sábado, 21 de diciembre de 2024

Témoignage sur mon travail parroissial en Amérique Latine - Introduction

 TÉMOIGNAGE  SUR  MES  EXPÉRIENCES  SYNODALES

A l’adresse des membres des CEBs d’Equateur

 Pedro Pierre, Guayaquil, octobre 2024.

CEBs: ‘Communautés Ecclésiales de Base’.

 J'accompagne les Communautés Ecclésiales de Base (CEBs) d'Équateur depuis 48 ans. Je tiens à vous remercier pour tout ce que j'ai reçu et appris de vous. Vous m’avez enseigné une nouvelle manière de vivre grâce à la foi et aux engagements dont vous témoignez.

Dans les paroisses où j'ai été, j'ai fait l'expérience d'une Église synodale, c'est-à-dire d'une Église entre les mains de vous, laïcs. Ces paroisses sont San Martín de Porres à Guayaquil, Nuéva Guinéa au Nicaragua, La Argélia à Quito et ISAMIS (Église Saint Michel de Sucumbíos) en Amazonie équatorienne.

J'apprécie également la confiance que l'Articulation Continentale des CEBs m'a accordée en me demandant de participer en tant que tuteur à l'École Oscar Romero et en m'incluant dans l'équipe d'Articulation latinoaméricaine. Je remercie également l'État équatorien de m'avoir accordé la nationalité équatorienne.

Pour tout cela, je vous suis reconnaissant d’avoir une vie plus humaine, plus chrétienne et plus sacerdotale. 

LES 3 GRANDS AXES DE MES ENGAGEMENTS

Les 3 axes de mes options de vie sont Jésus de Nazareth, le Royaume et la Communauté. Jésus Nazareth, qui fut laïc et Messie du Royaume, est pour moi la plus grande expression de l'être humain grâce à ses relations harmonieuses avec les autres, la nature et Dieu y a son engagement jusqu’au don de la vie, pour qu’elles soient plus réelles.

Le Royaume est « le seul absolu » (voir Matthieu 6, 33) comme l'écrivait le pape Paul 6° en 1975 dans sa Lettre encyclique « L'annonce de l'Évangile » (8) : « Le Christ est venu pour le Royaume… Le Royaume est le seul absolu ; le reste est relatif ». Grâce à cette déclaration, j'ai appris à faire naître le Royaume de Dieu à partir des pauvres organisés en CEBs et en organisations populaires. J’ai découvert que « le Royaume ne s’arrête jamais ».

               Quant à la Communauté, qu'elle soit ecclésiale ou sociale, c'est le lieu où je trouve les critères pour confirmer et éclairer mes décisions sur le chemin à suivre comme personne, comme chrétien et comme prêtre. Actuellement, je suis guidé dans mes options principalement par 2 communautés : celle des CEBs de l'Équateur et celle de l'Équipe de Coordination des Organisations Populaires de Guayaquil. Les CEB sont « le premier noyau ecclésial », comme l'ont affirmé les évêques d'Amérique Latine lors de leur réunion à Medellín (Colombie, 1968). L’équipe de coordination des Organisations Populaire de Guayaquil est une autre voix de Dieu qui me guide dans ma foi et mes engagements.

LES CEBs SONT « UNE EXPÉRIENCE D’ÉGLISE SYNODALE »

En 2015, le pape François a lancé la « synodalité » comme projet de réforme ecclésiale de notre Église catholique afin que nous, baptisés, soyons plus attentifs aux « signes des temps », signes qui sont aujourd'hui les appels de Dieu à collaborer à la construction du Royaume inauguré par Jésus et d’une Eglise a son service.

La synodalité est un autre nom de la « démocratie », afin que nous puissions être à nouveau, selon l'exemple de Jésus et des premières communautés chrétiennes, un peuple de frères égaux entre eux et avec des responsabilités égales dans notre Église selon la mission de notre baptême. Par ce sacrement, nous avons été faits « prophètes, prêtres et rois-bergers ». La synodalité est l'engagement à remplir pleinement, personnellement et collectivement, ces 3 engagements. Nous l'avons fait avec suffisamment d'efficacité pendant 50 ans, puisque l'Assemblée ecclésiale de l'Amérique latine et des Caraïbes (Mexique, 2021) nous a reconnu, en tant que CEBs, « un exemple d'Église synodale ». Ils nous confirment qu'en tant que CEB, pour être « sel, lumière et levain » dans toute l'Église pour qu'elle soit synodale et témoignage du Royaume de façon claire et pleine d'espérance.

