bolivie, en intégrant ces deux matrices, occidentale et indienne, présente dans le pays. Cette réflexion s’inscrit dans le cadre des travaux de l’Assemblée Constituante, qui a fonctionné en Bolivie entre août 2006 et décembre 2007, et des travaux de laquelle est née la nouvelle Constitution bolivienne. [2]





1.- UNITE ET PARITE

La voie la plus courte pour comprendre la différence entre l’Occident et l’Indianité est d’aller directement au software [3] qu’utilisent ces deux civilisations. Si l’on voulait simplifier encore plus les choses, je dirais que le mot Unité caractérise l’Occident et le mot Parité l’Indianité.

L’Occident et l’Indianité se différencient entre eux, parce que l’Occident parie sur l’Un : l’unité, l’homogène, l’impair, et l’Indianité sur le Pair : la parité, l’hétérogénéité. Du côté sémite : un seul Dieu, le monothéisme ; du côté grec, la monarchie, tout le pouvoir a l’Un. Du côté indien : le pair, la paire – Jaqi [4].

L’Unité, c’est l’impair, et se dit en quechua Ch’ulla. Parité se dit en quechua Yanantin, ce qui signifie deux énergies antagonistes et complémentaires. Pour l’Indianité, le monde vient par paires, par couples, ce qui est différent de la formule 1 + 1. Celle-ci nous amène seulement au dualisme, qui est la forme sous laquelle le monothéisme approfondit la séparation, donnant lieu au manichéisme : « l’empire du Bien lutte contre l’empire du Mal », et un seul doit l’emporter.

Ces deux manières antagonistes de traiter l’information se sont formalisées en deux systèmes logiques également antagonistes. Du côté occidental, dans les principes d’identité, de non contradiction et de tiers exclu. Du côté amérindien, dans les principes d’antagonisme, de complémentarité des opposés et de tiers inclus.



1.1.- Du côté occidental



Le principe d’identité

Ce principe s’écrit A est A. Cette formule exprime bien le refus de ce modèle à reconnaître l’existence de l’autre énergie, B, qui est en outre, est une énergie différente et antagonique. Cependant, A ne peut pas ignorer que l’Autre existe, mais il se fait l’illusion que cet Autre est identique à lui-même, A, car il ne peut y avoir qu’Un, et cet Un, bien sûr, c’est lui-même et il est universel. […]

L’exemple emblématique de cette manière de penser est le monothéisme patriarcal de la tradition abrahamique. Il postule un Dieu masculin, en niant le féminin, B, l’autre énergie contradictoire. Cela, bien sûr, n’implique pas que les femmes aient disparu de la face de la Terre. Elles continuent à exister, mais dans l’ombre : elles n’existent pas symboliquement. La faiblesse de ce Principe est qu’il ne traduit pas la réalité empirique telle que tout le monde l’expérimente et sans laquelle la vie ne se reproduirait pas. […]

C’est là le principe logique des politiques coloniales d’évangélisation, d’extirpation des idolâtries, du progrès et de la coopération au développement. C’est-à-dire, la pulsion d’homogénéiser le monde selon le modèle occidental. L’actuelle pulsion pour imposer une Pensée unique provient de cette matrice logique. La mondialisation est la forme contemporaine de l’imposition à l’ensemble de la planète, politiquement et économiquement, du principe d’identité d’Aristote. […]



Le principe de non contradiction

Ce principe logique dit qu’A n’est pas non-A. C’est-à-dire, que A et B ne peuvent pas être vrais en même temps et selon le même point de vue. […] Dit autrement, si j’ai raison, alors tu as tort. Si l’Occident a raison, alors l’Indianité a tort. […]



Le principe du tiers exclu

Ce principe soutient qu’il n’existe pas un tiers terme, T – T comme Tiers inclus –, qui soit en même temps A et non-A. Ce principe découle du précédent : une proposition est soit fausse soit vraie. En conséquence, il n’existe pas de troisième possibilité, juste et fausse en même temps, ou ni juste ni fausse. […] Si j’ai raison, alors tu as tort. Une troisième possibilité (par exemple que toi et moi ayons raison en même temps, c’est-à-dire justement la contradiction, le paradoxe) est exclue. […]

C’est là le software logique du postulat de L’Unité, qui, en théologie est le monothéisme, en politique la monarchie – tout le pouvoir à l’Un –, en économie, l’échange, en sociologie, l’individualisme, en droit, la propriété privée, etc. Et qui, fondamentalement, part d’une compréhension statique de la réalité. […]

Ce qui produit et reproduit cette « congélation » du flux de la vie, c’est l’écriture : elle congèle la voix en atomes verbaux, les morphèmes, qui sont fixés sur un support : papyrus, papier… Le flux de la conversation, de l’oralité, est détenu en un instant qui devient éternel. Il n’y a pas de monothéisme sans écriture ; il n’y a pas de propriété privée sans écriture, il n’y a pas d’État sans loi écrite.

Ce sont là les principes logiques qui ont modelé l’âme de l’Occident, jusqu’à aujourd’hui. Une rationalité d’exclusion, fondée sur une logique binaire qui ne reconnaît seulement que deux valeurs logiques, et en choisit une contre l’autre. Dit en un mot : le monothéisme a besoin et reproduit un modèle de non-relationnalité, et donc d’uni-directionnalité : du sujet à l’objet. Ce qu’on appelle la Grâce dans la théologie catholique.



1.2.- Du côté de l’Indianité

Maintenant, les principes qui ont configuré la civilisation amérindienne et qui commencent à conformer la civilisation du XXIe siècle sont les suivants :



Le principe de relationnalité

Au contraire de l’Occident, l’Indianité se base sur le principe de relationnalité : au commencement était l’Ayni [5]. Ce principe affirme que tout est lié, relié, connecté avec tout. En conséquence, l’entité de base est la relation elle-même, et non pas les entités, les êtres, comme dans la métaphysique occidentale. […]

En Occident, le concret est un produit secondaire de l’abstrait, de l’universel, qui est premier. Dans les Andes, le concret est premier et est l’épiphanie de la réalité comprise comme un réseau. Pour cela, pour un Amérindien, un être totalement séparé et isolé, comme le Dieu monothéiste, est simplement inimaginable. Ce serait le degré maximum de l’abstraction, c’est-à-dire, un non-être. […]



Le principe de complémentarité

Ce principe affirme qu’aucun être, aucune action ou événement n’existe isolé, solitaire, pour lui-même. Au contraire, toute chose ou être coexiste avec son complémentaire ; ensemble, ils sont une complétude. Mais le principe de complémentarité n’est pas quelque chose d’objectif dans le sens newtonien et scolastique : « des êtres existants en soi et pour soi ». La pensée occidentale classique tend à identifier le particulier avec le complet : pars pro todo. La pensée amérindienne insiste sur la signification littérale : il s’agit d’une partie, nécessaire et complémentaire, qui s’intègre avec une autre partie en une entité complète, c’est-à-dire complétée.



Le principe de réciprocité

Le principe de réciprocité naît de la recherche d’un équilibre contradictoire entre les forces antagoniques d’homogénéisation et d’hétérogénéisation, d’inclusion et d’exclusion, d’alliance et d’hostilité, d’amour et de haine. […] A et B sont opposés, mais se complètent dans une relation contradictoire. […]

Dit de manière quantique, l’énergie-matière est continue et discontinue en même temps : l’énergie est émise et absorbée en petits morceaux, quanta, et sauts (Constante de Planck) ; un photon est simultanément onde (Thomas Young) et particule (Einstein). Ce principe, formulé par Niels Bohr, de la complémentarité onde-particule pour le monde subatomique, Louis de Broglie l’étend à l’univers entier. […]



Le principe du tiers inclus

Il existe une troisième possibilité au-delà de la relation contradictoire : la relation complémentaire, justement, qui est un état particulier de potentialités co-existantes symétriques et contradictoires en elles-mêmes (l’« état T » de Lupasco). Cet état correspond à une situation particulière dans laquelle deux polarités antagoniques d’un événement sont d’intensité égale et donnent naissance à une troisième possibilité, en soi-même contradictoire : le Tiers Inclus. […]

Toute l’opposition entre l’Occident et l’Indianité, entre le christianisme et l’animisme, est contenue dans ce fait. Pour l’Occident chrétien, la vérité est le lieu de la non contradiction ; pour l’Indianité animiste et pour le nouveau paradigme scientifique, la réalité (et a fortiori la vérité) est, justement, le lieu même du contradictoire.



2.- APPLICATION DU MODELE

[…]

À l’humain

Le modèle subatomique onde/particule régit également la reproduction de la vie au niveau de l’humain. La vie humaine ne peut se reproduire qu’à partir de la complémentarité homme/femme. De la même manière que chaque énergie contient, à l’intérieur d’elle-même, l’énergie contraire minimisée, chaque homme possède sa part féminine, que C. G. Jung nommait anima et chaque femme sa part masculine, appelée animus.

L’Humain, d’un point de vue quantique, est la complémentarité de ces deux énergies et non seulement l’une d’entre elles, comme a tendance à le penser le monothéisme patriarcal occidental : le masculin, l’énergie congelée dans l’atome masculin.

En français, nous avons un bon exemple pour illustrer ce que nous venons de dire. Nous avons le concept abstrait d’Homme, qui est l’effet de la complémentarité entre l’homme et la femme. Mais il résulte que, au cours du temps, le modèle patriarcal, fondé sur l’idée d’un Dieu homme, unique, a réduit le sens complexe et complémentaire d’Homme à homme. C’est-à-dire que l’idée de femme, qui est contenue dans celle d’Homme, disparaît, est minimisée, ou est devenue subalterne. […]

Le christianisme, et en particulier le catholicisme, essaye de sortir de cette unilatéralité qui consiste à ne faire valoir que l’énergie masculine, grâce au concept de la Trinité. De l’idée solitaire du Père, on avance à celle du Fils, mais on n’ose pas professer, même symboliquement, le concept de Mère, qui serait le concept suivant logique de la métaphore qui utilisée : père, fils… et apparaît le concept sui generis d’Esprit Saint, qui désincarne à nouveau : l’esprit, la pure inertie mentale qui remplace la mère, afin d’effacer toute trace de sexualité, de fertilité, que ses patriarches associent à l’idolâtrie.

