L' A P O C A L Y P S
E : L'ESPERANCE D'UN PEUPLE
QUI LUTTE
Une clé de lecture par Carlos MESTERS (bibliste
brésilien).
Rome, 1988. Traduction : PR.
CONTENU
Introduction: L'Apocalypse hier et aujourd'hui
1. Message
de bonheur aux communautés persécutées
-
L'époque
de composition de l'Apocalypse
-
Les
destinataires. L'auteur. Le message
2. Dévoiler
le sens des événements et annoncer la bonne nouvelle de Jésus
-
Une
manière originale d'annoncer la Bonne Nouvelle en temps de persécution
-
La Bonne
Nouvelle de l'Apocalypse : une symphonie à trois
voix
3. Les
visions livrent leur secret
-
Le
pourquoi des visions et des symboles
-
Les
visions de l'Apocalypse ne connaissent pas les demi-mesures
-
Suggestion
sur le sens des principaux symboles
4. Le
voile est retiré : apparait le visage de Dieu
-
La
division de l'histoire en étapes
-
Le passé
est présenté comme futur
-
Premier
itinéraire du cheminement des Communautés
-
Deuxième
itinéraire du cheminement des Communautés
-
Sept
conseils de lecture donnés par Jean
5. Les
lettres aux sept communautés persécutées (chap. 1 à 3)
"Celui qui a des oreilles, qu'il entende ce que
l'Esprit dit aux Eglises".
6. Premier
itinéraire du cheminement des communautés (1 à 11)
Dieu libère son Peuple
7. Deuxième
itinéraire du cheminement des communautés (12 à 22)
Dieu détruit les oppresseurs de
son peuple
Recommandations finales de Jean et de l'auteur
INTODUCTION :
L'Apocalypse hier et aujourd'hui.
Nous avons tous trouvé, un jour ou
l'autre, dans l'Apocalypse, quelque message important pour notre foi et notre
vie. D'autre part, il est possible que nous ayons été déroutés par ses
présentations mystérieuses, ne sachant trop comment les interpréter. Une
identification trop minutieuse avec les personnes et les évènements
d'aujourd'hui conduit à des significations erronées. Les pauvres en Communautés
chrétiennes peuvent nous donner des chemins de lecture : ils cherchent moins à
comprendre tout ce qui y est décrit qu'à faire l'expérience d'un Dieu proche
qui leur donne la lumière et la force de croire et d'avancer au jour le jour.
Quant à nous, en regroupant les informations que nous donne Jean tout au long
de son livre, essayons d'en déchiffrer le sens tantôt pour les chrétiens d'hier
que pour nous aujourd'hui. Que l'Esprit Saint nous guide pour comprendre ce
qu'il dit aux Eglises que nous sommes.
Chapitre 1 : MESSAGE DE BONHEUR AUX COMMUNAUTES
PERSECUTEES
Les différentes parties de l'Apocalypse sont :
1.
En plus d'une introduction
et
2.
D'une conclusion,
3.
Sept lettres personnelles aux Sept
Communautés persécutées d'Asie Mineure, (ch. 1 à 3)
4.
Deux itinéraires pour le cheminement des
Communautés Chrétiennes:
-
Dieu libère son Peuple (ch. 4 à 11), et
-
Dieu anéantit les oppresseurs du Peuple (ch. 12 à 22).
A. LES EPOQUES DE
COMPOSITION DE L'APOCLYPSE
Sans être absolument certains,
disons que l'Apocalypse a été terminée d'écrire vers l'année 95, au temps des
persécutions de l'Empereur romain Dioclétien. Après la prédication de
l'Evangile en Palestine et dans plusieurs régions de l'Empire, de petites
Communautés chrétiennes étaient nées en assez grand nombre. Les difficultés
n'avaient pas manqué, mais le soleil brillait et les vents étaient favorables:
la barque de Pierre allait de l'avant. Cependant, les nuages s'accumulaient à
l'horizon, et déjà les vents devenaient forts.
Au long des années, s'était
installé un conflit de fond entre l'Empire et les Chrétiens. L'empereur se
déclarait 'le seigneur du monde' et se faisait adorer, premier entre ses dieux;
de plus il faisait peser un joug terrible de domination et d'exploitation sur
les pays colonisés; l'appauvrissement des uns faisait le luxe des autres
(18,3-19). Or pour les chrétiens, Jésus était le seul Seigneur de l'univers et
leur Dieu était unique et père de tous; leur foi en Dieu et leur fidélité à
Jésus les conduisait à vivre en frères sur le même pied d'égalité (Actes 2 et 4).
Le conflit n'était pas seulement théologique:
l'empire n'admettait pas que les chrétiens vivent selon leur foi. Une
organisation entre pauvres et à partir des pauvres allait à l'encontre des
relations de domination et d'exploitation impériales. Déjà en l'an 64,
l'empereur Néron avait déclenché une persécution contre les chrétiens: c'était
la première alerte grave. Tente ans plus tard, voyant que les Communautés
chrétiennes grandissaient et que leur vitalité minait les fondements de
l'empire, Dioclétien organisa une nouvelle persécution encore plus violente que
la première.
Aux yeux de beaucoup de chrétiens
d'alors, la fin du premier siècle pourrait marquer également la fin de
l'Eglise. C'est dans cette situation-là que Jean écrit l'Apocalypse, pour les
Communautés chrétiennes persécutées et découragées.
B. LES DESTINATAIRES
DE L'APOCALYPSE
Jean dirige l'Apocalypse aux
Communautés chrétiennes d'Asie Mineure, et, à travers elles, à toute l'Eglise.
Il poursuit un double but : les difficultés que rencontraient les chrétiens,
étaient non seulement extérieures, avec la persécution; elles étaient aussi
intérieures. La première évangélisation avait été faite avec ardeur, et
l'enthousiasme des convertis était grand : une certaine fatigue se faisait
sentir et l’organisation devenait plus pesante. Il y avait de mauvais pasteurs et de faux
prophètes; certains s’accommodaient des croyances païennes ou s'installaient
dans la richesse (Jacques 5,1-6). La confusion pouvait se répandre: tous
avaient besoin de lumière et d'encouragement pour continuer sur la bonne voie.
C. L'AUTEUR DE
L'APOCALYPSE
A la première ligne de
l'Apocalypse, l'auteur se présente lui-même: Jean, sans autre titre que 'votre
frère et compagnon dans l'épreuve, la royauté et la persévérance'. Il écrit de
son exil forcé dans une île de la mer Egée, Patmos, au large des côtes de l'Asie
Mineure. Il connaît bien les Communautés auxquelles il s'adresse. De plus, il
se sent porteur d'un message qui lui est délivré directement par Dieu lui-même.