Ce Royaume n'est ni plus ni moins que la construction d'une fraternité universelle inscrite dans la nature humaine, dans la nature qui nous entoure et dans le cosmos qui nous abrite. C'est le culte que Dieu veut : Ensemble, dans nos Communautés, nous offrir à Lui comme Peuple fraternel jusqu'à le devenir universellement. C'est le défi de la synodalité que Jésus, les premières communautés chrétiennes et nos martyrs latino-américains nous ont hérité.

            Encore une fois, merci ! Que nous continuions à nous soutenir mutuellement dans la construction de cette fraternité synodale jusqu'à ce qu'elle devienne une coutume sur notre Terre. Personnellement, je continuerai à leur obéir.

Témoignaage sur mon travail pastoral en Amérique Latine - 1e partie

 1e partie : MA PARTICIPATION A UNE RENCONTRE INTERNATIONALE

DES ORGANISATIONS POPULAIRES

Guayaquil, Pedro Pierre, novembre 2024.

Une Rencontre Internationale des Mouvements populaires contre le fascisme à Caracas au Vénézuéla, au mois de novembre, me donne l’occasion d’y expliquer ma présence, vu mon travail avec les Communautés Ecclésiales de bases (CEBs) en lien avec les Organisations Populaires. Ceci me permet de faire un bilan de mes engagements sociaux en Equateur.

2006 : UNE ANNEE D’INFLEXION EN HAUTE LOIRE

Je pense que l’année 2006, où nous avons célébré très bien mes 40 ans en Haute Loire, a été un sommet, ainsi que, d’une certaine manière pour moi, « le chant du cygne » … puisqu’il n’y a pas eu de continuité dans les relations en Haute Loire. J’ai cherché des traducteurs (en fait il s’agissait plus que de simples traductions) à mes écrits. Cela n’a pas connu un grand succès, sans doute parce ces documents étaient ‘trop radicaux et inadaptés à la situation française’. Je le reconnais : je suis devenu en France ‘étrange et étranger’…

Pour les mêmes raisons, mes circulaires, avec le passage des années, se sont faites de moins en moins nombreuses jusqu’à disparaitre, même si, récemment, j’essaye d’envoyer quelques documents en français. J’envoie plus régulièrement en France des documents en espagnol pour ceux qui comprennent cette langue.

Dans ma lettre circulaire en français pour mes 80 ans (en 2022), je regrette le peu de partage qu’il y a eu entre mon expérience en Amérique latine et l’Eglise de Haute Loire… alors que la raison principale de mon départ était justement cela : un partage entre Eglises, pour un enrichissement mutuel. Certainement des choses ont passé… mais ni moi ni la ‘Coopération missionnaire’ du diocèse n’avons su trouver les formes d’un enrichissement réciproque entre ‘missionnaires’ et ‘diocèse’… Je répéterai les mêmes raisons que plus haut : ‘Les prêtres français en Amérique Latina, nous sommes étranges et étrangers en France’. Il est vrai qu’en général les étrangers n’y ont pas grande côte… alors que le pape Francisco ne cesse d’inviter les chrétiens et les européens à accueillir les immigrants… pour payer la dette d’une colonisation destructrice des pays et bénéficiaire des richesses, qui continue encore aujourd’hui. Je vois que le pape préfère aller en Corse à une réunion sur les immigrants et non pas à l’inauguration de la cathédrale Notre Dame de Paris.

Equateur :  LE TRAVAIL SOCIAL DES COMMUNAUTES ECCLESIALES DE BASE (CEBs)

Mes premières années en Equateur (1976-1987) m’ont fait découvrir, grâce à monseigneur Léonidas Proaño, grand évêque équatorien, et aux Communautés Ecclésiales de Base (CEBs) qu’il promouvait, que le travail pastoral d’un prêtre est à la fois religieux et social : « Les CEBs avancent de leurs 2 pieds : le pied de la Communauté chrétienne et le pied des Organisations populaires ». Un évêque d’Argentine, assassiné, monseigneur Angelelli, disait de même : « Las CEBs ont un œil sur l’Évangile et un autre sur la réalité ». Monseigneur López, avec j’ai été un peu plus de 2 ans (2008-2011) dans l’Amazonie équatorienne, disait également : « Les CEBs sont l’Eglise dans le quartier et le quartier dans l’Eglise ». J’ai donc travaillé dans cette double ligne dans toutes les paroisses où je suis passé, plus particulièrement au Nicaragua, car il s’agissait d’une paroisse rurale, à la fin d’un conflit armé.