Le concept d’Unité, depuis une perspective quantique, ne peut qu’être vu comme un concept impair, et partant, anormal, que les Kollas [6] appellent Ch’ulla, incomplet, insuffisant. Le préfixe Chu- fait référence à l’incomplet, au non-défini, et le suffixe -lla signifie presque, quasi, sur le point de.

Au contraire le modèle indien de Yanantin, de Jaqi, de Chachawarmi [7], le mythe guarani des jumeaux… rend mieux compte de la réalité. Cela est dû au fait que l’Indianité est un système qui pense en contigüité avec la biosphère, avec les lois de la nature. Le monothéisme occidental, au contraire, part de l’idée d’une séparation d’avec la biosphère et de l’autonomisation de la sphère de l’humain, considéré comme le summum de la création : là est l’origine de son anthropocentrisme.

Bien sûr, il est juste de rappeler que le fait que le monothéisme patriarcal n’inclut pas la femme dans son modèle symbolique n’a pas impliqué que les femmes disparaissent de la face de la terre. Cette inadéquation entre les mots est la réalité est justement la marque d’une idéologie, qui est une sorte de viol de la réalité, afin d’imposer un projet contre-nature au bénéfice d’un groupe dominant particulier.



Au social

Au niveau social, le modèle quantique s’exprime dans le fait que l’énergie fermionique [8] (la fonction particule) se manifeste dans l’individu, alors que l’énergie bosonique (la fonction onde), se manifeste dans le groupe, dans la communauté [9]. Comme nous l’avons déjà vu, de la même manière que chaque énergie contient, en son sein, son énergie contraire minimisée, ainsi chaque être humain se trouve être en tension entre ces deux énergies antagoniques : la pulsion vers l’individu, et la pulsion vers la communauté.

Ainsi, la société, d’un point de vue quantique, est la complémentarité de ces deux énergies, et non seulement l’une d’entre elles, comme tend à le penser l’Occident : l’individu, l’énergie concentrée en atomes sociaux.

Il est typique des diverses cultures de la civilisation occidentale, monothéiste et patriarcale, de mettre l’accent sur la dimension individuelle et d’avoir créé des institutions qui encouragent et cultivent l’individu autonome et autosuffisant. Depuis le sevrage, le berceau, la chambre propre, etc., la civilisation occidentale modèle et crée l’individu, solitaire et isolé, qui est l’unité de base de son système religieux et politique. […]

Au contraire, il est typique des différentes sociétés de la civilisation orientale, et concrètement de l’Indianité, de mettre l’accent sur la dimension communautaire, collective, et de créer ses institutions, ses coutumes, afin d’encourager et de reproduire l’ayllu [10], conçu comme beaucoup plus qu’une somme d’individus (ce qui serait le « collectif », le « corporatif », du modèle occidental), comme l’effet que produit, dans le Taypi de son territoire, le Tinku [11] de l’énergie Aran et de l’énergie Urin [12]. […]



Au politique

Au niveau du politique, le modèle quantique s’exprime dans le fait que l’énergie fermionique (la fonction particule) se manifeste dans le libéralisme – autour de l’atome social : l’individu –, alors que l’énergie bosonique – la fonction onde – se manifeste dans le communautarisme : le réseau. Comme nous l’avons déjà signalé, de la même façon que chaque énergie contient à l’intérieur d’elle-même l’autre énergie opposée minimisée, de la même façon tout être humain se trouve en tension entre ces deux énergies antagonistes : la pulsion libérale et la pulsion communautaire.

Ainsi, le politique réel et complet est dans la complémentarité de ces deux énergies, et non seulement dans l’une d’entre elles, comme tend à le penser le monothéisme patriarcal occidental : le libéralisme ou le socialisme : l’énergie congelée dans l’atome politique, l’individu.

À l’intérieur de la civilisation occidentale, l’antagonisme entre onde et particule s’exprime dans la polarité libéralisme/socialisme-communisme. Ce qu’ont de commun le libéralisme et le socialisme, c’est de se baser sur la notion d’individu, fondamentale pour la civilisation occidentale.

À l’intérieur de l’Indianité, l’antagonisme entre onde et particule s’exprime dans la polarité entre factionnalisme et communautarisme, où le factionnalisme individualiste est de toute manière subalterne à la notion de communauté – d’ayllu dans les Andes – qui se base sur l’idée du réseau […]. C’est là un système multidimensionnel, alors que le modèle libéral/socialiste est unidimensionnel, comme le disait Herbert Marcuse. Son support est organique, en contiguïté avec la nature, à la différence du support mécanique, qui s’établit avec le passage du temps : l’histoire, sans aucun lien avec l’espace, la biosphère, qui est une simple donnée supposée, sans aucune implication en rien.



À l’économique

Au niveau économique, le modèle quantique s’exprime dans le fait que l’énergie fermionique, la fonction particule, se manifeste dans l’échange : l’énergie figée dans la monnaie. L’énergie bosonique, la fonction onde, se manifeste dans la réciprocité [13] : l’énergie fluide de l’ayni, la minka [14], etc. Encore une fois, comme chaque énergie contient son énergie opposée minimisée, ainsi également l’économie se trouve en tension entre deux énergies antagonistes : la pulsion à l’échange – argent, marché, accumulation – et la pulsion communautaire : ayni, fête, foire.

L’économie « complète » est donc la complémentarité de ces deux énergies, et non seulement l’une d’entre elles, comme tend à le penser l’Occident : l’échange, l’énergie figée dans l’argent.

Par échange, on entend la dynamique économique qui part de l’intérêt propre, avec l’objectif de s’enrichir et la finalité d’accumuler, pour avec ces ressources pouvoir acheter sur le marché les biens et les services nécessaires au bonheur.

On entend par réciprocité la dynamique économique qui part de la nécessité de l’Autre, avec l’objectif de produire une relation affective et la finalité d’obtenir le prestige d’être un grand donateur qui obligera les donataires à réciproquer plus généreusement le don reçu, de façon à former une chaîne de dons et de contre-dons qui rende possible la vie en relation et en harmonie avec non seulement l’entourage social, mais également l’entourage rituel et cosmologique. […]

Dans d’autres travaux [15], Javier Medina, avec Dominique Temple, montre que l’économie des peuples indigènes n’est pas une sphère autonome. L’économie, la production, ne peuvent pas être séparées de la spiritualité, du social, etc. Il montre également que le but de ces économies n’est pas seulement la production et l’échange « juste », mais la mise en circulation de « produits » qui n’ont souvent pas de valeur d’usage. On produit des choses pour pouvoir les faire circuler, pour tisser des liens sociaux, pour créer de la réciprocité, pour créer du sens. Et cette réciprocité ne se noue pas uniquement à l’intérieur de la communauté humaine, mais elle la relie à la communauté de la nature et à la communauté des esprits (qui ne sont en réalité pas séparées de la communauté humaine). La chacra (le « champ » des agriculteurs andins) est beaucoup plus qu’un moyen de production. Elle est le lieu dans lequel se tisse les liens entre les membres de la communauté humaine, et entre les différentes communautés (humaine, naturelle et surnaturelle). La chacra est à la fois « atelier » (dimension productive non aliénée), « temple » (lieu de relation avec la transcendance), « place du village » (lieu de socialisation), « école » (lieu d’éducation), etc. [16]



Au civilisationnel

Au niveau de la civilisation, le modèle quantique s’exprime dans le fait que l’humanité également, composée de masse et d’énergie, s’actualise soit comme énergie fermionique – la fonction particule –, et on peut appeler cette moitié Occident – l’énergie congelée dans la masse –, soit comme énergie bosonique – la fonction onde –, et cette autre moitié nous l’appelons Orient, dont l’Indianité est un sous-système : c’est l’énergie fluide du Tao [17], du Qhapaq Nan, du Tha’qi de la Qamaña. Toujours de la même manière, comme chaque énergie contient en elle-même son énergie contraire minimisée, l’humanité occidentale contient en elle-même, minimisée, l’énergie bosonique de l’Indianité, et l’humanité indienne contient en son sein, minimisée, l’énergie fermionique de l’Occident.

Ainsi, la Civilisation est la complémentarité de ces deux énergies : Orient et Occident, et non seulement l’une d’entre elles, comme tend à le penser le monothéisme patriarcal occidental : l’Occident est la civilisation et le reste est la barbarie qui doit être civilisée par elle. De là dérive la Conquista, l’évangélisation, l’extirpation des idolâtries, l’aide au développement et la lutte contre la Pauvreté d’aujourd’hui.

Ainsi, d’un point de vue quantique, on entend par civilisation le résultat de comment l’humanité résout de manière hégémonique la polarité masse/énergie. Cette polarité archétypique se divise en autres polarités plus connues, par exemple créateur/créature, bien/mal, espace/temps, sujet/objet, vie/mort, etc.

Si cette polarité est pensée de manière excluante, c’est-à-dire de façon dualiste (« l’empire du Bien lutte contre l’empire du Mal », G. W. Bush), on obtient la civilisation monothéiste occidentale. Si cette polarité est pensée de manière incluante, c’est-à-dire comme une unité duale, « non-dualité », Advaita, Yanantín, on a alors la civilisation orientale, dans notre cas, la société amérindienne animiste. […]

C’est le grand parapluie de l’humain. À l’intérieur de chaque civilisation on trouve différentes cultures qui sont des variations dues en grande partie à des réponses apportées à différents écosystèmes dans lesquels les êtres humains doivent assurer leur vie et leur reproduction.