Et également pour vivre dans sa chair le drame commun à tous, il parle
avec autorité. Il demande à être
écouté et obéi, car le moment est en effet critique.
D. LE MESSAGE DE
L'APOCALYPSE
Dès le premier mot de son ouvrage,
Jean veut donner le contenu de l'ensemble. Cette parole d'origine grecque signifie
'révélation',
au sens d'enlever un voile'. Jean veut en effet dévoiler le visage de Dieu
caché au cœur
même de la persécution. Devant l'impatience des uns, la confusion des autres,
la peur et la mort de beaucoup, Jean va faire comprendre que la Providence de
Dieu conduit toujours l'histoire et la vie des hommes: ce n'est pas l'empereur
qui commande aux destinées du monde. Dieu est fidèle et libérateur, hier,
aujourd'hui et demain. L'avenir verra la chute des faux dieux et la destruction
de ceux qui les adorent. Dieu appelle tous les hommes à croire en Jésus et
à collaborer à la construction de son Royaume : celui-ci grandit
même dans la persécution. Telle est la Bonne Nouvelle de l'Apocalypse. L'heure
la plus obscure de la nuit est toujours la plus proche de l'aurore.
Chapitre 2 : DEVOILER LE SENS DES EVENEMENTS ET
ANNONCER LA BONNE NOUVELLE DE JESUS
De tout temps, ont existé divers
moyens pour communiquer des messages. Chaque époque a les siens propres et en
invente de nouveaux, aussi adaptés que possible à transmettre fidèlement son
contenu et sa signification. Les chrétiens des premiers siècles avaient les
leurs, tels les Evangiles, les Actes des Apôtres, les lettres de Ste Paul. Jean
utilise le genre apocalyptique qu'il trouve plus adapté pour transmettre la
Bonne Nouvelle de Jésus dans un temps de persécutions.
A. UNE MANIERE
ORIGINALE D'ANNONCER LA BONNE NOUVELLE
Jean cherche un moyen efficace de
faire parvenir aux Communautés persécutées un message d'espérance et
d'encouragement: elles sont menacées dans leur foi et leur survie. Jean va les
aider à se ressaisir en leur expliquant les raisons de la persécution et en les reliant
à Dieu et à leur mission. Il faut
dans le même temps se protéger, se défendre et grandir. L'Apocalypse devient le
moyen choisi pour communiquer un tel message à mots couverts; la Bonne Nouvelle est transmise sans éveiller les soupçons
des persécuteurs qui ne comprennent pas ce message.
1.
La persécution produit une
crise dans la foi des communautés
Un des buts de Jean est de
raviver la foi des Communautés chrétiennes. La crise dans la foi qu'elles traversaient, avait une double origine: l'une
était leur difficulté pour analyser le sens de la persécution, et l'autre le message
de Dieu dans ces mêmes évènements. Jean centre surtout son message sur la
présence et l'action de Dieu. La marche des évènements n'a pas échappé à Dieu.
Malgré les apparences contraires, Dieu domine toujours la situation et Jésus
reste le Seigneur de l'histoire. Il libère son Peuple et le conduit vers le
Royaume. L'avenir n'appartient pas à l'empire
: attention à ne pas se laisser confondre !
Le pouvoir des puissants est limité et trompeur: Même si l'empereur apparaît le
maître du monde, son pouvoir n'est que provisoire : la violence et la mort
n'auront jamais le dernier mot. L'Eglise a les promesses de la vie éternelle. Par
l'Apocalypse, Jean renvoie ses lecteurs à une vision de foi: la
résurrection de Jésus est en marche parmi nous et le Royaume de Dieu ne cesse
de grandir. C'est cela qui doit advenir, et qui advient envers et contre tout.
2.
La bonne nouvelle qui
surgit à la lumière de la foi
Jean veut donner aux
Communautés chrétiennes le sens de l'histoire: il s'agit de prendre du recul
par rapport aux évènements immédiats. La Bonne Nouvelle de l'Apocalypse est
donc celle de Dieu qui a confié à
Jésus la seigneurie du monde: celui-ci
conduit son Peuple vers la victoire finale. Alors, les puissants seront
détruits à jamais. Cependant cette
situation a déjà commencé à se produire. Le genre littéraire apocalyptique va
servir de support à ce message.
Grâce à l'Apocalypse,
Jean va remettre les choses à leur
juste place: dans la balance de l'histoire, le plateau de la balance penche
toujours en faveur de Dieu. Auprès des chrétiens, il va renverser la vapeur :
ce n'est pas la persécution qui va venir à bout de la foi, mais le contraire. Dieu est toujours le Dieu d'Abraham,
d'Isaac, de Moïse et des Prophètes, et il accompagne son Peuple à travers
de nouveaux exodes vers la Terre Promise définitive.
B. LA BONNE NOUVELLE
DE L'APOCALYPSE: UNE SYMHONIEA TROIS VOIX
La Bonne Nouvelle est présente
tout au long de l'Apocalypse, comme le sang qui en parcourrait les veines:
aussi faut-il la comprendre de l'intérieur. Son message parcourt le fleuve le
l'histoire, mais on n'en aperçoit que le lit seulement quand l'eau est claire
et tranquille. Ce message est présent dans chacune des trois parties du livre,
mais dans des tonalités différentes.
1.
Les lettres aux sept communautés
(ch. l à 3)
Jean présente la Bonne
Nouvelle comme une exigence de fidélité et d'engagement courageux à la suite
de Jésus. C'est d'ailleurs en son nom qu'il écrit. La longue introduction à
ces lettres (l,4-20) sert d'introduction à
tout le livre. Viennent ensuite les 7
lettres, assez brèves, dirigées aux sept Communautés d'Asie Mineure (2,1 -
3,22), tel un seul et long écrit valable pour toute l'Eglise.
2.
Première lecture de la
persécution (ch. 4 à 11)
Jean présente la Bonne
Nouvelle de Jésus comme l'annonce en acte de la libération du Peuple des
opprimés: le cheminement des Communautés répète la route du premier exode où
Dieu agit de la même façon. Il est en train de libérer son Peuple des griffes
du nouveau Pharaon : l’empereur romain Dioclétien. Il est possible qu'une telle
lecture des évènements ait été faite du temps de la première persécution sous
Néron, en 64, trente ans plus tôt.
3.
Deuxième lecture de la
même situation de persécution (ch. 12 à 22)
Dans cette partie Jean
donne une présentation de la persécution sous un angle différent : il livre la
Bonne Nouvelle de Jésus comme le jugement et la condamnation des oppresseurs du
Peuple des Communautés. Le déroulement de 1'histoire des hommes contient déjà
le jugement de Dieu. C'est la leçon qui se dégagerait plus clairement de
l'actuelle persécution de Dioclétien, vers les années 95.