Durant mon passage à Rome j’ai approfondi le thème de « l’option prioritaire pour les pauvres » dans ma ‘thèse’ (ou ‘thésine’, d’une centaine de pages) pour obtenir la licence en théologie. ‘L’option prioritaire pour les pauvres’ à cette double priorité : l’aspect ecclésial et l’aspect social.

En revenant en Equateur en 1997, j’ai continué sur le chemin des CEBs avec ce double engagement : l’ecclésial et le social, tantôt à Quito comme en Amazonie, puis à Guayaquil à partir de 2011. Les CEBs d’Equateur m’avaient demandé, comme assesseur national, de les aider pour la formation des accompagnateurs (prêtres et religieuses) et des animateurs des CEBs. J’ai donc parcouru la moitié du pays puisqu’il y a des CEBs dans une douzaine de départements sur 25.

Au même moment, je participais à des rencontres continentales des CEBs. Plus tard, les responsables de l’Articulation Continentale des CEBs (fondée en 1980) m’ont demandé de faire partie de cette Équipe. A cause de cela je suis allé à des réunions au Brésil, en Colombie et au Guatemala. Lorsque cette Articulation a organisé, en 2008, une Ecole virtuelle Latinoaméricaine de formation pour les accompagnateurs et animateurs de CEBs en lien avec l’Université de Puebla au Mexique, elle m’a demandé d’en être un des professeurs. J’ai fait cela durant 10 ans. Chaque étape durait environ 2 ans et demi et donnait droit à un diplôme universitaire. La ligne de formation était toujours ecclésiale et sociale.

En revenant à Guayaquil en 2012, j’avais donc 70 ans. J’ai alors demandé à l’évêque de ne pas avoir la charge d’une paroisse afin de pouvoir continuer d’accompagner les CEBs, en particulier pour la formation. A ce moment-là, depuis 2008, j’écrivais un article hebdomadaire -de contenu religieux et social- dans un journal national ‘El Telégrafo’, ce qui m’a valu de nouveaux contacts au niveau national et international. Sur Guayaquil, les CEBs travaillaient en lien avec des Organisations de quartier, des Associations locales, des Mouvements populaires et politiques départementaux et nationaux.

D’autre part, après mon retour en Equateur depuis 1997, je participais à des rencontres avec une Associations de Théologiens de la Libération dont le siège est en Uruguay : Ils appréciaient les documents que j’écrivais après mes rencontres de formation avec les CEBs d’Equateur et les publiaient dans leur ‘Revue digitale Amérindia’.

C’était l’époque du gouvernement de Rafael Corréa (2007-2017) qui a fait beaucoup pour les gens pauvres : 20% sont sortis de la pauvreté ! Pour écrire dans un journal de l’Etat, j’ai eu la chance de partager (à sa gauche !) un repas avec le président Corréa… qui me connaissait, car, m’a-t-il dit, il lisait régulièrement mes articles hebdomadaires…

2018 : AVEC L’EQUIPE DE COORDINATION DES MOUVEMENTS SOCIAUX DE GUAYAQUIL

Il y a 5 ou 6 ans, l’Equipe de Coordination des Mouvements Sociaux de Guayaquil, -qui connaissaient mes articles-, avec lesquels les CEBs avaient des liens, m’a demandé de les accompagner dans leurs réunions mensuelles. J’ai accepté et, depuis cette époque-là, ces réunions se font dans ma maison avec une douzaine de personnes, dont certaines appartiennent à des CEBs.

Je ne m’éloigne pas du Vénézuéla… car il y a 3 ans, un lecteur de mes articles à Caracas, me demanda s’il pouvait les publier dans son ‘Agence d’Information Nationale’. Il me disait qu’il s’était formé dans la JOC avec un prêtre français (que je connaissais : Paul Riou, qui est décédé depuis). J’acceptais. Peu de temps après, il me réécrit pour me dire qu’il venait d’être nommé consul à… Guayaquil ! Dès notre première rencontre, nous avons sympathisé. Il m'a demandé de lui permettre de rentrer en contact avec les Organisations Sociales de Guayaquil pour les connaître et partager leurs expériences communes. Il participe de temps à autres à nos réunions mensuelles de l’Equipe de Coordination

Cela dure depuis 3 ans… lorsque je reçois une invitation du ministère des Relations Extérieures du Vénézuéla pour une Rencontre Internationale des Mouvements populaires contre le fascisme. Nous étions une quinzaine de personnes d’Equateur que je connaissais presque toutes. C’est comme cela que j’ai passé 3 jours à Caracas avec un groupe de 1.100 personnes d'organisations populaires de 73 pays différents ! J’ai trouvé le Vénézuéla en plein développement (9% annuel de croissance économique), sa capitale propre et tranquille, beaucoup d’organisations sociales, en particulier municipales, qui insiste en la production agricole (suffisante pour l’alimentation nationale, puisqu’ils exportent certains produits), appuyées par un gouvernement socialiste pas de tout dictatorial (évidemment pas du goût des dirigeants des Etats-Unis, de l’Europe et de leurs grands moyens de communication).