Ainsi, nous avons par exemple les cultures espagnole, suisse, hollandaise, danoise, anglaise, etc., qui sont très diverses et différentes entre elles, mais qui partagent un parapluie cosmologique unique et commun, caractérisé para la séparation, le monothéisme, l’individualisme et l’échange. De la même manière, nous avons les cultures tibétaine, chinoise, mapuche, aymara, quechua, guarani, maya, toltèque, iroquoise, inuit, etc., qui sont également différentes entre elles, mais qui partagent le même parapluie cosmologique, caractérisé par e fait de se savoir partie du continuum biosphérique, par l’animisme, le communautarisme et la réciprocité. […]



3.- L’OCCIDENT ET L’INDIANITE

Cela dit, il faut ajouter que le principe de réciprocité est incompatible avec certaines notions transcendantales de la civilisation occidentale. L’Occident est une civilisation unidimensionnelle. Avec la physique quantique, elle commence à changer, à partir du monde universitaire. Mais cela n’empêche pas qu’elle comprenne les relations de manière unidirectionnelle. Dieu est un actus purus, souverain, omnipotent, omniscient ; Il n’a pas besoin de la créature. S’Il la crée, c’est comme fruit entièrement libre de sa condescendance, de sa liberté, de sa Grâce. Il n’attend pas de réponse humaine pour être. Traduit épistémologiquement, cela signifie que le sujet connaît de manière active un objet qui est compris comme passif. Économiquement, que l’Homme exploite, au travers du travail et de la technologie, la terre qui est comprise comme passive et inerte, pour la transformer en produit, c’est-à-dire, en richesse.

Le « dieu » amérindien, au contraire, advient au moment du rituel ; il a besoin de l’être humain pour se faire présent, et vice versa. Au-delà du rituel (le laboratoire), il existe virtuellement dans le cosmos, comme un photon avant d’être mesuré dans l’accélérateur de particules : c’est un dieu quantique. Économiquement, travailler, c’est élever, cultiver la vie. La réciprocité implique une compréhension interactive de la réalité. Dit autrement, la réciprocité est la recherche d’un équilibre contradictoire entre les forces d’inclusions et d’exclusion. […]

Je sais que, dans ce contraste, l’Occident ne paraît pas à son avantage, et que cela peut causer une certaine résistance à accepter cette manière de comprendre les relations entre christianisme et animisme amérindien. J’en suis désolé ; il nous arrive la même chose que les physiciens du premier quart du XXe siècle, lorsque l’expérimentation scientifique changeait la vision de la matière-énergie, de l’espace-temps, de la vie et de la mort. Il y eu également de fortes résistances. […]

Utilisant une métaphore quantique, je dirai que dans l’ère « écozoïque » qui commence, la « fonction onde » devra être jouée par la civilisation amérindienne et la « fonction particule » par la civilisation occidentale. Ensemble, dans un équilibre contradictoire, elles seront l’Unité duale vers laquelle marche l’humanité. En ce sens, l’Occident doit cultiver, en son sein, son Indianité réprimée, et l’Indianité doit cultiver, en son sein, l’Occident auquel elle résiste. Mais pour cela, nous devons tous commencer à régler nos comptes avec le colonialisme interne, tant les Boliviens occidentaux que les Boliviens amérindiens. […]



4.- EN QUOI CONSISTE ALORS LE DIALOGUE ENTRE CIVILISATIONS ?

Le premier dialogue doit se donner à l’intérieur de chacun. Cela consiste à connecter notre côté masculin, dont les caractéristiques les plus stéréotypées indiquent qu’il est extroverti, conquérant, agressif, individualiste, avec notre côté féminin : plutôt penché vers l’intérieur, réceptif, conciliateur, communautaire… Une manière d’y parvenir est de connecter notre hémisphère neuronal droit : holiste, systémique, en réseau, quantitatif, avec l’hémisphère neuronal gauche : linéaire, sectoriel, séquentiel, qualitatif.

Ainsi, le premier échelon du dialogue des civilisations consiste à connecter notre polarité constitutive corps/esprit, qui a été séparé par les patrons culturels du monothéisme patriarcal, qui met l’accent sur l’esprit et rejette la matière. Si nous parvenons à atteindre cet équilibre intérieur, nous sommes prêts pour le second pas.

Le deuxième pas consiste à considérer avec des yeux nouveaux notre relation à l’Autre. En premier, accepter qu’il soit Autre, différent, antagonique et non identique à nous-mêmes. […] Il s’agit de comprendre que, si nous sommes différents, ce qui constitue l’Autre, cette altérité, nous la possédons également comme potentialité réprimée. C’est-à-dire, l’Autre est en nous, ce n’est pas une extériorité absolue. Tout Occidental a en lui un Indien réprimé, et tout Indien a en lui un Occidental auquel il résiste.

[…] « L’Indien », se sont les pulsions holistes, écologiques, systémiques, communautaires ; les valeurs qui sourdent de la réciprocité, de la recherche de l’équilibre : le qualitatif. « L’Occidental », se sont les pulsions linéaires, sectorielles, séquentielles, individualistes ; les valeurs qui sourdent de la liberté, du progrès, du développement : le quantitatif. Mais tous, Indiens et Occidentaux, nous possédons ces deux dimensions, c’est seulement que l’une domine l’autre.

Le pas suivant est de comprendre l’Autre comme notre complémentaire. C’est-à-dire que les Occidentaux doivent démonter l’idée qu’il n’existe qu’un seul modèle, qui est le nôtre et qui, en plus, est universel, et que, par conséquent, ce sont les Indiens qui doivent s’adapter à nous, c’est-à-dire, se civiliser. Les Indiens, de leur côté et pour des raisons logiques – tiers inclus – font déjà cet effort de nous comprendre comme leurs complémentaires. De ce fait, ils acceptent le Dieu monothéiste, l’argent, le marché, la modernité, et ce qui est Autre. Mais si l’acceptation de l’Autre n’advient que d’un côté, le modèle ne fonctionne pas parce que cela rend vulnérables les représentants de la complémentarité à l’unilatéralité du modèle occidental. C’est l’histoire de la colonisation. Le modèle ne fonctionne que si les deux polarités acceptent le modèle quantique que nous offre le nouveau paradigme. Il faut démonter le modèle newtonien obsolète de lois absolues et universelles. L’univers est plutôt relativiste, probabiliste, contextuel. C’est là la condition de possibilité d’un dialogue de civilisations [18]. […]



5.- QU’EST-CE ALORS QUE DECOLONISER ?

Pour commencer, décoloniser est quelque chose qui nous incombe à tous ; ce n’est pas seulement une tâche des colonisés, mais aussi des colonisateurs. Il est fondamental et nécessaire de le signaler, parce qu’il semblerait parfois que seuls les Indiens, les Africains, les Asiatiques, etc. devraient se décoloniser, mais pas les Occidentaux.

Deuxièmement, décoloniser signifie démonter le modèle monothéiste patriarcal, c’est-à-dire, la vision unilatérale et unidimensionnelle qui réprime ou ignore l’altérité orientale. Pour le dire de manière occidentale, il s’agit de démonter ou déconstruire le logocentrisme occidental et d’aller vers un modèle quantique boson/fermion, onde/particule.

La manière la plus sympathique, pour un Occidental, de démonter le logocentrisme patriarcal de son modèle exotérique, c’est de se remettre à boire aux sources de ses traditions mystiques. Dans le cas du judaïsme, de retourner à la Kabale ; dans le cas du christianisme, de retourner aux mystiques chrétiens ; dans le cas de l’Islam, de retourner au soufisme. Ces traditions mystiques de l’Occident partagent le même substrat que les traditions hermétiques de l’Orient. À ce que l’on appelle, simplement, la sagesse.

Décoloniser signifie donc appliquer le principe de complémentarité des opposés à tous les niveaux de la vie. Dit autrement : visibiliser ce qui a été réprimé, caché, nié, par la « conquête », c’est-à-dire par l’Inquisition, l’évangélisation, l’extirpation des idolâtries, le progrès et le développement (à travers par exemple la lutte contre la pauvreté et les Objectifs du millénaire). (Re)découvrir ce qui a été écrasé, oublié, dévalorisé. Ensuite, lorsque cela aura été fait, relativiser le paradigme occidental avec cette énergie retrouvée, opposée et complémentaire, afin de trouver un équilibre « complété » de ces deux polarités.

Afin de réfléchir de manière concrète à ce que peut signifier penser en termes d’Onde et de Particule, antagoniques mais complémentaires, voici quelques exemples :



Pour les territoires

La dimension Particule s’exprime dans la notion de limites, d’espaces homogènes et compacts. C’est-à-dire, tout ce que nous connaissons en Amérique latine depuis les Réductions tolédiennes. Généralement en Occident, ce sont les concepts liés aux États-Nations, aux frontières fixes et étanches, etc. La dimension Onde est celle qu’ont pratiqué et continuent de pratiquer les Indiens des Andes : une vision en réseau du contrôle d’un maximum d’étages écologiques. C’est-à-dire, des espaces hétérogènes, distants mais connectés – fluides. De ce point de vue, par exemple, la Bolivie est là où vivent des Boliviens : en plus de la Bolivie, la ceinture du grand Buenos Aires, les environs de Sao Paolo, de Washington ou de Barcelone… À l’ère de la globalisation, cette dimension connaîtra probablement une visibilité de plus en plus grande, ainsi qu’une pertinence politique et économique de plus en plus grande également, à travers les migrations Sud-Nord, les « remesas », etc. […]