Les 3 parties de
l'Apocalypse présentent la même Bonne Nouvelle à la manière d'une
seule et même tresse dont les 3 fils servent d'une part à délier la foi et l'engagement des Communautés, et
d'autre part à lier le pouvoir des oppresseurs. Un chant de
victoire parcourt tout l'Apocalypse comme une symphonie à trois voix.
CONCLUSION
Le procédé utilisé par Jean pour
dévoiler le sens des évènements est symbolique. Celui qui veut se faire
comprendre du Peuple des petites gens doit en connaître l'imaginaire poétique et
le mode symbolique à travers
lesquels ils s'expriment. Jésus avait inventé les paraboles. Ici, 1ean se sert
du genre symbolique, à deux
volets:
1.
Il utilise surtout des images de vision et des symboles.
Alors que pour ses contemporains il s'agissait d'un langage codé auquel ils
étaient habitués, il devient pour nous un ensemble mystérieux plus
difficilement déchiffrable, et qui nous décourage souvent.
2.
Jean divise l'histoire en une succession d'étapes
où le passé devient une prophétie du futur : c'est le deuxième procédé
littéraire. Parfois, dans l'Apocalypse, on ne sait plus très bien s'il s'agit
du passé, du présent ou du futur. Pour Jean, c'est d'ailleurs tout un : Dieu
n'est-il pas le même 'hier, aujourd'hui et demain'? D'autre part on n'est pas
sûr si les étapes décrites furent exactement celles des Communautés, ou si
elles ont leur sens propres.
Chapitre 3: LES VISIONS LIVRENT LEUR SECRET
'C'était un dimanche' nous précise
Jean au début de son livre. De plus il est exilé à cause de l'Evangile.
Soudain, une voix forte lui ordonne d'écrire ce qu'il voit pour le faire
parvenir aux Eglises. Jean observe des visions étranges: il y a des animaux
inconnus, une cité mystérieuse, un langage chiffré... Il s'agit au premier
abord d'un monde autre, différent, irréel. Or, la signification à en tirer doit
être claire: il y va de la vie des chrétiens et de la vitalité de l'Eglise
persécutée.
A. LE POURQUOI DES VISIONS ET DES SYMBOLES
Jean poursuit en fait des buts
très précis: il veut donner des réponses et des directives simples à comprendre et à appliquer.
1.
Première réponse: redonner
sérénité et courage
A quelqu'un qui vous
demande une présentation brève sur Jésus, vous donnez une série de titres
évocateurs : 'Fils de Dieu, Messie, Prêtre, Juge, Seigneur, présent dans la
communauté, le Vivant pour toujours, etc. ... '. Jean ne dit pas autre chose,
mais d'une autre façon (ex. : 1,12-18).
Il ne nous écrit pas une définition où le
discours présente Jésus Immobile; il le traduit en images vivantes et mobiles.
Jésus devient plus actif et attractif. Il ne nous présente pas une série de
thèses; même s'il fait œuvre de théologien; il nous peint un tableau où tout
s'anime. Il fait appel non pas d'abord à notre intelligence, mais à notre
cœur, pour nous communiquer l'expérience intérieure de la foi et nous donner,
de cette façon, encore plus de force et de courage.
Les chrétiens qui
écoutèrent pour la première fois l'Apocalypse, ne comprirent sans doute pas le
sens de tous les détails (cela d'ailleurs ne les intéressaient peut-être pas). Mais
le message était clair: la main de Dieu était sur eux comme 'la nuée' qui les protégeaient
et les rendaient invincibles. Ils pouvaient saisir ce que signifiait la persécution
-une étape dans la construction du Royaume- et ils pouvaient aller de l'avant.
Jean n'explique pas la force et la protection de Dieu, il les fait sentir sur
chacun; ce n'est pas du niveau de la compréhension, mais de communion.
L'Apocalypse est une symphonie cosmique qui invite à vibrer à l'unisson
de Dieu.
2.
Deuxième réponse:
transformer la nostalgie en espérance active
Les visions de
l'Apocalypse sont remplies d'évocations de l'Ancien Testament, plus
particulièrement des livres d'Ezéquiel, Isaïe, Daniel, Zacharie. C'est un passé
de foi et de lutte que Jean veut rappeler, depuis la création jusqu'à l'exil et
l'attente du Messie; mais, attention ce n'est pas pour s'enfuir dans un rêve
merveilleux et larmoyant. Jean construit le Nouveau Testament et l'Eglise avec
les pierres de l'Ancien, pour que tous continuent le gros œuvre.
Or les chrétiens d'alors
connaissaient bien l'A.T. : un mot leur en révélait une page, devenait tout un
personnage, comme une photo qui nous parle d'une tranche de notre vie. Ce passé
devient pour les Communautés le miroir du présent -Dieu continue ses
merveilles aujourd’hui- et un viatique pour la route. Hier, c'est
aujourd'hui; et demain sera meilleur, si tu le veux ainsi. Le passé ranime la
braise sous la cendre afin que jaillisse la lumière nécessaire pour avancer. La
mémoire devient un phare: Dieu est toujours l'Emmanuel, celui qui était, qui
est et qui vient. Les nostalgiques du passé peuvent devenir les protagonistes
du Royaume.
3.
Troisième réponse: communiquer
la paix de Dieu
Dans l'Apocalypse, on a
l'impression que le seul qui agit, c'est Dieu. Et une certaine lecture de l'Apocalypse
peut détourner de l’histoire des hommes et nous dispenser de lutter pour la
justice. Mais ce ne sont pas les conclusions que tiraient les premières
Communautés. Le défi que leur lançait Jean, était justement de puiser dans son
message la lumière pour voir Dieu avec elles, le courage de lutter contre les
faux dieux et la fidélité dans la construction du Royaume.
Jean emmène ses
Communautés au ciel, près du trône de Dieu, dans des batailles titanesques,
pour leur communiquer la force et la paix de leur Seigneur, car c'est lui qui dirige
les opérations contre l'injustice, l'oppression et la mort causées par
l'empire. Eux, les combattants du front ne peuvent pas pressentir l'issue des combats; ils
semblent même se croire perdus. Jean leur donne la vision 'd'en haut' : vous
êtes gagnants! Alors la lutte a déjà la saveur de la victoire. Ayez courage:
encore un effort!
4.