 

Voilà mon bonhomme de chemin avec ‘un pied dans les CEBs et l’autre dans les Mouvements populaires’ que le pape François a rencontré à 4 occasions au Vatican et en Bolivie. Alors, est-ce que je reste ‘étrange et étranger’ ? Peu de temps avant de décéder, monseigneur Henri Brincard, de ligne plutôt traditionaliste, me félicitait pour mon travail en Equateur. En effet la foi en Jésus-Christ n’implique-t-elle pas une conversion personnelle et une transformation sociale pour que grandisse le Royaume inauguré par le même Jésus-Christ ? Le pape François, venu du bout du monde qu’est l’Argentine, insiste beaucoup sur l’engagement social des chrétiens.

Bonne route à vous tous au milieu de bien des difficultés. Je suis heureux de vivre et de vous partager tout cela.

Annexe

Bref rapport de la « Rencontre Internationale Antifasciste pour un Monde Nouveau »

Caracas, Venezuela, 27-28 novembre 2024.

DONNÉES DE LA RENCONTRE

1.      Objectif : Renforcer les équipes nationales antifascistes, comme convenu lors de la réunion précédente, de septembre 2024.

2.      Participants : Equipes nationales et autres membres d'Organisations sociales. Quelques 1 100 participants venus de 76 pays d'Amérique Latine, d'Afrique, d'Asie et d'Europe.

3.      Environnement fraternel et ouvert qui permet un partage facile d'informations et d'expériences, ce qui fait beaucoup de bien.

4.      Thèmes :

-        Jour 27 : Présentations sur le fascisme : Histoire, actualité, conséquences, réponses.

Sept réunions de groupes sur les formes du fascisme et des propositions pour y faire face et le surmonter.

Groupes : Mouvements populaires, Femmes, Droits de l'Homme, Médias, Cadre juridique, Art et culture…

-        Jour 28 : Présentations sur les sujets les plus abordés dans les groupes.

Sept réunions de groupes sur les points à aborder pour une Déclaration finale avec engagements.

Rédaction de la Déclaration finale en 20 points.

Lecture de la Déclaration.

5.      Clôture : Intervention du ministre des Affaires Etrangères.

-        Renforcer et amplifier les Equipes nationales pour ne pas disparaitre.

-        Ce qui nous unit est plus important que nos différences.

-        Dans la lutte contre le fascisme il n'y a pas de place pour la tiédeur.

-        Nous allons mettre en route une Ecole mondiale contre le fascisme.

-        Dénoncer les gouvernements fascistes : Trump, Netanyahu, Zelenski, Milei, Meloni, Macron, Noboa, Boluarte...

-        Solidarité avec la Palestine, la Russie, Jorge Glas d’Equateur (prisonnier politique) ...

-        Nous allons rester en contact à travers un secrétariat à Caracas, autonome par rapport aux partis politiques.

-        Soyons une Ligue de fraternité mondiale contre le fascisme.

6.      Prochaine réunion à Caracas en janvier, pour l'investiture présidentielle de Nicolas Maduro.

 QUELQUES COMMENTAIRES

1.       Le Venezuela compte 916 400 km2 et 27 millions d'habitants. Il possède la plus grande réserve de pétrole au monde. Le pays est autosuffisant pour l’alimentation… dont il exporte les surplus.

2.       Sa croissance économique actuelle est de 9 % du PIB (Produit intérieur brut).

3.       L'une de ses priorités est le renforcement du pouvoir communal : le gouvernement soutient les efforts des Municipalités : de 48 000 communes organisées et articulées entre elles pour répondre à leurs besoins et à la production agricole.

4.       La nouveauté de la Rencontre est de réunir autant de représentants d'organisations sociales de 4 continents. Ce que les partis politiques parviennent difficilement à réaliser, c’est le gouvernement du Venezuela qui le réalise.

5.       Il a été décidé de créer un Secrétariat basé à Caracas... Les représentants des différents continents sont invités à participer virtuellement.

6.       La pétition en faveur de la liberté de Jorge Glas a été notoire.

7.       Par contre Haïti n'a pas été nommé en Assemblée générale.

8.       La Carte du monde du logo devrait s’inspirer de celle réalisée par l’allemand Peters, dans laquelle les surfaces sont égales dans tous les pays.

