ACTUALITE DES COMMUNAUTES DE BASE EN AMERIQUE LATINE
Pierre Riouffrait, prêtre sans frontière.
Les Communautés Ecclésiales de Base (CEBs) sont
nées au Brésil dans les années ’50 : des chrétiens de secteurs pauvres de
la ville et de la campagne se réunissent pour lire la Bible et trouver un
éclairage religieux pour vivre plus dignement comme personne, plus
fraternellement entre les membres de leur CEB, plus solidairement avec leur
voisin et pour changer leur situation. Les CEBs se sont multipliées très
rapidement dans tous les pays d’Amérique Latine.
Il y a 50 ans
le Concile Vatican II reconnaissait leur importance. Lors de leur réunion en
1968 à Medellín, en Colombie, les évêques latino t -américains les
définissaient comme un espace complet d’Eglise, semblable a celui de la
paroisse et le diocèse. L’engouement des premières décennies baissa lorsque
beaucoup d’évêques et de prêtres découvrirent que la pauvreté et l’option pour
la cause des pauvres les engageaient également.
A partir des années ’80, les critiques à la
théologie de la libération y les poursuites à plus de 140 théologiens de la
libération de la part du cardinal Joseph Ratzinger justifia dans beaucoup de
diocèses d’Amérique Latine l’abandon de lignes pastorales en faveur des
CEBs ; dans les grands séminaires, l’étude des Documents-Conclusions des
réunions épiscopales latino-américaines et de la théologie de la libération fut
interdite. Depuis ces années-là, les nouveaux prêtres ignorent ces aspects
importants du Magistère Latino-américain et considèrent les CEBs et la
théologie de la libération comme un danger pour l’Eglise. Dans le même temps
les nouveaux évêques furent systématiquement choisis parmi les plus
traditionalistes. Le résultat fut une persécution aux CEBs et aux prêtres, religieux
et religieuses qui les accompagnaient. Cette situation continue jusqu’à nos
jours.
Actuellement les CEBs continuent actives et
enthousiastes, et la théologie de la libération qu’elles ont suscitée ne cesse
de se développer dans tous les continents. Comme « moteur d’évangélisation
et de libération », les CEBs latino-américaines résistent face aux
difficultés qu’elles rencontrent à l’intérieur de l’Eglise, elles témoignent de
la Bonne Nouvelle du Royaume dans les secteurs et quartiers où elles sont
implantées et provoquent les Eglises et la société à être au service des
pauvres et des droits de l’homme en général.
LES CEBs RÉSISTENT
Parce qu’elles questionnent les institutions
ecclésiales et politiques dominatrices, les CEBs sont persécutées à la fois par
le clergé et les gouvernements. En Equateur par exemple, depuis plus de 2 ans
un conflit ecclésial oppose la nonciature et les évêques de l’opus dei aux
chrétiens du diocèse de Sucumbíos qui n’acceptent pas que soit détruit leur
travail pastoral libérateur légitimé par 40 années d’efforts missionnaires
selon les orientations des Magistères latino-américains et universel. Cette
situation s’est produite dans la plupart des diocèses d’Amérique Latine qui
avaient adopté cette nouvelle forme d’évangélisation malgré les protestations
locales et la solidarité nationale et internationale.
Dès 1980 et ensuite tous les 4 ans, les CEBs ont
tenu leurs réunions latino-américaines. Depuis 2005 une articulation existe au
niveau de tout le continent. Depuis plus d’un an cette articulation organise
une formation biblique et pastorale par internet à laquelle participent
responsables de CEBs et accompagnateurs de tous les pays latino-américains.
Dans les années 2005, le CELAM (Conseil Episcopal
Latino-Américain, à Bogota en Colombie), reconnaissait l’importance des CEBs
dans tout le continent pour l’évangélisation des secteurs populaires et lançait
dans tous les pays une campagne en leur faveur. Un des meilleurs résultats a
été leur confirmation dans le Document-Conclusions de la 5e réunion
des évêques à Aparecida au Brésil en 2007, malgré les censures apportés au
Document après son passage au Vatican. Par contre les conférences épiscopales
et la plupart des évêques n’en ont tenu aucun compte de ses orientations sur
les CEBs, l’option pour les pauvres, l’inculturation de la foi…
La dernière réunion latino-américaine des CEBs qui
a eu lieu au Honduras l’an dernier a démontré leur vitalité et la constitution
dans divers pays de CEBs juvéniles.
Les CEBs résistent et se maintiennent : elles
accomplissent la parole de Jésus disant que « celui qui a mis la main la
charrue ne fait pas marche arrière ».
LES CEBs TÉMOIGNENT DE LA FORCE DU ROYAUME.
C’est sans la passion pour le Royaume qui
caractérise les CEBs : « Cherchez d’abord le Royaume et sa
justice ; le reste viendra par surcroît ». L’objectif d’actualiser le
Royaume se transforme en une vie pleinement réussi, au niveau personnel, social
et religieux. Quels changements dans la vie personnelle des membres des CEBs.
La vie en communauté est leur référence permanente pour découvrir leur dignité
et discerner les chemins d’une vie fraternelle et solidaire. Ceci se doit à la
méthodologie utilisée dans les réunions : on commence de parler de la
réalité nous qui touche directement, on l’illumine avec la Parole de Dieu et
les Documents de l’Eglise et on prend de petits engagements individuels et
collectifs pour changer ce qui ne correspond pas aux valeurs du Royaume.
La vie ensemble et le souci pour les autres
prennent une nouvelle dimension : il s’agit de construire la grande
famille humaine à partir des relations de tous les jours. Viennent alors les
actions de solidarité pour changer ce qui détruit la vie et la convivialité.
Les engagements se font plus grands et touchent la dimension politique,
économique, culturelle et sociale, pour transformer des structures qui sont au
service de l’argent et non du bien commun.
Les CEBs sont un facteur de vitalité pour les
paroisses et les diocèses. Elles témoignent d’un Jésus présent dans la vie
quotidienne, transformateur des personnes et des institutions ankylosées dans
des siècles de répétitions passives des mêmes gestes et paroles. Certainement
les CEBs en Amérique Latine ont été la portion de l’Eglise qui a pris le plus
en sérieux le Concile Vatican II. Elles en ont payé le prix fort avec ses
milliers de martyres par tout le continent.
Les CEBs sont
les témoins d’une Eglise renouvelée, tranquille devant les défis des cultures
nouvelles et décidée à témoigner du Royaume devant tous les aréopages modernes.
Elles nous font dire comme Jésus : « Je
te bénis, Père, car tu as révélé ces choses (du Royaume) aux petits et aux
humbles ».
Quito, Equateur, février
2013.
Pierre
Riouffrait est prêtre diocésain originaire de Haute Loire. Arrivé en Equateur
en 1976 con prêtre « Fidei donum » (sans frontière), il a travaillé
dans des paroisses pauvres de la ville et la campagne comme accompagnateur des
CEBs et chargé de leur formation au niveau national. Il fait partie de l’équipe
latino-américaine de l’Ecole Biblique virtuelle dont le siège est au Mexique.
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