LA FIN DE LA REVOLUTION CITOYENNE.
Elu président de l’Equateur en 2006 après 10 ans d’instabilité pendant
lesquels 7 présidents se sont succédés, Raphaël Correa s’est présenté comme un
réformateur progressiste avec un programme de "Révolution citoyenne"
pour permettre un "changement radical" du système politique,
économique et social.
L’attente était grande dans ce petit pays de 16 millions d’habitants
dont la moitié vivait sous le seuil de pauvreté privée de soins et
d’instruction. Les ressources du pays dont le pétrole, allaient en grande
partie au remboursement de la dette au détriment des investissements et
services publics. La population indienne était marginalisée non reconnue dans
ses droits et ses territoires.
Pendant les 10 ans de sa présidence il a mené de nombreuses
réformes. :
- Sur le plan institutionnel : une nouvelle constitution a été adoptée par 64% des votants. Elle apparaît comme une des plus démocratiques et progressistes du continent américain. « La Carta magna » inscrit dans le droit constitutionnel :
·
le droit de tous aux soins médicaux, à la nourriture,
à la sécurité sociale et à l'éducation ; de fait les soins médicaux et l’éducation sont
gratuits
·
la gratuité des soins pour les personnes âgées ;
·
le renforcement du contrôle de l'État sur les
ressources essentielles, tels le pétrole et les minerais ;
·
la possibilité d'exproprier et de redistribuer les
terres arables inusitées ;
·
la légalisation des mariages homosexuels ;
·
la possibilité pour le président de se présenter pour
un second mandat.
En outre, la Constitution comportait une section sur la reconnaissance
d'une autonomie juridique pour les peuples autochtones.
Parmi les « dépenses sociales »,
il y a eu la sécurité sociale universelle, des aides financières aux
handicapés, aux retraités, aux mamans seules, aux familles sans maison… et la
construction de très nombreux centre éducatifs et sanitaires-
- Sur le plan financier : le service de la dette publique a été réduite de 32% à 15% ce qui a permis de faire passer les dépenses sociales de 12% à 25% du budget et ainsi d’améliorer les conditions de vie de la population ;
- Sur la protection de l’environnement des territoires d’indiens : une initiative de protection a été lancée avec le gel de l’exploitation pétrolière dans le parc naturel Yasuni, qui devait être compensé par la contribution financière des pays industrialisés acheteurs de pétrole.
Au cours de ces 10 dernières années le pays a connu un
développement économique et social important : infrastructures, éducation
avec notamment la création de
quatre pôles publics d’enseignement supérieure et technologiques, santé (l’Equateur obtenant une des
meilleures notes de gestion efficace des ressources de santé), réduction de 50%
de la pauvreté.
Dans l’amélioration
des « conditions de vie »,
on peut ajouter l’absence de coupures d’électricité (il y a même exportation),
la rénovation complète du système routier, l’aménagement touristique…
Financée par le prix élevé du pétrole et des
ressources minières, cette politique anti néolibérale a été appréciée par la
majorité de la population qui a vu ses conditions de vie, écoles, hôpitaux
s’améliorer et a élu Raphael Correa en 2013 comme président pour la 3ème
fois avec 57% des suffrages.
La chute du prix du pétrole passé de 120 $ le baril en
2008 à moins de 50 $ en 2015 a remis en cause cette politique. Elle a amené
l’Equateur à souscrire un emprunt important auprès de la Chine. En 2013, le prêt accordé par les chinois avait
permis de couvrir 61% des besoins financiers du gouvernement équatorien. La
Chine participe ainsi à la plus grande expansion de dépenses publiques qu’a
connue le pays dans son histoire moderne. En échange, elle demande le
remboursement en pétrole de cet emprunt qui représente 13 % du PIB de
l’Équateur. La dette qui avait fortement diminuée a triplé. En conséquence, la
croissance équatorienne s'est effondrée, passant de 4,5 % en 2013 à -2,2 % en
2016. Le taux de chômage a bondi de 1,3 point entre 2015 et 2016 pour
s'établir à 6,1 % de la population active
qui ne prend pas en compte les 45% de gens non-salariés. Le pays est ainsi
en pleine crise économique.
C’est dans cette conjoncture que s’est déroulé en 2017
l’élection présidentielle. Correa décidant de présenter comme candidat de son parti
Allianza Pais son vice-président Lenin Moreno pour poursuivre la révolution
citoyenne, lui-même se retirant en
Belgique (le pays de sa femme) là où il a
été nommé professeur d'économie.
Elu le 24 mai 2017, Lenin Moreno prend
ses distances avec la politique de son prédécesseur. Il nomme dans son
gouvernement certains hommes politiques conservateurs et annonce une
réorientation partielle de la politique économique52. Qualifiant Moreno de
« traitre », Rafael Correa entre en conflit avec lui ce qui provoque
l’éclatement du mouvement Allianza Pais.
Pour conforter sa légitimité, Lenin
Moreno six mois après sa victoire à l'élection présidentielle, convoque un
référendum1. qui porte sur plusieurs des réformes de Rafael Correa,
dont celle supprimant la limitation du nombre de mandat interdisant ainsi son
retour pour l’élection présidentielle de
2022. Ce référendum a été approuvé le 4 février 2018 par 67,50 % des 13,6
millions d’électeurs. Les députés et les militants fidèles
à Corréa ont été le seul groupe à faire propagande pour le ‘NON’, sans aides
gouvernementales ni médiatiques. ‘Seul contre tous’ les autres partis, ils ont
eu presque autant de vote (34,50%) qu’au premier tour de l’élection de Moreno
(38%) : ‘Alianza PAIS’ de Corréa, est toujours le premier parti du pays.Jorge Glas le vice-président élu ayant dénoncé dans une
lettre publique des irrégularités dans la gestion de Lenin Moreno a été relevé
de ses fonctions et poursuivi pour corruption dans l’affaire Obrecht, une
gigantesque affaire de pots de vin qui concerne Lula au Brésil et Kirchner en
Argentine. Condamné à 6 ans de prison, Jorge Glas proteste de son innocence et
dénonce un procès politique monté de toutes pièces sans preuves véritables.
Rafael Correa analysant les causes de
ces défaites met en avant la récession économique qui a provoqué l’arrêt voire la réduction du pouvoir
d’achat d’une nouvelle classe moyenne sortie de la
pauvreté qui aspire à la société de consommation. Ce sentiment a été exploité
et développé par des mass médias aux mains des grandes entreprises hostiles
depuis toujours à sa politique. Une autre erreur de Corréa a été son incapacité de travailler avec ses
opposants ‘de gauche’, autant les petits partis de l’Alliance comme les
syndicats et les Organisations populaires (inclus les Indiens)
Aujourd’hui Rafael Correa envisage de
promouvoir une Assemblée nationale constituante, puis de rentrer en Équateur
afin d'être candidat5. Il a annoncé la création d’un nouveau parti
politique, le Parti de la révolution citoyenne. Cette démarche risque d’être très longue semée d’embuches juridiques.
Après 10 ans de stabilité et de progrès
l’Equateur est rentré dans une période d’instabilité.
François
Dubin 2 Mars 2018.
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