9.       Comment organiser, en Equateur, une représentation nationale plus ample des Organisations populaires ?... vu que le chemin est ouvert.

CONTRE LA FASCISME ET POUR UN MONDE NOUVEAU

CONSTRUISONS  L’HUMANISME !

PS. Mon blog peut vous aider à suivre mon travail ecclésial et social : http://padrepedropierre.blogspot.com

 

Témoignage sur mon travail pastoral en Amérique Latine - 2e partie

 2e partie : LES CEBs ET LEURS ENGAGEMENTS ECLESIAL ET SOCIAL

Communautés Ecclésiales de Base en Amérique Latine

Pedro Pierre, Equateur, décembre 2024.

               En 2021 au Mexique, l’Assemblée Ecclésiale (laïques, religieuses, prêtres et évêques) d’Amérique et des Caraïbes a reconnu les Communautés Ecclésiales de Base (CEBs) comme « une expérience d’Eglise synodale ». Elle confirmait ainsi, avec les CEBs, la validité d’une nouvelle forme d’Eglise : « l’Eglise des pauvres » souhaitée par le pape Jean 23. En Equateur et en Amérique Latine j’ai participé activement à la croissance des CEBs et je m’en sens heureux.

TROIS GRANDS EVEQUES ONT FORGÉ L’IDENTITÉ DES CEBs 

1.      Léonidas Proaño (+ 1988), de Riobamba en Equateur répétait : « Les CEBs avancent avec leurs 2 pieds : le pied de la communauté chrétienne et le pied de l’organisation populaire ».

2.      Enrique Angelelli (assassiné en 1976), de La Rioja, Argentine : « Les CEBs ouvrent une oreille sur le peuple et l’autre sur l’Evangile ».

3.      Gonzalo Lopez (+ 2016), de Sucumbíos dans l’Amazonie équatorienne : « Les CEBs sont l’Eglise dans le quartier et le quartier dans l’Eglise ».

C’est sur ce chemin-là que je me suis engagé en arrivant en Equateur en 1976… il y aura bientôt 50 ans !

AVEC LES CEBs DE L’EQUATEUR EN AMERIQUE LATINE

C’est le pape Paul VI qui, en 1965, demanda que des prêtres d’Europe aillent aider les Eglise du Tiers-Monde : Amérique Latine, Afrique, Asie, dans une ligne de partage entre Eglises. C’était le temps du Concile : Une ouverture de l’Eglise qui apportait des changements. Avant que je ne sois ordonné prêtre en 1969, plusieurs prêtres du diocèse du Puy s’offraient pour aller en Amérique Latine. Mais c’est seulement 6 après avoir été ordonné que mon ami prêtre équatorien m’invitait à aller travailler avec lui en Equateur

1976 : Avec les CEBs de Guayaquil en Equateur

Je suis arrivé en 1976 à Guayaquil, près de l’océan Pacifique, une ville de 800.000 habitants. L’Equateur a une superficie de 270.000 km2 et quelques 6 millions d’habitants. Déjà 6 paroisses de la ville étaient organisées à partir des CEBs. Celles-ci étaient nées au Brésil dans les années 1950. Le Concile les signalait comme nouvelle manière de rendre présent le Royaume inauguré par Jésus de Nazareth dans le monde des pauvres.

Après une expérience de 2 ans dans un quartier en construction, j’allais remplacer un prêtre dans une paroisse qui fonctionnait à partir des CEBs : San Martín de Porres. Cette paroisse était assez étendue dans un quartier pauvre : un bidonville d’au moins 35.000 habitants dont plus d’un tiers vivant dans des maisons sur pilotis. Elle était divisée en 8 secteurs dont l’animation religieuse et sociale était confiée à une CEB. C’était une paroisse très active avec beaucoup de groupes : Equipe liturgique, Légion de Marie, Groupes de jeunes dans la ligne de la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne), Equipe de préparation au Baptême, Confirmation, Mariage. La préparation de la Première Communion était à charge des parents, accompagnée par une Equipe d’adultes. Une Equipe de jeunes aidaient à la préparation de la préparation Confirmation pour des jeunes de plus de 17 ans.

Tous les mardis il y a avait une réunion où participaient 2 représentants de chacun des groupes paroissiaux pour le partage des expériences, des difficultés, des nouveautés à entreprendre. C’était aussi l’occasion d’approfondir la formation biblique dans la ligne de la théologie de la libération, la connaissance de la réalité pour affronter la pauvreté, la solidarité locale, départementale et nationale.

