VENEZUELA EN CRISE : UNE DIPLOMATIE CANADIENNE BIEN PREOCCUPANTE !
Opinión - 31/01/2019.
S’il y a bien, à propos des événements
préoccupants qui secouent actuellement le Venezuela, une question qu’on est en
droit de se poser comme Québécois, c’est celle de l’orientation prise par la
diplomatie canadienne. Tout comme d’ailleurs celle du silence du gouvernement
du Québec à ce propos.
On le sait le Venezuela vit actuellement une crise
sans précédent touchant à tous les aspects de la vie : déliquescence des
services publics, effondrement de l’industrie pétrolière, chute extraordinaire
du PIB, inflation phénoménale, augmentation vertigineuse de la pauvreté, exode
de millions de personnes ; une crise exacerbant toutes les tensions
sociales existantes, chambardant autant l’État de droit que les conditions
minimales du vivre-ensemble, mais surtout touchant en premier lieu les secteurs
populaires les plus vulnérables.
Or dans quoi s’est embarqué toutes voiles dehors
le Canada de Justin Trudeau, loin de toutes ses prétentions passées à
favoriser, au nom des vertus de l’État de droit, la paix, la démocratie ou
encore le multilatéralisme ?
Il n’a en effet rien trouvé de mieux que
d’emboîter aveuglément le pas au groupe de Lima et de reconnaître Juan Guaido
comme président intérimaire du Venezuela, endossant ainsi une stratégie
jusqu’au-boutiste et va-t-en guerre ? Car quel que soit le diagnostic que
l’on peut poser sur les multiples raisons de cette crise (et Nicolas Maduro y a
sa part de responsabilité !), il faut tout de même rappeler que Juan
Guaido —député jusqu’alors peu connu du grand public et juste devenu président
de l’Assemblée nationale en janvier 2019— est membre du parti Mouvement
populaire, une des formations les plus extrêmes de l’opposition vénézuélienne
de droite, n’ayant pas hésité par le passé à se déclarer prêt à agir
ouvertement dans l’illégalité.
Il n’est donc aucunement un homme qui aurait
quelque chance de pacifier la situation actuelle. Tout au contraire, il est
dans cette affaire (soigneusement orchestrée), l’homme de paille des USA dont
on ne peut pas ne pas rappeler les incessantes volontés d’intromission et de
déstabilisation active dans la politique vénézuélienne, notamment lors du coup
d’État raté d’avril 2002. Il est en quelque sorte cet homme providentiel qui
permet aujourd’hui au président Trump et à ses alliés droitiers du groupe de
Lima (Jaïr Bolsonaro du Brésil, Mauricio Macri de l’Argentine, Sebastian Pinera
du Chili, etc.), de faire monter les enchères, en renforçant leurs partis-pris
partisans sur toute l’Amérique latine.
En ce sens il est étonnant que Chrystia Freeland
et Justin Trudeau —eux qui donnaient l’impression par le passé de vouloir se
distinguer de leurs adversaires conservateurs et qui ont pourtant tant d’ennuis
récurrents avec le président actuel des USA— n’aient pas profité de l’occasion
pour prendre leurs distances avec de telles orientations, par exemple en
tentant de travailler avec le Mexique progressiste de Manuel Lopez Obrador sur
une solution de sortie pacifique de la crise. Une solution qui aurait pour
premier objectif de pousser à la négociation entre les parties, tout en
préservant l’État de droit ainsi qu’en mettant en place des mesures d’urgence
pour protéger les secteurs de la population les plus vulnérables. Et surtout
qui n’aurait pas l’arrogance –à l’instar de la position prise par la France -
de fixer une date butoir d’une dizaine de jours pour l’organisation d’élections
libres !
Car en ne se désolidarisant pas de la stratégie
états-unienne –-elle qui s’emploie désormais à détourner les recettes du
pétrole vénézuélien dans le but de financer un État parallèle—, la diplomatie
libérale canadienne participe précisément à ce qu’au nom de ses valeurs elle
prétend pourtant ne pas faire : aider à mettre en place des conditions du
déchaînement d’une guerre civile avec participation internationale ;
ramenant le Venezuela (et ses formidables réserves pétrolières) à être le
théâtre –comme malheureusement bien d’autres régions du globe— des appétits
prédateurs de grandes puissances impériales en mal de rivalité grandissante.
Depuis le Québec, nous faudra-t-il endosser
passivement une telle orientation, sans au moins oser lever la voix et se faire
entendre ?
30 janvier
2019
- Pierre
Mouterde est sociologue et essayiste. Auteur (avec Patrick Guillaudat)
de : Hugo Chavez et la révolution bolivarienne, Promesses et défis d’un
processus de changement social, Montréal, M Éditeur, 2012
ALAI :
América Latina en movimiento. Agencia de prensa, Quito, Ecuador.
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