Quatrième réponse: se
défendre des oppresseurs
En temps de persécution,
une parole de trop peut être fatale. Aussi tout message doit-il être anodin
pour les uns, mais significatif pour les autres. Jean ne pouvait pas dire que
l'Empire était leur ennemi et qu'il fallait le détruire, à commencer par
l'empereur. Par contre, leur parler d'une bête imaginaire, porteuse d'un
numéro, leur décrire une prostituée montée sur un dragon à sept têtes, c'était
faire à ses correspondants un clin d'œil complice qu'il devait comprendre: il
s'agissait de Dioclétien, de sa ville capitale, et du sort qui leur était réservé.
Jean utilise cette
imagerie pour dissimuler son message, éclairer ses lecteurs et les inviter à faire preuve d'astuce et
d'imagination, comme lui, pour se protéger et se défendre: devenez plus 'avisés
que les fils du monde' (Lc. 16,8), et 'soyez simples comme des colombes et
prudents comme des serpents' (Mt. 10,16).
5.
Cinquième réponse: pour
que le message passe
Souvent, un petit dessin
en dit plus long qu'un long discours, une image parle plus qu’un grand sermon. Le
peuple des pauvres préfère le monde vivant des images et des couleurs, des
gestes et des symboles: c'est d'ailleurs une part importante de sa culture et
de sa sagesse séculaires. L'Apocalypse s'enracine dans ce terreau-là. Elle
n'est pas la chaire du haut de laquelle un professeur dispenserait des vérités
éthérées à un auditoire confortablement assis. C'est un feu d'artifice de
portraits, de voyages, de rêves aux ensembles saisissants, une forêt de
symboles tous plus parlant les uns que les autres: un arc-en-ciel pour une fête
sans fin. Il n'est pas nécessaire de tout comprendre, mais de se laisser
séduire et entrainer dans son dynamisme de foi et de libération. 'Le ciel est
par-dessus le toit / Si bleu, si calme'. L'Apocalypse est une immense fresque
dont les tableaux s'éclairent entre eux, où les lignes se complètent pour
livrer leur secret dans le concret de la vie et de la lutte des Peuples.
B. LES VISIONS NE CONNAISSENT
PAS LES DEMI-MESURES
Dans les visions de l'Apocalypse,
ou tout est bon, ou tout est mauvais : tout est clair, ou tout est obscur. On
voyage de contrastes en contrastes : d'un côté le dragon et la bête face à
l'Agneau et ses soldats à la tunique blanche, de l'autre Rome et la grande
prostituée face à Jésus et sa fiancée resplendissante. Jean sait que la réalité
n'est pas ainsi, ni la vie des Communautés.
1.
La situation politique
était confuse
Luc avait présenté, dans
les Actes de Apôtres, l'Empire romain comme plutôt favorable à l'extension du christianisme. Dans
ses lettres Paul demandait même l'obéissance aux autorités en place (Romains
13,1-2). A l'époque de Jean, la situation avait changé : les autorités de
l'empire persécutaient les chrétiens s'ils n'adoraient pas leurs dieux.
L'empire était un loup déguisé en agneau. Personne ne pouvait plus s'y tromper.
2.
La décision apportée par
l'Apocalypse
Jean n'entre pas dans les
détails. La cause de tout le mal qui arrive aux Communautés, ne vient pas de
quelques fonctionnaires mauvais ou trop zélés, comme si le système impérial
était bon en lui-même. Il veut faire comprendre clairement que l'empire en soi
est fondamentalement pervers : ses projets et son organisation conduisent à le
rendre maître absolu de tout et de tous. Il faut donc le condamner sans
tergiversations.
Si Jean est aussi dur,
c'est qu'il justifie cette condamnation a posteriori: ce qui va arriver à l'empire, c'est sa chute, et avec
lui, celle de tous ceux qui ont cru en lui. Seuls, ceux qui sont avec Dieu
triompheront avec lui. Il faut donc condamner ce monstre. En conséquence, tout
ce qui contribue au maintien de l'empire est mauvais, puisque celui-ci
persécute les élus de Dieu: il ne peut y avoir d'alliance possible avec
Satan et l'empire du mal. C'est pourquoi Jean invite les chrétiens à s'opposer
à lui-même au prix de la mort: il y va de salut des chrétiens et de leur
fidélité à Jésus-Christ. C'est seulement de cette façon que l'Eglise deviendra
le signe de la victoire définitive du bien sur le mal, de la vérité sur le
mensonge, de la fraternité sur l'injustice. Telle est la raison des
affirmations en noir et blanc de Jean: juger l'empire et agir en conséquence.
3.
Suggestions sur le sens
des principaux symboles
-
La femme enceinte (12,1) représente le Peuple de Dieu,
Marie, en train d'enfanter le Messie, le Libérateur de Communautés.
-
Le Dragon et le serpent (12,3,9) représentent le pouvoir
du mal qui agit dans le monde : c'est Satan matérialisé.
-
Les sept têtes sont les sept collines de Rome (12,3;
17,9-10).
-
Les dix cornes (12,3) représentent le pouvoir suprême; le chiffre
10 indique la totalité.
-
Les chiffres 1260 (12,6), 42 mois (11,2), un demi temps
(12,14) représentent la moitié de 7 années, c'est-à-dire un temps imparfait;
Dieu limite le temps de la persécution.
-
Les ailes de l'aigle (12,14) représentent la protection de
Dieu sur son Peuple (Deutéronome 32,1l; Ex.19,4).
-
La bête (13,1), pareille à un agneau mais à la voix de
dragon, représente les faux prophètes qui justifient et légitiment l'empire.
-
La panthère, l'ours, le lion (13,2) signifient la voracité
des exploiteurs.
-
L'Agneau (14-,1), c'est Jésus dont le sacrifice libère son
peuple.
-
Les 144.000 vierges représentent le chiffre parfait
(14,1-4) de ceux qui n'adorèrent pas les faux dieux (12 de l'A.T. et 12 du N.T.,
multipliés par 1.000).
-
Babylone (14,8; 18,2) est l'autre nom de Rome qui exploite
les Peuples pour s'enrichir.
-
Le Fils de l'Homme (14,14), c'est Jésus de Nazareth (cf.
Dn. 7,13).
-
Hamarguédon (16,16) rappelle le lieu de défaite des
ennemis du Peuple de Dieu (Zacharie 12,11).
-
La couleur blanche (19,14) est le symbole de la victoire.
-
Les 1.000 années (20,2-7) représentent le temps indéfini
qui sépare la fin de la persécution de la fin du monde.
-
Le lac de feu (20,llf) indique la destinée de ceux qui
s'opposent au plan de Dieu.
-
La deuxième mort (20, 14) sera la défaite de la mort qui laissera
la place à la vie seule.
-
Les noces de l'Agneau (19,9; 21,2) représentent la
victoire et la fête éternelle de Jésus avec son Peuple.