1979 : Première réunion de CEBs au niveau national

Les 7 paroisses de CEBs de la ville, nous avions des réunions mensuelles pour nous aider dans le travail pastoral, en particulier produire du matériel pour les différents groupes paroissiaux. Avec leur première réunion nationale en 1979, les CEBs s’organisèrent au niveau national grâce à l’appui de monseigneur Léonidas Proaño, de Riobamba dans la Cordillère des Andes. A cette rencontre participèrent des représentants de CEBs de 5 grandes villes de 5 départements différents. Dans ces années, naquirent des CEBs rurales, indigènes et noires qui nous réunissions de temps à autre. Au niveau urbain, les CEBs étaient présentes dans 12 départements, c’est-à-dire, dans la moitié du pays. Les prêtres et les religieuses qui accompagnions les CEBs avions 3 réunions par an afin de nous aider dans le travail pastoral, la connaissance de la réalité, l’approfondissement biblique et théologique. Nous nous appelions « l’Eglise des Pauvres », selon l’expression du pape Jean XXIII.

En 1984 se déroulait dans la ville de Cuenca, au sud du pays, la 2e Rencontre Continentale des CEBs. Ces rencontres avaient lieu tous les 4 ans. La thématique de cette Rencontre à laquelle participaient une douzaine de pays et 13 évêques, « Les CEBs : Alternatives d’Eglise et de Société » … qui peut paraître un peu ambitieuse. Mais déjà en 1968 les évêques d’Amérique Latine à Medellin en Colombie avaient reconnu que les CEBs était une expression d’Eglise à part entière et le germe d’une nouvelle manière de vivre en société. Grâce aux CEBs une nouvelle dynamique d’Eglise et d’organisation sociale était en marche, en lien avec les Associations de quartier, les Organisations sociales, les Mouvements populaires, les Syndicats et les Partis politiques. Ces rencontres continentales étaient organisées par une Articulation Continentale des CEBs (3 personnes au Mexique) qui était née à la 1e Rencontre continentale au Brésil en 1980.

1987-89 : L’option des CEBs pour les pauvres… à Rome

               Après 11 ans en Equateur je décidais de faire une pause pour passer plus de temps avec mon père âgé et faire des études théologiques à Rome. Ce fut l’occasion de connaître d’autres expériences de CEBs, en Afrique en particulier et d’approfondir ‘l’option prioritaire pour les pauvres’. Je découvris que ce fut avec et à partir des pauvres que Jésus de Nazareth avait accompli sa mission de faire naître le Royaume, « l’unique absolu, car le reste est relatif » (pape Paul VI, 1975). D’autre part, j’appris que l’option pour les pauvres était un engagement à vivre pauvrement, à se solidariser avec les causes des pauvres et à lutter avec eux contre leur appauvrissement. C’est à cela que s’était engagé une quarantaine d’évêques latinoaméricains à la fin du Concile.

AVEC UNE PAROISSE DU NICARAGUA DANS LA LIGNE DES CEBs

Au moment où j’allais retourner en Equateur, le secrétariat des évêques de France pour l’Amérique Latine me demandait d’aller travailler au Nicaragua car les évêques nicaraguayens demandaient 2 prêtres qui aient déjà une expérience en Amérique Latine.

1989-1997 : Une Eglise aux mains des laïcs.

               Au Nicaragua j’arrivais dans le diocèse de Bluefields sur la Côte des Caraïbes, dans une paroisse immense (la moitié de la Haute Loire), de quelques 120.000 habitants, mais très bien organisée. C’était les laïcs que prenaient en charge les bourgs (une trentaine) ou les hameaux où ils vivaient : Il y avait 130 Communautés chrétiennes avec leur chapelle, leurs réunions et leurs ministres. Les Communautés se chargeaient des activités ecclésiales, sociales et civiques. M’accompagnaient 4 diacres (mariés) et 4 religieuses.

Chaque année, en décembre, nous tenions une Assemblée paroissiale de 150 personnes durant 3 jours complets pour évaluer l’année écoulée : Notre travail répond-il aux besoins de la Communauté ? Nous utilisions la méthode de réunion des CEBs : Analyser la réalité sociale et ecclésiale des CEBs, l’évaluer à la lumière de la Bible et des Documents de l’Eglise latinoaméricaine (la construction du Royaume est notre critère de travail) et décider des nouveautés et des activités de l’année suivante, en particulier le calendrier des visites mensuelles à chacune de 12 zones pastorales. Je rendais visite une fois par an, à dos de mulet, à la centaine de hameaux de 11 zones durant une journée entière pour chacun d’eux. La ville centrale, Nuéva Guinéa, où était la maison paroissiale, avait quelques 17.000 habitants.