Pour la terre

La dimension Particule s’exprime, par exemple, dans la « Nouvelle Loi sur les terres » que propose le MAS [19], et quand ce dernier parle de « valeur foncière », de « propriétaires terriens », de ce que « l’État est le propriétaire originaire de la terre », et même de concession […]. La dimension Onde, à l’inverse, est celle qui conçoit la Pachamama [20] comme un être vivant, comme un système auto-régulé et intelligent, dont les êtres humains font partie et ne sont pas maîtres et propriétaires. C’est la vision écologiste et animiste de l’Indianité. Décoloniser, dans ce contexte, signifierait positionner fermement cette vision systémique, holiste, animiste dans une nouvelle loi qui ne pourrait plus être nommée « Loi sur les terres » (cela correspond au paradigme caduque des réformes agraires de la première moitié du siècle passé) mais, comme disent les Indiens boliviens, de « territoire » ou, mieux encore, Urakpach, Yvi, etc. […]



Dans l’éducation

La dimension Particule s’exprime dans la prépondérance donnée à la connaissance fondée sur l’expérimentation scientifique et l’écriture. Un petit nombre définit ce qui est correct : la vérité. Les autres répètent de mémoire, apprennent à avoir foi en ce que disent les spécialistes et mémorisent comme des perroquets. La dimension Onde s’exprime elle dans la connaissance produite par l’expérience de vie propre et se transmet au travers d’un système rituel de génération en génération. On sait parce qu’on a vécu, pas parce qu’un autre nous l’a dit. Décoloniser l’éducation, c’est rechercher la complémentarité de ces deux systèmes de connaissances, non « l’égalité des chances » et moins encore pour accéder à un seul système. Il ne s’agit pas de prétendre à l’universalisation des savoirs et des connaissances indiens comme homologues des savoirs et des connaissances occidentales. De cette façon, ils ne deviendront jamais « universels » dans le sens occidental qui universalise seulement une partialité. L’universel pour de vrai est l’effet de la complémentarité de la connaissance par expérience vécue et par expérimentation scientifique : les deux choses. « L’égalité des chances », « l’école unique », « l’alphabétisation » sont des mesures libérales propres d’un modèle d’économie sociale de marché, d’un État unitaire de type occidental, fondé uniquement sur l’écriture. C’est bien, mais cela n’a rien de décolonisateur. Une politique éducative serait décolonisatrice si elle associait à l’antérieur le fait d’« apprendre à lire les rides du visage des grands-parents ». […]



En politique

La dimension Particule s’exprime dans la prépondérance accordée à l’individu, comme unité minimum de sens, ce qui donne lieu tant au libéralisme qu’au socialisme, dans la mesure où ce dernier comprend le collectif comme simple agglomération d’individus. La dimension Onde s’exprime quant à elle dans la prépondérance accordée à la communauté qui est l’effet quantique de la complémentarité d’Aran et Urin, deux énergies antagoniques qui constituent l’ayllu. […] Décoloniser signifierait ainsi positionner de manière forte l’énergie communautaire pour rétablir l’équilibre, et, ensuite, donner sa place – relative, et non absolue – à l’énergie fermionique individualiste. Pour cela, il n’y a rien de mieux que d’utiliser le modèle de l’ayllu que se fonde, justement, dans la complémentarité d’Aran et Urin, c’est-à-dire, des deux énergies.



Dans la religion

La dimension Particule s’exprime dans la prépondérance donnée à l’Un, au Ch’ulla, au Dieu du monothéisme abrahamique qui instaure un modèle de civilisation fondée sur la séparation et le privilège d’une seule polarité – Yahvé, le temps, l’histoire, l’individu –, et la répression de l’autre polarité – les wak’a, l’espace, l’animisme, le systémique. La dimension Onde s’exprime dans le Yanantin, la parité – la complémentarité des opposés de l’animisme indien. Décoloniser, en conséquence, c’est chercher la complémentarité des deux pôles : expliquer leurs relations et différences (et où mieux qu’à l’école ?), plus que postuler un État laïque, qui correspond à un modèle libéral d’État, reposant sur le présupposé qu’il n’existe qu’un seul modèle civilisationnel, l’occidental, et qui, du fait du principe de scission, de séparation, distingue le privé du public, le sacré du profane, considérant que l’État est en rapport avec le public et le monothéisme avec le privé. […]





Notes


[2] Ce paragraphe a été rédigé par Mathieu Glayre pour présenter sa traduction du texte de Javier Medina publié sur le blog Creciendo Juntos. Dial l’a repris en le modifiant légèrement.

[3] En anglais dans le texte – NdT.

[4] Jaqi : le couple humain. La femme et l’homme ne deviennent des personnes à part entière qu’en s’unissant comme couple. Le couple est l’unité minimum de sens social chez les Aymaras – NdT.

[5] Forme du principe économique de la réciprocité qui consiste à échanger réciproquement des biens et des services égaux, pratiqué principalement entre parents consanguins et rituels – NdT.

[6] Indiens des Andes, en particulier Quechua et Aymara des Andes Centrales. Le Kollasuyo – pays des Kollas – était la partie de l’Empire inca qui correspond au Sud du Pérou et à la Bolivie actuelle – NdT.

[7] Union de deux énergies opposées et complémentaires archétypiques, mâle et femelle, pour le travail harmonieux dans l’unité de base de l’ayllu qu’est la famille – NdT.

[8] Les particules se présentent sous deux classes de formes basiques : bosons et fermions. Les fermions sont les particules qui se combinent pour former la matière : électrons, protons et neutrons ; ils sont essentiellement antisociaux. Leurs fonctions ondes peuvent se superposer jusqu’à un certain point, mais jamais complètement. Ils demeurent jusqu’à un certain point des individualités. Par contre, les bosons – photons, particules négatives et positives w et la particule neutre z, glucons et gravitons – constituent des particules relationnelles. Les bosons transportent les forces qui maintiennent uni l’univers et sont essentiellement grégaires – NdT.

[9] Le mot « comunidad » est plus riche en espagnol qu’en français, et en particulier en espagnol bolivien. Une « comunidad », c’est le village ou le hameau, mais c’est aussi son territoire, son organisation sociale, politique, familiale et productrice propre. Et s’il s’agit d’une « communidad » indienne, le terme inclut également les liens tissés entre les êtres humains entre eux et entre eux et leur « environnement » au sens large, c’est-à-dire la terre, le territoire, le vent, l’eau, les animaux, les plantes, les esprits, les dieux, etc. – NdT.

[10] En apparence, pour un œil occidental, un ayllu est simplement un ensemble de villages ou de hameaux liés et apparentés. En réalité, il est beaucoup plus que cela, c’est la base des sociétés andines, puisqu’il intègre toute la « communauté vivante » (la communauté humaine, la communauté animale, la communauté « inanimée » (rivières, montagnes, plantes, etc.), la communauté « transcendantale » (ancêtres, divinités, etc.), mais également les relations sociales, familiales, productives, économiques, religieuses, etc. qui sont tissées entre ces différentes communautés, et entre les « individus » qui les composent – NdT.

[11] Rencontre des contraires. Le mot signifie en même temps « frontière », qui sépare en même temps qu’elle unit les deux parties, et « combat rituel », par exemple entre deux ayllus, qui fonctionne comme un mécanisme d’ajustement, de redistribution, de rééquilibrage, d’ « équilibre » entre deux parties d’un tout, de « rencontre », par exemple la confluence de deux rivières – NdT.

[12] Aran et Urin sont les deux énergies primordiales, qui divisent par exemple les hameaux, les communautés et les ayllus en deux moitiés opposées mais complémentaires, selon des dichotomie fondamentales, comme haut/bas, chaud/froid, etc. – NdT.

[13] Voir les travaux de Dominique Temple sur l’économie de la réciprocité : http://dominique.temple.free.fr/ – NdT.

[14] Dans l’économie de la réciprocité, forme de collaboration mutuelle par laquelle quelqu’un travaille pour une autre personne en échange de nourriture, produit ou argent.

[15] Voir par exemple : Javier Medina, éd., Ñande reko : la comprensión guaraní de la vida buena, La Paz, FAM-Bolivia / Programa de apoyo a la gestión pública descentralizada y lucha contra la pobreza, componente Qamaña, « Gestión Pública Intercultural » n° 7, 2002, 135 p., disponible en espagnol : http://www.unicefninezindigena.org.... – NdT.

[16] Commentaire du traducteur.

[17] Concept central de la philosophie chinoise. « Tao » signifie « voie », « chemin ». Le tao est la force fondamentale qui coule en toutes choses dans l’univers, qu’elles soient vivantes ou inertes. C’est l’essence même de la réalité, par nature ineffable et indescriptible – NdT.

[18] Boaventura Do Santos propose de travailler à partir de ce qu’il appelle une herméneutique diatopique, afin de tenter de dépasser le débat entre universalisme et relativisme. Voir par exemple : « Vers une conception multiculturelle des droits de l’homme », Droits et Société, n° 35, 1997 – NdT.

[19] Mouvement vers le socialisme, le parti actuellement au pouvoir – note DIAL.

[20] La Terre-mère – note DIAL.





Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3174.

Traduction de Mathieu Glayre, revue et augmentée par Dial. - Source (français) : blog Creciendo Juntos, 24 novembre 2010.

En cas de reproduction, mentionner au moins l’auteur, le traducteur, la source française (Dial - http://enligne.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.




martes, 30 de agosto de 2011

5 Le ROYAUME dans la Biblia. PR.

L E   R O Y A U M E   D A N S   L A   B I B L E


Guayaquil, janvier 2011. PR.
Traduction de Pierre Bioteau, mars 2011.


CONTENU

Introduction: l’Arbre du Royaume (Genèse 1-2).
  1. Le Royaume dans l’Ancien Testament
-          La double intuition d’Abraham
-          La triple mission de Moïse
-          Les premières bases de l’organisation sociale de Moïse
-          L’organisation tribale à l’époque des Juges
-          Les prophètes défendent le projet de Moïse contre les rois
-          Les livres sapientiaux sont une résistance idéologique
  1. Le Royaume dans le Nouveau Testament
-          L’organisation politique du pays de Jésus
-          Le Royaume qu’a voulu Jésus
-          La pratique de Jésus a repris le projet de Moïse
-          Les premiers chrétiens ont continué le projet de Royaume
Conclusion: Suivre Jésus personnellement et collectivement.
Annexe : « Seul le Royaume est absolu », pape Paul 6.