-
La nouvelle Jérusalem (22,2) représente le nouveau Peuple
de Dieu libre et fraternel.
-
Alpha et Oméga (21,6) sont les première et dernière
lettres de l'alphabet grec : Dieu est l'origine et la fin de tout.
Chapitre 4 : LE
VOILE EST RETIRE, APPARAIT LE VISAGE DE DIEU
Pour les communautés, Jean situe
les évènements dans le déroulement de l'histoire, en les divisant en étapes
successives et en embrassant d'un seul regard passé, présent et futur. Les
différentes interventions de Dieu apparaissent ainsi plus clairement.
A. LA DIVISION DE
L'HISTOIRE EN ETAPES
Jean aide d'abord les Communautés
à se localiser dans le long cheminement du Peuple de Dieu : la mise en route
est commencée depuis bien longtemps. Elle comprend des passages agréables et tranquilles,
mais aussi des sentiers effacés, des éboulements et des catastrophes où il est
difficile de trouver l'issue de secours.
B. LE PASSE EST
PRESENTE COMME FUTUR
Les visions conduisent l'auteur de
l'Apocalypse dans le passé, jusqu'à la création du monde, c'est-à-dire aux
débuts du plan de Dieu. A partir de là, il regarde le futur et annonce ce qui
va arriver; une partie de ce futur a déjà eu lieu: il y a tout l'A.T.;
l'évènement Jésus-Christ revêt une importance capitale. L'époque récente (1er
premier siècle) est divisée en deux par la persécution de Néron en 64. Et Jean
continue sa prospective jusqu'à la fin des temps. A cause de la persécution dont sont
victimes les Communautés, Jean donne du relief au sens qui se révèle dans
l'époque de Néron et dans celle de Dioclétien.
C. SENS DU PREMIER
ITINERAIRE : DIEU EST TOUJOUIRS LE LIBERATEUR
Jean fait une comparaison de la
situation actuelle avec celle soufferte sous Néron. Mais auparavant, il prend
son point de départ avec Jésus. Suivons-le dans sa vision. Il voit la porte du ciel ouverte, il
y entre et voit le trône de Dieu. Apparaît ensuite l'Agneau, avec une blessure
mortelle, qui reçoit un livre fermé par sept sceaux: c'est le moment après la
résurrection de Jésus, son entrée dans la gloire à la droite du Père. Jean nous
fait comprendre que nous sommes entrés dans la dernière étape du plan de Dieu.
A partir de ce point de vue, Jean regarde le futur et le décrit par étapes
successives, jusqu'à la fin des temps. C'est alors la rupture des sept sceaux,
chacun représentant une nouvelle étape.
Les quatre premières étapes rendent
compte de ce qui s'est passé entre les années 33 et 95 : cela est connu des
Communautés. La cinquième étape décrit la persécution de l'an 95 : il voit les
morts victorieux (à la robe blanche), décrit le pouvoir de Dieu et invite à patienter,
car c'est bientôt la fin. La sixième étape comprend tout ce qui va arriver
après l'année 95 jusqu'à la fin du monde. La septième étape décrit le bout du
chemin: la fête nous attend à l'arrivée.
C'est le plan de route des
Communautés: celles-ci, semblables au voyageur qui se situe sur le chemin
parcouru, se rendent compte où elles en sont, qu'est-ce qui se passe, où elles
vont et ce qui les attend. Rassurées, illuminées, réconfortées, elles peuvent
continuer la route et se préparer plus efficacement à affronter ce qui va
se présenter. De toute façon, 'on en sortira gagnants', car Dieu est avec nous
pour nous libérer.
D. SENS DU DEUXIEME
ITINERAIRE: DIEU DETRUIRA LES OPPRESSEURS DU PEUPLE
Le chapitre 12 marque un nouveau
commencement. Jean voit une femme dans les douleurs de l'enfantement, et un
dragon qui se prépare à dévorer l'enfant qui va naître. Le livre de la Genès
(3,15) annonçait déjà cette inimitié. Mais l'enfant est attiré au ciel, la
femme se réfugie au désert et le dragon est vaincu au cours d'une terrible bataille.
C'est l'interprétation de la résurrection de Jésus qui ouvre la porte à une nouvelle création-libération
pour l'Eglise. Jean reprend là tout ce qui s'est passé entre les années 33 et
95, à partir d'un nouveau point
de vue, plus ample.
Il fait comprendre plus clairement
qu'il y a d'un côté l'empire romain -la bête- qui a hérité son pouvoir de Satan
-le dragon-, et de l'autre Jésus -l'agneau- qui a reçu de Dieu tout pouvoir -le
trône- et qu'il peut l'exercer victorieusement -la bataille. Jean annonce
ensuite ce qui se prépare pour les siècles futurs: la condamnation et la
défaite des forces du mal. Dans ce deuxième itinéraire, Dieu est à l'œuvre par
l'intermédiaire de son Fils, le nouveau libérateur, que la résurrection a
établi Juge de toute la création: la libération termine par la victoire
définitive du Peuple de Dieu sur toutes les forces du mal. Les Communautés y voient
encore plus clair: le futur est définitivement ouvert, puisque les oppresseurs,
non seulement cesseront d'opprimer, mais encore seront détruits.
E. SEPT CONSEILS DE
LECTURE DONNES PAR JEAN
Non seulement Jean explique le
sens de la persécution, l'action de Dieu, la mémère de vivre en Fidélité à l'Evangile; il parsème son récit
de conseils pour apprendre à faire tout cela par soi-même.
1.
C'est en communauté qu'il
faut lire et interpréter l'Ecriture. Dès les premières lignes de l’Apocalypse Jean
attire notre attention : 'Heureux celui qui lit et ceux qui écoutent et gardent
ces paroles' (1,3). Il n'y en a qu'un qui lit, mais ils sont plusieurs à écouter et
garder. Son livre, comme toute la Bible, est fait pour être lu, partagé et vécu
ensemble, en communauté.
2.
Ne rien ajouter ni ne rien
enlever. L'Apocalypse
est un livre souvent cité et auquel on associe des aspects terrifiants. Jean
nous invite à la lire jusqu'au bout,
sans 'broder ni cisailler'. Il y a à la clé une promesse de bonheur. Laissons-nous guider et sachons
persévérer : le livre forme un tout, tel un arbre qu’il ne faut ni tronquer, ni
enjoliver, car on risquerait d’en perdre la sève et d’en confondre les fruits (22,18-19).
3.
L'appliquer
intelligemment. Jean n'écrit pas à des
intellectuels, mais à des
gens simples et généreux: il croit en leur sagesse. Par deux fois il fait appel
à leur discernement (19.18)
et à leur intelligence pratique (17,19). Lorsque des pauvres se réunissent
pour partager collectivement leur intelligence des évènements, leur sagesse de vie et leur vision de foi, ils ouvrent un
chemin vers Dieu.