Nous faisions aussi le calendrier des rencontres de formation pour les différents ministères : Tous les ministres suivaient une formation annuelle d’au moins 4 jours au centre paroissial. Ces ministères étaient de 3 catégories différentes (voir Annexe) : Les ‘ministères’ ecclésiaux était une douzaine et se référait au travail autour de la chapelle pour les célébrations dominicales hebdomadaires, la préparation des sacrements (le sacrement des malades inclus), les fêtes de la Semaine sainte et de Noël… Les ‘services’ sociaux étaient 8 pour l’éducation scolaire, la santé par les plantes, les droits de l’homme, les projets sociaux, l’environnement… Il y avait aussi 3 ‘responsabilités’ civiques pour substituer le maire, le juge et le policier. Tous les ‘ministères’, ‘services’ et ‘responsabilités’ étaient à la charge d’une équipe de plusieurs personnes et personne ne pouvait conserver la même charge plus de 5 ans.

RETOUR EN EQUATEUR, 1997

               Dix ans après avoir quitté l’Equateur, j’y retourne avec des responsabilités, toujours avec les CEBs, à Quito, Sucumbíos et Guayaquil.

1997-2007 : A Quito avec les CEBs de la ville et au niveau national

Me voici à Quito, dans la capitale et la Cordillère des Andes (4.700 mètres d’altitude), qui compte plus d’un million d’habitants dans 2 paroisses des secteurs populaires. Plusieurs quartiers de Quito travaillent avec les CEBs. Nous nous réunissons pour nous entraider et créer un « Centre de Formation (pour unir) Foi et Politique », au service des CEBs y des Organisations populaires au niveau national.

Les CEBs au niveau national continuent leur rencontres trimestrielles et annuelles. Elles me demandent de les aider dans la formation. C’est à partir de ce moment-là que voyage dans les 12 provinces du pays pour des rencontres d’un ou plusieurs avec les membres des CEBs, mais aussi pour des réunions de formation avec des prêtres, des religieuses, des organisations sociales. Les thèmes sont principalement religieux, mais aussi sociaux et politiques et toujours à partir des pauvres.

A ce moment-là, l’Articulation continentale nous met en contact, les assesseurs latinoaméricains de CEBs, les uns avec les autres, pour partager nos expériences et nos écrits, ainsi que les théologiens de la libération qui accompagnent les CEBs. Nous nous écrivons à travers une page internet qui reçoit les documents que nous écrivons. C’est pour moi une source de communication intéressante.

C’est en 2007 que je commence à écrire un article hebdomadaire dans un journal national ‘El Telégrafo’. Les thèmes proviennent des évènements religieux et sociaux de caractère national et international.

2008-2011 : Sucumbíos, dans l’Amazonie équatorienne, avec les CEBs d’Equateur et d’Amérique Latine

Après qlq discutions, financières en particulier, avec l’évêque de Quito, je vais dans l’Amazonie dans un diocèse qui travaille dans la ligne ecclésiale que j’avais connue au Nicaragua. Je suis dans une paroisse urbaine ou l’on travaille en équipe : prêtres, religieuses et missionnaires laïcs à temps complet. Il y a beaucoup d’activités religieuses et sociales avec de nombreux ministères et responsabilités sociales. Je donne un coup de main aux séminaristes pour la formation théologique et aux responsables d’une Ecole secondaire catholique pour la catéchèse. Un groupe de laïcs chrétien forme même un parti politique et me demande de les accompagner pour la formation.

C’est à ce moment-là que l’Articulation continentale des CEBs me demande d’être ‘tuteur’ dans l’Ecole virtuelle qu’ils ouvrent pour les animateurs et les assesseurs des CEBs. Il s’agit d’un cours de 2 ans et demi avec une université catholique des jésuites du Mexique pour une formation biblico-pastorale en lien avec la réalité des secteurs populaires de la ville et de la campagne. J’ai arrêté l’an dernier ce service, que j’ai trouvé très intéressant.

A cette même époque j’ouvre un blog où je mets la plupart des documents que j’écris dont eux en français : une manière de partager mon travail avec les animateurs de CEBs et les assesseurs. Douze ans après, j’en suis à plus de 90.000 visites et je continue d’y introduire les textes des rencontres de formation et des réflexions que j’écris.