INTRODUCTION :  LE  DESSIN  ET  L’ EXPLICATION  DE L’ « ARBRE  DU  ROYAUME ».

            Le Royaume est devenu ma passion, depuis la lecture du nº 8 de la lettre encyclique du pape Paul 6 (voir en Annexe) : « Seul le Royaume est absolu », lue en 1975, la veille de mon départ pour l’Amérique Latine.
Deuxième évènement : « l’Arbre du Royaume ». Ce dessin et son commentaire (ci-dessous) me suivent depuis plus de 30 ans. C’est le résumé du Projet de Dieu sur la Création ; c’est l’Arbre de la Vie, du Bien et du Mal, du Royaume inauguré par Jésus. Seul le Royaume nous fait comprendre la dimension politique de la foi chrétienne (mais c’est un autre sujet… que je vous enverrai).

            En faisant le dessin, on explique, pas à pas, le sens de la création et du projet de Dieu (Genèse 1 y 2).

·         DIEU est à la racine et à l’origine de toute la création.
·         En créant, Dieu partage ce qu’il est, c’est-à-dire, vie, amour et communauté. Pour lui et à son image, l’harmonie est l’axe et le but de tout l’univers.
·         Dieu a d’abord créé les 4 éléments, puis les végétaux et les animaux: cela c’est la NATURE dont le destin est, selon Dieu, dêtre partagée pour le bien de tous. Tout cela va constituer le domaine de l’ÉCONOMIE, qui est l’organisation des relations de l’être humain avec la nature, basée sur le partage de toutes les richesses nationales. Dans cette partie, le péché consiste à accumuler. Voir Exode 16,14; Matthieu 20,1; Actes 2, 42 ...
·         Ensuite, Dieu a créé  l’HUMANITÉ dont l’objectif est de vivre ensemble. Cela va être le domaine de la POLITIQUE, qui est l’organisation des relations entre toutes les personnes, c’est-à-dire cohabiter entre soi et avec tous les groupes ethniques de la nation. Là le péché consiste à dominer. Voir Exode 18,13; 1° Samuel 8; Marc 10,42…
·         Enfin, Dieu a communiqué à l’être humain sa SAGESSE pour que nous puissions nous exprimer de nombreuses manières et, ainsi, nous enrichir par l’apport de tous et de toutes. Cela va être le domaine des IDÉOLOGIES, qui est l’organisation des diverses façons de nous exprimer et d’organiser l’économie et la politique. Le péché dans ce domaine est la tromperie et le mensonge. Voir Daniel 2; Luc 4,16; 1° Corinthiens 1,27…

Voilà le RÊVE DE DIEU, son plan de vie, d’amour et de bonheur. C’est le Royaume que Jésus va faire advenir et qu’il va nous confier pour le continuer, le compléter, l’actualiser.

-          “Vois, je te propose aujourd’hui vie et bonheur, mort et malheur. Ce que je te prescris aujourd’hui c’est d’aimer Yahvé, ton Dieu, et de marcher dans ses voies” (Deutéronome 30,15).
-          “Cherchez d’abord son Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît” (Matthieu 6.33).




 I .  LE  ROYAUME  DE  DIEU  DANS  L’ ANCIEN  TESTAMENT.


Concrètement, le Royaume a commencé avec Abraham et Moïse, et puis a continué avec les Prophètes et les Sages.

A. LA DOUBLE INTUITION D’ABRAHAM: Genèse 12.
Le projet du Royaume a commencé à se réaliser avec Abraham qui, en quittant sa terre, a entrepris un double projet social et religieux. Il y a 4.000 ans, avec l’appel de Dieu, Abraham a ouvert un nouveau chemin de foi: Dieu unique et ami des pauvres. Cette nouveauté religieuse ouvre un nouveau projet d’organisation sociale: de libération, de fraternité et d’égalité, en opposition avec le système dominateur des rois de l’époque, et vu dans la perspective des opprimés. Mais les descendants d’Abraham ont fini esclaves en Egypte.

B. LA TRIPLE MISSION DE MOÏSE
Moïse fut un hébreu de la tribu sacerdotale de Levi. Dans le désert du Sinaï, Dieu l’a appelé depuis un ‘buisson ardent qui ne se consumait pas’ et lui a confié une triple mission (Exode 3,1-15):

  1. Libérer ses compatriotes esclaves en Egypte (liberté),
  2. Sceller une alliance du Peuple avec Dieu (foi) et
  3. Mettre en marche une organisation égalitaire qui rende impossible l’esclavage (égalité). Le plus spectaculaire fut d’entreprendre une organisation sociale égalitaire (Exode 20-23). Au sortir de l’esclavage, Moïse et les Hébreux décidèrent de s’organiser de telle sorte que l’esclavage soit impossible entre eux. Les 10 commandements sont la Constitution de ce nouveau Peuple: la base indispensable du rejet de l’esclavage par la décision de vivre dans l’égalité, au nom du Dieu avec qui ils venaient de faire alliance.

C. LES PREMIERES BASES DE L’ORGANISATION SOCIALE DE MOÏSE

  1. L’expérience fondatrice de la ‘manne’ (Exode 16,1-36)
-          Yahvé ‘Recueillez-en chacun selon ce qu’il peut manger. Vous en prendrez chacun selon le nombre de personnes qu’il a dans sa tente’ (v. 16). Et la réalité démontre que ‘ni ceux qui avaient amassé beaucoup avaient davantage, ni ceux qui avaient ramassé peu avaient moins. Chacun avait le nécessaire pour sa consommation’ (v. 18).
-          La recommandation de Moïse était que ‘personne n’en mette en réserve jusqu’au lendemain’ (v. 19). De fait, pour ceux qui ne l’écoutèrent pas, ce qu’ils avaient gardé ‘devint infect’ (v. 20).
-          Ce fut une longue expérience. Les versets 35-36 disent que ‘les fils d’Israël mangèrent de la manne pendant 40 ans, jusqu’à ce qu’ils parvinrent au pays de Canaan’.
-          Jésus nous fait demander dans le Notre Père: ‘Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour’ (Matthieu 6,11); Jésus lui-même compare l’Eucharistie à la manne (Jean 6,32) et Saint Paul s’est référé à la manne pour justifier la collecte au bénéfice des chrétiens de Jérusalem (1 Corinthiens 8,13).
-          La grande exigence de Dieu était l’éradication de la pauvreté: “Qu’il n’y ait donc pas de pauvre chez toi” (Deutéronome 15,4). L’Église des Pauvres témoigne de cette exigence.

  1. Dix lois stables. Les 10 commandements (Exode 20,1-17) constituent d’abord la défense et la promotion de cette organisation égalitaire sur une base religieuse. Les 10 commandements furent la manière institutionnalisée de dire ‘non à l’esclavage’ d’Égypte et ‘oui’ à une nouvelle forme d’organisation égalitaire au nom de Dieu: ‘Je suis Yahvé, ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de servitude’ (Exode 20,1). Dans ce ‘Décalogue’, 3 commandements se réfèrent à Dieu et 7 à la Communauté.
-          La finalité recherchée, c’est l’égalité (Lévitique 19,9-18) et la solidarité (Deutéronome 24,5-22).
-          Le pouvoir central est partagé, déjà au temps de Moïse, puis au temps des Juges en Palestine : il s’agit d’une organisation communautaire dont la base est l’union des familles en clans, et l’union des clans en tribus, grâce à leurs représentants.
Voici le sens original des 10 commandements.
  1. « Tu n’utiliseras pas en vain le nom de Dieu ». Le pharaon utilisait la religion égyptienne pour justifier l’oppression et l’esclavage. Yahvé est le libérateur des Hébreux : « Tu n’utiliseras pas le nom de Dieu pour opprimer, réprimer, exploiter ou tromper.
  2. « Tu ne te feras pas de statue ni de choses ni d’animaux ni de personnes ». Les statues et leur dévotion représentent des modèles et des symboles religieux, à obéir et à acheter pour que la divinité soit favorable à son dévot. Mais, vous les Hébreux, « vous ne réduirez pas Dieu à obéir à vos exigences ».
  3. « N’oublie pas de respecter le sabbat : travaille durant 6 jours ; le 7e est un jour de repos dédié a Yahvé, ton Dieu ». Au temps de l’esclavage en Egypte, il fallait travailler 7 jours sur 7 : la rentabilité était le plus important de tout. Mais un peuple libre doit rompre avec cette tyrannie : le travail n’est pas la priorité ; c’est la dignité des personnes, la fraternité et la foi. « Rappelle-toi, durant un jour, que tu n’es plus esclave ».
  4. « Honore ton père et ta mère ». Au pays du pharaon, il fallait respecter l’autorité suprême, la hiérarchie. Moïse invite ses compatriotes à respecter les parents, mais aussi les « pères et mères » de la Communauté : les vieux, les sages, car ils ont légués une manière de vivre et de croire. Ils sont les garants d’une vie nouvelle.
  5. « Tu ne tueras pas ». En Egypte la vie ne comptait pas : toutes les raisons étaient bonnes pour tuer des esclaves ; la peine de mort était monnaie courante. Désormais, il s’agit de respecter la vie : la vie personnelle et la manière de vivre en communauté, car la vie se détruit non seulement par l’assassinat et la guerre, mais aussi par la faim, la maladie, l’analphabétisme, les traitements humiliants, le manque d’amour…
  6. « Tu ne commettras pas d’adultère », c’est-à-dire, tu n’auras qu’une seule épouse et tu ne la tromperas pas, car avec l’adultère tu ne respectes pas la dignité ni les droits de la femme : tu abuses d’elles. L’interdiction de l’adultère repose sur l’égalité et le respect entre l’homme et la femme.
  7. « Tu ne voleras pas ». Les esclaves en Egypte n’avaient aucun droit de propriété : rien ne leur appartenait ; on pouvait tout leur enlever. Ne pas voler signifie : n’enlève à personne ce qui leur permet de manger et de vivre, comme ses terres, ses animaux, ses outils, sa maison… Egalement, le vol détruit la vie communautaire.
  8. « Ne porte pas faux témoignage contre ton prochain ». Le système social égyptien était basé sur la mensonge et la corruption. Une vie communautaire repose sur des relations de vérité, de respect, de transparence dans les décisions et les jugements.
9 et 10.      « N’envie pas ce qui appartient à ton prochain ». La propriété absolue et l’accumulation illimitée de biens faisaient la force du pouvoir du pharaon et de sa cour. Pour avancer vers le partage et l’égalité, il faut limiter le droit de propriété et éliminer l’accumulation (ce que font les lois sabbatiques et jubilaires).