4.
Avoir soif de vérité et de
vie. L'Apocalypse
est source de lumière et exigence de vie pour celui qui cherche la vérité et
l'absolu. S'il se lance à leur quête avec l'aide d'autres frères et de
l'Apocalypse, il ne sera pas déçu (22,17). De plus, notre solidarité avec les
pauvres et les humbles est la garantie du droit chemin (Mt. 11,25-26): Dieu s'y
est caché. Ne craignons rien: le chemin s'ouvre sous les pas de Celui qui
avance.
5.
S'ouvrir à l'action de l'Esprit-saint.
L'Apocalypse
est une parole de Dieu marquée du sceau de l'Esprit (1,1-3): l'ange qui parle
aux Eglise n'est autre que lui. Son message continue de se propager aujourd'hui
dans son éternelle nouveauté: la Parole de Dieu se reçoit dans la prière pour
que l'Esprit ouvre notre cœur, notre intelligence et notre volonté pour aimer,
comprendre et agir en vérité.
6.
Conclure par les
sacrements. 'L'Epouse et l'Esprit disent: Viens!' (22.17). L'Epouse, c'est l'Eglise
animée par l'Esprit, c'est la Communauté en prière et en action selon l'Esprit.
L'Apocalypse a été écrite comme une grande liturgie qui reprend les merveilles
de Dieu et alimente les membres du Peuple de Dieu. Elle est une invitation à vivre les
sacrements, en particulier l’Eucharistie, dans cette perspective : rendre
grâces à Dieu et nous fortifier. De
plus nous devons être pour le monde ce sacrement, cette prière, cette prophétie
vivante et victorieuse; son message est donné pour en faire une expression
collective, et celui-ci est un culte au Père dans l'Esprit.
7.
Pratiquer la Parole
proclamée. Il ne suffit pas de connaître, d'écouter, de prier: l'Apocalypse nous
exige de la mettre en acte la Parole écoutée. C'est une parole à 'garder' (1,3;
22,7,10), c'est-à-dire à pratiquer: tel est son but pour qu’elle ne meure pas
et nous avec. Ce que dénonçait l'Apocalypse est encore une réalité aujourd'hui,
toute proche de nous. Il est si facile de collaborer, de justifier et de fortifier
les divinités et l’empire qui nous oppriment, exploitent et tuent au nom des
fausses idoles qu'il fabrique de toute pièce. L'Apocalypse anime notre lutte
contre la bête aux multiples têtes.
« Celui qui a des oreilles, qu’il entende ce que
l’Esprit dit aux Eglises ».
Chapitre 5: LES LETTRES AUX SEPT COMMUNAUTES
PERSECUTEES
A. LA CONSTRUCTION
LITTERAIRE DE L'APOCALYPSE
L'Apocalypse ressemble à la maison
des pauvres: elle a grandi peu à peu.
D'abord, il n'y a qu'une pièce (ch. 4 à 11); ensuite, quand le besoin s'en fait sentir et qu'on en a les moyens, on
ajoute une nouvelle salle (ch. 12 à 22,
en l'an 95 -la partie antérieure datait de l'an 64-) ; puis
on y arrange un auvent (ch. 1 à 3) et,
par derrière, un petit jardin (ch. 22,6-21). La maison est terminée, bien des
années après avoir posé la première pierre. De même l'Apocalypse. Nous n'allons
pas suivre les étapes qu'a connues Jean, mais entrer directement par l'auvent
pour avancer jusqu'au fond du jardin, une fois que tout est bien fini, comme
ont fait les premières Communautés chrétiennes. Disons également que,
généralement, les plus persécutes s'y sentent plus à leur aise.
B. LE TITRE DE
L'APOCALYPSE ET SON RESUME (1,1-3)
Jean lui-même nous donne le titre de
son livre dans le premier mot : 'Révélation de Jésus-Christ'. Et il nous
explique son propos immédiatement après, en' présentant :
-
son origine: c'est Dieu lui-même,
-
sa valeur: c'est une Parole de Dieu confirmée par
Jésus-Christ,
-
son exigence : elle a été écrite pour être lue et
pratiquée en Communauté,
-
sa récompense: elle apportera à ceux qui la
'gardent' succès et bonheur,
-
son urgence vient de ce que le temps presse.
C. L'INTRODUCTION OU SALUT INITIAL (1,5-8)
Dans cette partie, Jean désire à ses lecteurs des vœux de 'grâce et
de paix', de la part de Dieu trinitaire. Aujourd'hui, nous aurions utilisé la
formule du signe de la croix. Jean est plus ample: il nous parle au nom de
'Celui qui était, qui est et qui vient', des 'Sept Esprits' et de
'Jésus-Christ'. Tout cela n'est pas sans importance.
1.
Le Père : 'celui qui
était, qui est et qui vient'. Il s'agit du 'Dieu fidèle', du Dieu-avec-nous, qui nous
accompagne dans l'histoire. Remarquons qu'au chapitre 11, la formule est
amputée de la dernière partie; il ne reste que: 'Celui qui était et qui est'
(v.l7). C'est qu'auparavant Jean nous a déjà dit qu'il était venu en
Jésus-Christ. Et le Ressuscité ne s'est pas enfui auprès du père; il continue
d'assurer sa présence et d'assumer la continuité de son Royaume par son appui à
l'Eglise des Communautés: Dieu n'a pas d'autre histoire que celle de son
Peuple; celui-ci en fait l'expérience par son action libératrice (Ex. 3,1-15).
2.
L'Esprit-saint: 'les sept
Esprits qui sont devant le trône de Dieu'. L'Esprit-Saint est l'action
continue de Dieu dans la vie et dans l'histoire des hommes : 'il remplit toute
la terre' (Sagesse 1,7). Le Chiffre 'sept' indique cette
plénitude: rien n'échappe à sa mouvance. Il est devant le trône afin d'écouter
directement ses volontés et de les exécuter immédiatement.
3.
Jésus-Christ: 'le Témoin
fidèle, le premier Né d'entre les morts, le Prince des rois de la terre'. Jean énumère les principaux
titres de Jésus-Christ dont il va développer l'efficacité dans son livre. C'est
le Témoin fidèle, car il obéit en tout et parfaitement jusqu'à la mort (Philipiens
2,6-11). Il notre frère aîné, car
il nous a devancés dans la victoire sur la mort (1 Jn. 5, 18-19). Il a reçu de Dieu le pouvoir
suprême afin de faire de nous 'la race élue, la communauté sacerdotale, la
nation sainte.' (1 Pierre
2,9-10) : il est le roi de cette
Communauté médiatrice entre Dieu et l'humanité.