2012 : A Guayaquil, comme assesseur national et latinoaméricain des CEBs

               Je suis allé habiter à Guayaquil et je demandais à l’évêque de ne pas avoir de charge paroissiale directe, pour continuer de travailler avec les CEBs d’Equateur et d’Amérique Latine. L’Articulation continentale m’invita à faire partie de l’Equipe d’Articulation, ce qui me valut plusieurs voyages dans d’autres pays d’Amérique latine et centrale pour des réunions.

               Lorsqu’arriva à Guayaquil l’évêque actuel, il y a 4 ans, il me demanda de faire partie d’une équipe de 6 prêtres et une religieuse pour se rencontrer chaque afin de parler de thèmes ecclésiaux de manière libre. Cela dura à peu près 2 ans. Monseigneur Luis Cabrera vient d’être nommé cardinal. C’est un homme ouvert qui nous laisse travailler dans la ligne des CEBs… ce qui n’est pas le cas d’autres évêques et de la grande majorité des prêtres.

               En 2021, eut lieu une Assemblée Ecclésiale d’Amérique Latine et des Caraïbes au Mexique. Une centaine d’évêques, prêtres et laïcs y furent invités et plus de 900 autres participèrent virtuellement durant 4 jours. Le Document final nous apporte la nouveauté de la reconnaissance des CEBs (le seul Mouvement nommé) comme « une expérience d’Eglise synodale ». Les conclusions du récent Synode sur la Synodalité y font allusion.

               Sont ainsi confirmé les expressions qui identifient les CEBs : « Eglise des pauvres » (pape Jean 23, 1961), « Espace complet d’Eglise » (Medellín, 1968 et Aparecida au Brésil, 2007), « Expérience d’Eglise synodale » (Mexique, 2021). L’an prochain, 2025, nous allons célébrer les 50 des CEBs d’Equateur pour rendre grâce à Dieu et à tous ceux qui nous ont permis d’avancer comme CEBs, de construire une Eglise synodale et de travailler à un renouvellement social dans nos différents pays.

CONCLUSIÓN : La reconnaissance des CEBs comme « Eglise synodale »

               Je continue d’accompagner les CEBs et les Organisations populaires, mais je ne vais presque plus dans d’autres départements. L’internet me rend beaucoup de services pour la formation et le partage d’expériences. Je poursuis donc mon ‘bonhomme de chemin’ avec plaisir au service des pauvres d’Amérique Latine.

Avec raison il y a 25 ans, Lucéro (Luciole, en français), responsable des CEBs de Guayaquil, disait avec lucidité et sûreté : « Les CEBs sont la ‘Bonne Nouvelle’ du XXIe siècle ! »

               Personnellement je me sens comblé pour ces années que j’ai passé en Amérique Latine.

Annexe :

LES 23 MINISTERES, SERVICES ET RESPONSABILITES A LA PAROISSE DE NUEVA GUINEA, AU NICARAGUA.

L’option d’une Eglise aux mains des laïcs était celle du diocèse, confié à une congrégation nortaméricaine des capucins. Nous étions 12 prêtres, plus de 40 diacres, des religieuses et 2 évêques.

1.      Ministères ecclésiaux (12), autour de la chapelle, toujours en équipe

1. Gestionnaires matériels de la chapelle. 2. Animateurs (équipe avec président, secrétaire, trésorier) des célébrations dominicales (avec communion), de Pâques et de Noël. 3. Chanteurs. 4. Musiciens. 5. Catéchistes responsables des sacrements : Baptême, 6. Première communion. 7. Confirmation. 8. Mariage. 9. Bien mourir (confession, communion et onction). 10. Missionnaires (visites et solidarité avec les communautés voisines). 11. Coordonnateurs de zone. 12. Équipe responsable de la trésorerie paroissiale (proposition de dîme par Communauté).

2.      Services sociaux (8), également en équipe

1. Responsables des écoles primaires : Équipe de parents. 2. Enseignants (de la même Communauté), avec formation pédagogique au Centre Paroissial. 3. Responsables de la santé : Médecine naturelle. 4. Équipe des droits de l'homme. 5. Collectionneurs de pièces archéologiques mayas. 6. Équipe d'accompagnement familial (conflits, grossesses précoces...). 7. Equipe des projets sociaux (animaux, céréales...). 8. Gardiens de l'environnement.

3.      Responsabilités civiques (3) de plusieurs personnes ensemble

1. Maire et son adjoint (biens communs et améliorations). 2. Le ‘sage’ ou ‘juge’ et son adjoint (résolution de conflits). 3. Inspecteur (ou ‘gendarme’) et son adjoint (respect des peines au profit de la Communauté).

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