  1. Les lois sociales des années sabbatiques et jubilaires
Le rythme lunaire était important pour les Hébreux (voir le poème de la création en 7 jours). Les années sabbatiques (tous les 7 ans) étaient l’occasion d’une révision des engagements pris au désert du Sinaï avec les 10 commandements et les années jubilaires, tous les 50 ans (après 7 « semaines » d’années), encore d’avantage.
a).  Pour l’année sabbatique, il y avait 3 obligations :
-          Laisser la terre se reposer, c’est-à-dire, ne pas la cultiver : Exode 23,10-11.
-          Pardonner les dettes impayées : Deutéronome 15,1-3.
-          Libérer les esclaves (le plus souvent des étrangers) : Deutéronome 15,12-18.
On trouve la raison de tout cela dans le Deutéronome 15,4 : « Il n’y aura pas de pauvre chez toi ».
b).  Pour l’année jubilaire, il y avait une obligation supplémentaire :
-          On accomplissait les obligations de l’année sabbatique : Lévitique 25,1-7.
-          S’y ajoutait la restitution de la propriété ancestrale que des familles pouvaient avoir perdue : Lévitique 25,8-13.
c).  Ces lois poursuivaient un triple objectif :
-          L’égalité, car elles protégeaient les petites gens, en empêchant l’accumulation des biens.
-          La justice, car la production de richesses est un bien commun qui doit servir à tous.
-          La fête, car celle-ci pour être vraie doit être le fruit de la justice et de l’égalité.
Remarquons que Jésus, lors de son premier discours à Nazareth (Lucas 4,19) fait directement référence à l’année jubilaire (« l’Année de la Grâce de Dieu ») ; c’est tout le sens qu’il vaut donner à sa mission : la réalisation effective du Royaume.

C. L’ORGANISATION TRIBALE DE L’ÉPOQUE DES JUGES
Rappelons que la conquête de la Terre Promise se selle par ce que l’on pourrait appeler une « Réforme Agraire », c’est-à-dire une répartition équitable des terres à chaque famille (par l’intermédiaire des clans et des tribus) et l’interdiction de les vendre ou les acheter pour toujours.
En même temps, sept principes ou critères naissent peu à peu de la pratique du Peuple de Moïse en fonction de son souvenir de l’époque de ses ancêtres, opposée à l’esclavage vécu en Égypte et conformément à des expériences libératrices de Peuples rencontrés lors de sa traversée du désert.

  1. Contre la hiérarchie des dieux égyptiens qui justifiait la domination des uns sur les autres, on retrouve la foi en un seul Dieu qui fonde l’égalité entre tous et toutes.
  2. En Égypte, les terres étaient aux mains de quelques-uns, afin de tout contrôler. Pour les Hébreux, la terre appartient à Dieu qui l’a donnée à chaque famille pour vivre et cohabiter. Celle-ci ne se marchande pas et si une famille avait été contrainte de s’en dessaisir, tous les 50 ans elle revenait à son propriétaire initial: ceci empêchait l’accumulation de terre et de richesses (Lévitique 25).
  3. Pharaon détenait seul tout le pouvoir sur tout et sur tous. Les Hébreux s’organisèrent en clans (plusieurs familles) et tribus (plusieurs clans), avec leurs représentants respectifs. Un ‘juge’, doté de pouvoir moral, était élu lors d’Assemblées générales de tout le peuple (Josué 24). Ceci empêchait la possibilité de dictateurs.
  4. En Égypte, les lois changeaient avec chaque Pharaon et selon ses intérêts du moment. Moïse donna à son Peuple 10 lois permanentes qui étaient la défense institutionnalisée de son organisation égalitaire.
  5. En Égypte, l’éducation n’était accessible qu’aux parents et aux proches du Pharaon. Chez les Hébreux, pour que chaque famille puisse accéder à l’éducation (les femmes restèrent marginalisées), on créa un nouvel abécédaire qui permit une conscience commune, une identité propre et une cohésion de tout le Peuple.
  6. L’armée égyptienne était permanente, mercenaire et salariée, c’est-à-dire, ouverte à tous, égyptiens et étrangers, et rémunérée. Au contraire, les Hébreux s’organisaient, quand c’était nécessaire, en autodéfense volontaire par clans, tribu et entre tribus. Tous défendaient ce qui était à tous et il n’y avait pas de possibilité d’une guerre d’agression.
  7. En Égypte, les prêtres faisaient partie de la cour du Pharaon, c’étaient de grands propriétaires terriens et ils célébraient un culte basé sur les sacrifices humains. Chez les Hébreux, les prêtres, issus de la tribu de Levi, n’avaient pas de propriétés, mais, en revanche, ils étaient soutenus par les dîmes et les prémices. Leur culte consistait principalement à faire mémoire des actes fondateurs du Peuple et célébrer la présence libératrice de Dieu en eux.

D. LES PROPHETES DÉFENDENT CE PROJET DE MOÏSE CONTRE LES ROIS

Le temps des Rois a marqué une rupture dans la réalisation, même imparfaite, du projet de Dieu mis en marche par Moïse et poursuivi par les Juges. Les Prophètes vont être les gardiens de la fidélité et la mémoire du projet de Dieu. Les prophètes sont les sentinelles du projet de Dieu, les sentinelles du Royaume.
  1. Isaïe est le prophète du Messie: un “nouveau Moïse” viendra réaliser le projet de Dieu.
  2. Ezéchiel est le prophète de l’espérance pour les exilés à Babylone.
  3. Jérémie est le prophète de la vérité: il dénonce les fausses assurances comme le temple et les rites vides.
  4. Osée est le prophète de la tendresse de Dieu, qui est toujours fidèle à son peuple malgré ses infidélités.
  5. Amos est le prophète de la justice sociale: on ne peut aimer Dieu si on ne pratique pas la justice entre compatriotes.
  6. Déborah est la grande femme prophétesse: elle sait entraîner son peuple dans les moments de désespoir.
  7. Daniel est le prophète du Royaume de Dieu: ce Royaume naît du peuple des pauvres.
  8. Habacuc est le prophète des Exclus: ¿Pourquoi me fais-tu voir l’iniquité? (1,1-3).
  9. Sophonie est le prophète de l’espérance: l’Église des Pauvres est l’héritière et la détentrice du projet de Dieu (3,12).

E. LES LIVRES SAPIENTIAUX SONT UNE RÉSISTANCE IDÉOLOGIQUE
Au milieu de tant de dominations de la part  de l’Egypte, de la Perse, de l’Assyrie, de Damas, de la Grèce, de Rome… le Peuple hébreu a toujours su conserver des espaces de fraternité interne, de foi vive et de solidarité ouverte. A une époque où nous-mêmes sommes envahis par les images culturelles des empires modernes, en particulier l’américain, la méditation des livres sapientiaux peut nous apporter de nombreux éléments de conscience critique, de résistance, d’alternatives et d’espérance. Ceci nous aidera peut-être à apprécier les proverbes d’aujourd’hui afin de ne pas nous laisser confondre, mais plutôt de nous permettre de retrouver une identité oubliée dans la sagesse populaire.

  1. Daniel 2: le Peuples des Pauvres est capable de renverser tous les empires.
  2. Sirach: La gloire de Dieu se manifeste dans la nature et dans l’histoire du Peuple de Dieu.
  3. Sagesse: C’est un traité destiné aux Juifs exilés en Egypte pour les aider à résister aux persécutions et à conserver la foi des ancêtres.
  4. Les contes populaires furent l’expression de la vie et de la résistance du Peuple de Dieu.
-          Rôle de la femme: Ruth, Judith, Esther, les femmes paysannes (Néhémie 5,1-5), la Sulamite du Cantique des Cantiques, Suzanne (Daniel 13).
-          La Communauté comme lieu de renouvellement. La famille, la maison et la Communauté sont les lieux à partir desquels se renforce le projet original de Dieu.
  1. Les Psaumes nous offrent des prières en abondance. Longues ou courtes, ces prières personnelles et collectives expriment la foi en la présence immédiate de Dieu parce qu’il ‘écoute la clameur des affligés’ dans le temple et n’importe où.



 II .  LE  ROYAUME DE DIEU  DANS  LE  NOUVEAU  TESTAMENT.


A. L’ORGANISATION POLITIQUE DU PAYS DE JÉSUS
Á l’époque de Jésus, l’empire romain avait envahi la Palestine.

  1. Les Romains occupaient le pays de Jésus, percevant des impôts et contrôlant toutes les décisions. L’empereur, à Rome, le César, était considéré comme dieu. Son représentant en Palestine était Ponce Pilate.
  2. Les Autorités juives devaient toujours en référer au gouverneur romain avant de prendre une décision.
-          Le roi Hérode était chargé par les Romains de la province du nord appelée Galilée.
-          Les grands propriétaires, formaient le Conseil des Anciens qui était consulté en certaines occasions.
-          Les prêtres élisaient le Grand Prêtre qui était la plus haute autorité, soutenu par une police et un tribunal appelé Sanhédrin.
-          Tout tournait autour du temple de Jérusalem: les Romains permettaient une certaine indépendance religieuse.
  1. Le message et la pratique de Jésus. Dans son premier discours à Nazareth Jésus a repris l’alliance du Sinaï et le songe de Moïse (Luc 4,16-21), c’est-à-dire le Royaume de Dieu.