Ce salut initial et trinitaire
forme en quelque sorte la synthèse de la Bonne Nouvelle de l'Apocalypse.
D. A L'ORIGINE DU
LIVRE IL Y A LA VISION DE JESUS (1,9-20)
Lors d'un jour du Seigneur, Jésus
lui-même donne à Jean 'l'ordre d'écrire ce qu'il voit et d'en
envoyer le livre aux Communautés' (1,11,19).
Pourquoi Jean commence-t-il de cette
façon son livre?
1.
La clé de lecture pour
entrer dans la vision. Jean ne va pas écrire en technicien spécialisé ni en
professeur émérite, mais comme un poète et un peintre. La vision est comme un
rêve éveillé dont les tableaux et les images vont exprimer la force de l'amour,
la vanité du pouvoir et la sainteté de Jésus. Les détails du chef-d’œuvre ne
sont là que pour faire ressortir d'avantage le message d'ensemble: c'est plutôt
une invitation à la communion qu'un rébus à déchiffrer. C'est un
défi de fidélité qui est proposé aux Communautés persécutées pour un sursaut de
foi et de vitalité.
2.
Entrer dans le genre
apocalyptique. Pour les chrétiens du premier siècle, la plupart des signes et des
images que Jean utilise avait un sens. Pour nous, il n'en est pas de même; de
plus l'imaginaire poétique et mystique n'est pas un mode courant d'expression
théologique. Cependant, si nous nous efforçons de nous solidariser avec les
pauvres et d'en comprendre peu à peu de l'intérieur la culture propre, nous
entrerons dans l'Apocalypse comme dans un monde familier et sa musique nous
séduira et nous passionnera pour la construction du Royaume. L'Apocalypse se
déploie comme une aurore boréale pour des temps nouveaux.
E. LES SEPT LETTRES
AUX SEPT COMMUNAUTES PERSECUTEES (2,1 - 3,22)
Il s'agit à d'une série de lettres
brèves, simples et personnelles, dirigées aux 7 Communautés d'Asie Mineure que
Jean connaissait bien. Elles subissent, comme lui, une dure persécution. Toutes
ces lettres ont été composées de la même manière, avec sept points communs : elles sont
-
adressées à "l'ange de la Communauté" c'est-à-dire à
son gardien,
- présentées
comme Parole de Jésus,
- caractérisées
par un titre, chaque fois différent, donné à ce même Jésus,
- commencées
par une description flatteuse (sauf pour une : 3,1),
- dirigées
sous forme d'avertissement précis,
- scandées
par une phrase identique : 'Celui qui a des oreilles, qu'il entende !’
- terminées
par une promesse : 'Au vainqueur, je donnerai…'.
E. UNE GRILLE DE
LECTURE DE CES LETTRES
Recherchons :
-
la situation de chaque Communauté,
-
sa manière propre d'affronter les difficultés,
-
les textes de l'A.T. qui alimentent sa lutte,
-
les titres de Jésus qui éclairent sa foi,
-
la beauté des images et des comparaisons,
-
une complicité personnelle avec le vainqueur,
-
une modèle de lettre pour aujourd'hui,... car, si nous
participons dans des Communautés Ecclésiales de Base, nous pouvons découvrir
que, lorsque celles-ci s'écrivent, en particulier quand elles sont persécutées,
leurs lettres sont parfois très proches de celles de l'Apocalypse.
Chapitre 6 : PREMIER ITINERAIRE DU CHEMINEMENT DES
COMMUNAUTES:
DIEU LIBERE SON PEUPLE.
Après ses lettres, Jean invite les
Communautés à regarder les choses 'd'en haut', comme les voit
Dieu, pour qu'elles fassent l'expérience de sa présence active: 'Vous saurez
que je suis le Seigneur, votre Dieu et votre libérateur'. Entrons avec les
Communautés dans ce panorama lumineux pour nous laisser émouvoir, enthousiasmer
et convertir, afin de devenir plus passionnés de Dieu et des hommes.
A. LA VISION DU
TRONE DE DIEU (4,1-11)
'Le trône' est comme la toile de
fond de l'apocalypse, qui l'enveloppe du début jusqu’à la fin (1,4 ; 22,3)
: Dieu dirige en maître l'œuvre de la Rédemption. Le nom de Dieu ouvre (4,8) et ferme tout cet acte (11,17); il
ne change pas : il est le Libérateur hier, aujourd'hui et demain (Ex. 6,7).
B. LA VISION DE
L'AGNEAU BLESSE A MORT. (5,1-14)
Dieu tient dans ses mains un livre
scellé que personne ne peut ouvrir: Dieu aurait-il perdu le contrôle de
l'histoire, dont le plan est caché dans les pages du livre? 'Le Lion de Juda en
est seul capable', c'est-à-dire l'Agneau qui vient d'être immolé: Jésus fait
son entrée triomphale et reçoit le livre des mains de Dieu pour l'ouvrir et
exécuter le programme qu'il contient. Il est le nouvel Agneau Pascal
(Ex.12,13-14) qui vient de libérer le Peuple de Dieu définitivement, et il en
fait 'un royaume de prêtres' (Ex. 19,6) : on peut même chanter victoire comme
hier après le passage de la Mer Rouge (5,9-14 = Ex. 15,1-22).
Beaucoup d'hymnes parcourent
l'Apocalypse, tels des 'fortissimo qui en rythment les pages : la symphonie se
déploie dans toute sa grandeur. Jean veut enseigner aux Communautés à célébrer
leur foi, leur vie, leurs luttes, leurs avancées. La marche du Peuple de Dieu
n'est pas celui d’un cortège funèbre, mais une procession aux flambeaux,
célébrant ses exodes successifs. Le passé illumine le présent dont il faut
également se réjouir.
C. L'OUVERTURE DU
LIVRE AUX SEPT SCEAUX (6,1-17)
Jésus rompt les sceaux afin de
permettre le déroulement de l'histoire humaine selon le plan de Dieu. Au
cinquième sceau, les Communautés reconnaissent qu'il s'agit de leur époque:
Jean leur annonce alors que l'épreuve tire à sa fin. Puis viennent les
dernières scènes : le futur également appartient à Dieu. Dans la
lutte séculaire - sans date - entre le Bien et le Mal, les acteurs sont tous
les hommes : mais chacun a choisi son camp. Malheur à ceux qui
se sont laissé confondre et pervertir.
1.
Le recensement du désert.
(6,9-10). Jean
revien1fsur l'époque des Communautés (6° sceau) : c'est comme un retour en arrière.