  1. Avec Jean Baptiste et les Apôtres
a).  Jean Baptiste allait déjà dans cette direction: il prêcha la conversion, la justice, le partage (Luc 3,11) afin d’éviter le châtiment divin. Jean Baptiste insistait sur le péché.
b).  Jésus va plus loin et est plus concret: il part de la souffrance, plus que du péché.
-          Le salut vient des pauvres et de ceux qui se font pauvres avec eux, seuls capables de construire le Royaume de Dieu.
-          Il forme une Communauté stable qui vit ce que prêche Jésus.
-          Il insiste beaucoup sur l’usage de l’argent. Son groupe faisait bourse commune (Jean 12,6). A plusieurs reprises, il multiplia les pains (Matthieu 14,13 et 15,32), pour bien montrer que toute personne a le droit de manger et de manger selon ses besoins (Matthieu 6,11). Pour Jésus, l’argent est quelque chose de ‘maudit’ (Luc 6,24-25) qu’il faut utiliser pour se faire des amis de tous (Luc 16,9). Le salaire doit couvrir les besoins familiaux (Matthieu 20,1-16).
c).  Les apôtres et les premiers chrétiens mirent leurs biens en commun et se les répartissaient selon leurs besoins (Actes 2,42 y 4,32). Saint Paul insista sur la solidarité et le partage entre communautés et Églises (2° Corinthiens 8 y 9), et invita à éliminer l’esclavage dans la lettre à son ami Philémon.

  1. Jésus eut à affronter de nombreux conflits à cause de sa prédication et de la réalisation du Royaume
-          En plus de ses familiers et des apôtres, Jésus entra en conflit avec ces différents pouvoirs: le pouvoir militaire avec les envahisseurs romains et le pouvoir religieux avec les autorités juives, parce qu’ils n’étaient pas au service du Peuple, mais qu’au contraire ils le dominaient, l’exploitaient et le trompaient.
-          Jésus annonçait un Dieu qui aime tout le monde, mais qui défend prioritairement les pauvres, les femmes, les maltraités car ils sont victimes de l’injustice: c’est le protecteur et le libérateur des pauvres, des orphelins, des veuves...
-          Son Royaume appartient aux pauvres (Luc 6,20) et à ceux qui choisissent d’avoir l’esprit des pauvres et de faire leurs causes (Matthieu 5,3).
  1. Marie a confirmé cette vision du plan de Dieu dans son chant du Magnificat (Luc 1,51-54).

B. LE ROYAUME QU’A VOULU JÉSUS

  1. Les conceptions des différents groupes religieux contemporains de Jésus
-          Pour les Prêtres, les Pharisiens, les Docteurs de la Loi, le Royaume consistait dans la stricte application de la Loi.
-          Pour les Esséniens, le Royaume était purement spirituel et devait arriver d’un moment à l’autre.
-          Pour les Zélotes, le Royaume appartenait exclusivement aux juifs et il fallait expulser les Romains qui salissaient ce projet divin: Simon le Zélote et Simon Pierre avaient des contacts avec ces groupes.
-          Pour Jean Baptiste, le Royaume supposait la conversion personnelle et la pratique de la justice.

  1. La conception originale de Jésus par rapport au Royaume
a).  Jésus est le Prophète du Royaume: c’est le mot que les évangélistes mettent le plus dans la bouche de Jésus (quelque 100 fois).
-          La plupart de ses paraboles concernent le Royaume.
-          Pour Jésus il était évident que le Royaume appartenait aux pauvres.
-          La loi du Royaume est l’amour personnel, collectif et social (Jean 13,34 y 15,17), à partir de la compassion.
-          Le Royaume a une triple dimension: il est en nous, entre nous et doit se manifester dans sa plénitude. C’est une façon de vivre: en nous valorisant personnellement et collectivement -le Royaume est dignité-, en partageant équitablement les biens de la création – il est justice-, en vivant ensemble comme frères et sœurs –il est fraternité-, et en célébrant sa présence au milieu de nous –il est beauté.
b). Le Royaume est décrit dans l’Apocalypse comme le triomphe d’une femme sur le mal (12,1-10) – dont le fruit est l’Église des Pauvres- et comme une cité de fraternité et d’allégresse (21,1-8) -la nouvelle société dont nous sommes le fruit -; le centre de tout est Dieu. Les pouvoirs du mal ne parviendront pas à détruire ce Royaume de Dieu, lequel triomphera définitivement de tous. L’Arbre de la Vie, central dans la Genèse et signe de destruction du mal sur la croix de Jésus, est évoqué à la fin de l’Apocalypse comme récompense de ceux qui auront été fidèles à Dieu, à son projet, à son Royaume (22,14).
Le Royaume c’est nous lorsque nous vivons ce qu’a inauguré Jésus, personnellement, collectivement et socialement: ‘en anticipant déjà l’avenir la fête que vient’, comme Moïse l’a imaginé, comme Jésus l’a réalisé et comme l’Apocalypse le prophétise.

C. LA PRATIQUE DE JÉSUS A REPRIS LE PROJET DE MOÏSE
Jésus a réduit à 2 les 10 commandements de l’Ancien Testament: Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Tu aimeras ton prochain comme  toi-même’ (Matthieu 22,37 y 39). Par ailleurs, Jésus nous a donné son propre commandement: ‘Je vous donne un commandement nouveau: aimez-vous les uns les autres: vous devez vous aimer comme moi je vous ai aimé. C’est à cela que l’on reconnaîtra que vous êtes mes disciples: au fait que vous vous aimez les uns les autres’ (répété 3 fois chez Jean 13,34-35, et 15,12 et 17). Notons que tous les commandements se réduisent ou  s’ouvrent sur un seul: celui d’un amour collectif entre les humains et dont le modèle est l’amour que Jésus a montré envers nous.

  1. La pratique libératrice de Jésus. Jésus a grandi et a vécu dans une réalité très conflictuelle. Il a décidé d’aider tout le monde à se libérer de toutes les formes d’oppression et de destruction: spirituelle, individuelle, collective, sociale.
  2. Jésus s’est présenté comme le ‘Prophète du Royaume’. Toute sa prédication, tous ses miracles, sa vie et sa mort ont eu comme axe principal l’inauguration du Royaume de Dieu.
  3. Pour construire le Royaume, Jésus s’est mis du côté des exclus et c’est parmi eux qu’il a choisi ses apôtres et ses disciples.
  4. Jésus a refusé et combattu toutes les divisions créées par les hommes: entre pauvres et exploiteurs, entre juifs et païens, entre profane et sacré, entre pur et impur; il a proclamé que les lois étaient au service de l’être humain et non le contraire…
  5. Jésus a combattu les maux qui affectent la vie humaine: la faim, les maladies, la peur, les mauvais esprits, la mort…Il a affronté les difficultés de la nature, comme la tempête… Il a lutté contre l’ignorance, le mensonge, l’hypocrisie, la prépotence, la mauvaise interprétation de Dieu…
  6. Jésus a ouvert le chemin d’un nouvel ordre social
-          Si Dieu est notre Père, nous devons tous vivre en égaux,
-          Le pouvoir est service du bien commun, et favorise prioritairement les plus nécessiteux,
-          Les lois sont au service du bien-être de tous les êtres humains,
-          L’amour de Dieu et du prochain sont comme les 2 faces d’une même monnaie,
-          El Royaume, c’est-à-dire le salut, appartient aux pauvres conscients, unis et organisés, et à ceux qui ont l’esprit des pauvres,
-          Pour Jésus, les derniers sont les premiers, et les premiers les derniers…
  1. Avec Jésus, tout a été rénové pour notre bonheur: la manière de croire en Dieu -‘Père de tous’-, les relations humaines – nous sommes tous égaux-, la société – dont les pauvres organisés sont les bases et son avenir…

D. LES PREMIERS CHRÉTIENS ONT POURSUIVI LE PROJET DU ROYAUME

  1. Les Premières Communautés ont une organisation propre conforme au projet de Jésus.
-          Actes 2,42 y 4,32: La Première Communauté a repris le projet de Moïse, confirmé par Jésus, en particulier le partage des biens.
-          Actes 6.5-6: Les diacres sont nommés par la Communauté et présentés aux apôtres.
  1. Les Apôtres
-          Corinthiens 1,27-29: Dieu a choisi les pauvres pour son projet.
-          Ephésiens 6,10-17: Notre combat est contre les forces surnaturelles du mal qui s’incarnent dans les autorités du monde.
-          2 Corinthiens 8,7: La collecte pour les chrétiens de Jérusalem se fait en référence à la manne.
-          Jacques 5,1-6: ¡Malheur à vous les riches!
  1. Les Communautés Chrétiennes à la fin du premier siècle: l’Apocalypse chante la force victorieuse des pauvres sur l’empire romain, capables de construire un monde selon Dieu.



 IIIª  partie :  AUJOURD’HUI  NOUS,  PERSONNELLEMENT  ET  COMME  ÉGLISE.


A. NOUS SOMMES TÉMOINS DU ROYAUME DE DIEU

            Notre mission est triple:
-          D’abord reconnaître Jésus et son Royaume présents parmi nous, comme l’ont reconnu les disciples d’Emmaüs et Paul lui-même sur le chemin de Damas.
-          Ensuite, communiquer cette reconnaissance du ressuscité et cette force du Royaume aujourd’hui.
-          Enfin, le célébrer humainement et chrétiennement.

B. ÊTRE ARTISANS DE LA NOUVELLE ÉVANGÉLISATION (NE)

  1. La vieille évangélisation est “passée à une vie meilleure” (St. Dominique 24): Quel est le modèle d’évangélisation qui est devenu vieux et inutile? En voici quelques caractéristiques:
-          Penser que nous emportons Dieu et son Royaume là où nous allons comme missionnaires.
-          Nous n’allons pas rechercher la conversion de ‘possibles païens’…
-          Nous n’allons pas implanter des églises ni des institutions catholiques.
-          Cesser d’être arrogants et orgueilleux en pensant que nous sommes les meilleurs ou les seuls élus.
-          Ne pas condamner ce que nous ne comprenons pas encore.
-          Ne pas vivre dans le luxe ni dans des postes de pouvoir ou de service dominateurs…

  1. Brève histoire de la Nouvelle Évangélisation

a).  La NE est née au concile Vatican II (1962 à 1965). Il a été demandé d’être ouverts à toutes les valeurs humaines; on a parlé de la valeur qu’avait toute religion -les ‘Semences du Verbe’-, comme rencontre de Dieu et chemin de salut.
b).  A Medellín (1968), pour appliquer le Concile dans la situation de l’Amérique Latine, les évêques invitaient  les catholiques d’Amérique Latine à ‘mettre en marche une nouvelle manière d’annoncer l’Évangile, que parte de la réalité, spécialement des secteurs pauvres’ (Catéchèse).
c).  A Puebla (1979) les évêques réitèrent la dénonciation de la pauvreté faite à Medellín, et expliquent que cet appauvrissement a des causes personnelles et structurelles, et que tant la misère que les mécanismes qui la produisent sont des péchés: c’est le péché social. L’option pour les pauvres est l’objectif de la pratique de toute l’Église (1134).
d).  En 1984, le Pape Jean-Paul II, lors de son voyage à Saint Domingue (République Dominicaine), a invité officiellement à ‘une Nouvelle Évangélisation’ en Amérique Latine, et a expliqué en quoi elle doit être nouvelle “dans son ardeur, dans sa méthode et dans son expression”.

  1. Les trois orientations papales pour réussir la Nouvelle Évangélisation

a).  Elle doit être ‘nouvelle dans son ardeur’
-          En approfondissant la pratique de Jésus et des Apôtres, en particulier vis-à-vis des Romains, des Samaritains et des étrangers.
-          En redécouvrant la pratique exemplaire de tel ou tel des premiers évangélisateurs du continent (Bartolomé de las Casas).
b)      Elle doit être ‘nouvelle dans sa méthode’ avec ses 4 temps: ‘Voir, Juger, Agir et Célébrer (Luc 24,13-35).
c).  Elle doit être ‘nouvelle dans son expression’. Pour évangéliser d’une manière nouvelle, il faut tout ré-exprimer à partir de l’histoire, les cultures et la réalité latino-américaine. Il faut inculturer la liturgie, l’Église, l’Évangile et la foi déjà en marche parmi nous (Document de Saint Domingue).

C. LA NE  EXIGE QUE NOUS SOYONS L’ÉGLISE DES PAUVRES

  1. Origine récente de l’expression ‘Église des pauvres’
-          Le pape Jean XXIII fut le premier à reprendre cette expression à la veille du Concile (1961): ‘Face aux pays sous-développés, l’Église se présente telle quelle est et veut être: l’Église de tous et plus particulièrement l’Église des Pauvres’.
-          Pendant le Concile Vatican II (1962-65), quelques  évêques latino-américains plus engagés se sont autoproclamés ‘Église des Pauvres’ et ont signé le “Pacte des Catacombes” pour vivre pauvres et au service des pauvres.
-          Le pape Jean-Paul II a confirmé l’expression dans sa Lettre Encyclique sur “Le travail humain’ (1981): ‘L’Église est vivement engagée dans cette cause (de la solidarité), parce qu’elle la considère comme sa mission, son service, comme l’illustration de sa fidélité au Christ, pour pouvoir être vraiment ´Église des pauvres´” (8).
-          Nous ne pouvons oublier tous nos héros et martyrs latino-américains: le plus connu est Monseigneur Oscar Romero de l’Équateur, le prophète de l’Église des Pauvres. Souvenons-nous aussi de Monseigneur Leonidas Proaño et de combien d’autres chrétiens et chrétiennes, martyrs inconnus dont nous garder vivant le souvenir.

  1. La spiritualité de l’Église des Pauvres, dans les documents de l’Église latino-américaine

a).  Medellín (Colombie, 1968) où les évêques définissent les pauvres comme les appauvris par le système capitaliste, et avec lesquels ils nous invitent à nous solidariser.
b). Puebla (Mexique, 1979), où ils nous invitent à “faire nôtre la cause des pauvres parce que c’est la cause de Jésus-Christ” et à faire le choix des Communautés Ecclésiales de Base (Message 8 et nº 1134).
c). Saint Domingue (République Dominicaine, 1992), dont les 3 thèmes sont ‘la Nouvelle Évangélisation, la Promotion de l’Homme et l’Inculturation’.
d). Aparecida (Brésil, 2007) a confirmé la validité des CEBs (178) et de l’option pour les pauvres pour entreprendre une grande mission de renouvellement de toute l’Église.
Gustavo Gutiérrez a résumé cette spiritualité dans son célèbre livre: ‘Boire à son propre puits’ (Lima 1983).

  1. Les paroles du prophète Sophonie sont très éclairantes (3,11-17).
‘Je ne laisserai subsister en ton sein qu’un peuple humble et modeste’. L’Église des pauvres est ce Peuple humble et modeste qui reste fidèle à Dieu et manifeste su présence libératrice, tout comme hier et avant-hier. Nous pouvons dire que, en Amérique Latine, ceux qui constituent cette Église des Pauvres, ce sont principalement le Peuple des Pauvres qui s’organise en Communautés Ecclésiales de Base et en Groupes Chrétiens qui font le choix de la pauvreté et qui s’identifient avec les causes des pauvres.

D. NOUS, LES CEBs, SOMMES FERMENT D’UN MONDE NOUVEAU

  1. Nous sommes la classe populaire, la classe opprimée, capable de renouveler l’Église et la société.
  2. Nos évêques appellent à un changement personnel, religieux et social.
  3. Nous vivons déjà quelque chose de différent comme Église et société: nous sommes l’Église des Pauvres qu’a voulu Jésus et la semence du monde nouveau plus conforme au Royaume.
  4. Nous sommes un Royaume de fraternité et de liberté, par notre propre baptême qui nous fait prophètes, prêtres et rois-pasteurs.




 CONCLUSION : SUIVRE JÉSUS PERSONNELLEMENT ET COLLECTIVEMENT.


A. SUIVRE PERSONNELLEMENT LE CHRIST COMME BAPTISÉ ET BAPTISÉE

-          D’abord, être prophète et prophétie: le prophète est celui qui parle au nom de Dieu, que ce soit pour annoncer et être bonne nouvelle ou pour dénoncer la méchanceté, sans crainte, parce qu’il sent que c’est son devoir (Jérémie 1,7-19). Dans nos Communautés, nous sommes prophétie vivante.
-          Ensuite, être prêtre et sacerdoce du Christ aujourd’hui: le prêtre est celui qui offre, bénit, consacre. C’est aussi notre tâche, à chacune et chacun d’entre nous (Exode 19,6). Dans les Communautés, nous actualisons  le sacerdoce du Christ.
-          Enfin, être roi-pasteur et le Royaume de Dieu: Jésus préférait le titre de ‘Pasteur’, moins ambigu. Le Pasteur est celui que rassemble son troupeau et veille sur lui, en le défendant au prix de sa propre vie (Jean 10,11). Dans nos communautés, nous rendons présent le Royaume de Dieu.

B. SUIVRE  JÉSUS COLLECTIVEMENT, EN ÉGLISE

-          Isaïe 52,13-53,12: Le serviteur souffrant ne représente pas seulement Jésus, mais tout le Peuple de Jésus, et aujourd’hui les femmes et les hommes de notre temps: le Peuple des Pauvres qui, d’une part, à travers nos souffrances, annonçons un salut et, par ailleurs, dénonçons le mystère du mal présent dans notre monde. Tous ensemble nous sommes une prophétie vivante.
-          Romains 12,1: ‘Offrez vos personnes en hostie vivante, sainte, agréable à Dieu: c’est là le culte spirituel que nous avons à rendre’. Tous ensemble nous nous offrons au Seigneur avec toute notre vie et notre activité communautaire; nous offrons toutes les personnes avec qui nous travaillons. Ensemble nous sommes un sacerdoce.
-          Apocalypse 1,6 et 1 Pierre 2,9-10: ‘Il nous a purifié faisant de nous un royaume… Avant vous n’étiez pas son Peuple, mais maintenant vous êtes le Peuple de Dieu…’ Comme chrétiens, notre caractéristique est d’être un Peuple, c’est-à-dire une fraternité, une seule famille qui montre que Dieu est Père à travers notre fraternité. Ensemble nous sommes déjà la preuve du Royaume de Dieu.



A N N E X E


“ SEUL  LE  ROYAUME  EST  ABSOLU ”,  pape  Pau l VI,  1975.
Lettre encyclique “l’Évangélisation des Peuples”, 8.

       “Christ, en tant qu’évangélisateur, annonce avant tout un Royaume, le Royaume de Dieu; si important que, par rapport à lui, tout devient ‘le reste’ qui est donné par surcroît (Matthieu 6,33). Seul le Royaume est donc absolu et tout le reste est relatif. Le Seigneur se complaira à décrire de bien des manières le bonheur d’appartenir à ce Royaume, un bonheur paradoxal fait de choses que le monde rejette (Matthieu 5,3-12); les exigences du Royaume et ses préceptes (Matthieu 5-7), les porte-parole du Royaume (Matthieu 10), les mystères de ce dernier (Matthieu 13), ses enfants (Matthieu 18), la vigilance et la fidélité requise de qui attend son retour définitif (Matthieu 24-25)”.