Comme après l'Exode (Nombres 1,20-43), faisons le compte de nos forces, réorganisons
nous, identifions-nous pour éviter la dispersion et la destruction. Seulement,
se reconnaître, c'est vivre selon la loi de Dieu, créer déjà l'empire de
l'amour qui supplantera l'empire de la mort. La foi n'est pas une idée, mais
une manière de vivre.
2.
La multitude que nul ne
peut dénombrer (7,9-17). Une foule innombrable est entrée dans le camp de Dieu : la
Rédemption atteint tous les hommes; sa tente les abrite, comme hier les hébreux
au désert, et il les conduit aux sources d'eau vive. Si les Communautés sont la
part que Dieu s'est réservée (Ex. 19,5), c'est pour être les témoins conscients
et organisés de ce que l'Humanité recherche à tâtons. Cette alternative de
fraternité victorieuse se forge dans la lutte.
3.
La rupture du septième
sceau. (8,1 - 10,7). Voilà l'ultime chorégraphie: le jugement dernier. Le
tableau reprend le cadre des plaies d'Egypte (Ex. 7,8-10,29), mais dans
l'édition revue et augmentée du livre de la Sagesse (la 6° plaie est propre au
livre de la Sage 11,15-20).
Le châtiment est sévère, mais Dieu
ne refuse pas son pardon: l'application des plaies est incomplète (un tiers est
toujours épargné : 8,7 - 9,15) : aujourd’hui comme hier, Caïn a toujours sa
chance, pour se convertir (Gn. 4,15 = Sage 12,2). Mais, malheur à ceux qui restent attachés à leurs idoles :
ils périront avec elles!
D. LA REALITE
DEFINITIVE DU ROYAUME DE DIEU (11,14--19)
C'est le bouquet final, la
célébration définitive, la fête sans fin: le Règne définitif du Christ sur
toute la création, dans une action de grâces éternelle. L'Exode termine en libération
et la libération en Royaume : tel est le dénouement de l'histoire de l 'Humanité
qui avance au pas à pas de sa longue marche.
Jean est un artiste de génie : la
magie des couleurs révèle le sens des évènements, la Bonne Nouvelle de Jésus et
les traits du visage de Dieu. La rupture du septième sceau correspond à la
persécution de Dioclétien: ce n'est pas un point d'orgue, mais le passage à un
second clavier pour l'apothéose finale. La 7° plaie va être reprise et
prolongée par tout l'orchestre: c'est le deuxième itinéraire proposé aux
Communautés. Ainsi, elles pourront plus facilement affronter les difficultés. 'La
Prophétie continue'(l0,1), d'abord en mineur, puis en majeur pour célébrer 'les
cieux nouveaux et la terre nouvelle'.
Chapitre 7 : DEUXIEME ITINERAIRE DU CHEMINEMENT DES
COMMUNAUTES :
DIEU DETRUIT LES OPPRESSEURS.
Le premier itinéraire s'était
tissé sur la trame de l'Exode et du Dieu libérateur. Le deuxième aborde
directement le Jugement dernier et le châtiment des oppresseurs. C'est une
reprise du même schéma historique: le passé qui va de l'an 33 à l'an 95, le présent
qui est l'époque de la persécution de Dioclétien et le futur jusqu'à la fin du
monde, mais avec un nouveau message à l'adresse des persécuteurs: 'Contre votre
gré, demain sera un jour nouveau: triste pour vous et d'allégresse pour vos
victimes!'.
A. LE PASSE: LA
LUTTE DE LA FEMME ENCEINTE ET DU DRAGON (12,1-17)
1.
Dieu prend position en faveur
de la vie menacée (12,1-6)
La lutte s'articule à partir de l'inimitié amorcée lors
de la création du monde (Gn. 3, 15). La femme dans les douleurs de l'enfantement,
c'est l 'Humanité en naissance perpétuelle vers sa taille parfaite. C'est
également Marie, modèle et prémisse de l'Humanité future. Cet enfantement se
forge dans la lutte de la vie contre la mort. Le dragon représente le 'serpent'
du Paradis Terrestre; c'est Satan (Mt. 4,1): le pouvoir du mal et de la mort
qui pèse sur toute vie dès sa naissance.
Mais, Dieu n'est pas un
spectateur tristement amusé de ce jeu mortel. Il prend fait et cause pour la
vie. Il en est le créateur et le défenseur. C'est pourquoi il a ressuscité Jésus
qui a voulu passer par elle, entrant dans sa victoire provisoire, pour en faire
une défaite totale. Aussi Jésus devient-il à jamais le Pantocrator. Quant à l'Humanité
harcelée, elle se réfugie au désert, lieu des fiançailles de Dieu avec son
Peuple (Osée 2,16-25). Le dragon est vaincu: le compte à rebours est commencé.
2.
Le dragon chassé du ciel
(12,7-12)
Suivant la croyance de
l'époque, Satan servait d'Accusateur qui vivait près de Dieu pour l'informer
des péchés des hommes (Job 1,6-12, 2,3-7). Or Jésus a expie nos péchés: notre
foi et notre vie nous associent à cette purification. Notre Accusateur n'a plus
de raison d'être : le Diable a perdu son emploi et sa place. Les persécutions
sont sa manière désespérée de se venger.
3.
Les persécutions contre
l'Eglise (12,13-17)
Le Diable a perdu la
bataille, mais il se livre encore à des escarmouches contre la mère de l'Enfant
qui représente aussi l'Eglise (1 'Humanité sauvée). Il est en train de vomir
sur elle, pour la noyer, un fleuve qui n'est autre que l'empire romain. Peine
perdue, Dieu la protège, et la terre ouvre un abîme où le fleuve s'engloutit.
L'histoire est favorable au Peuple de Dieu persécuté.
Ainsi termine la première étape du
jugement de Dieu: les persécutions sont les derniers soubresauts de la Bête
agonisante. Sa violence n'a d'égal que sa peur et sa faiblesse.
B. LE PRESENT: LES
DEUX ADVERSAIRES EN PRESENCE SONT SATAN ET L'AGEAU (13,1 - 14,5)
Jusque-là, Jean avait parlé de la
persécution, mais non du persécuteur. Ecoutons son opinion sur l'Empire Romain.
1.
La bête qui combat les
communautés est l'empire romain. (13,1-18)
Jean voit une bête sortir
de la mer et un dragon lui donner son pouvoir maléfique. La mer symbolise le
lieu du mal : l'empire romain est la bête sortie de la mer; il n'est pas d'origine
divine, mais diabolique, car il a reçu de Satan (1e dragon) son pouvoir. On
dirait une hydre à plusieurs têtes, car une persécution en remplace une autre.
La Bête a ses prophètes qui ensorcellent, et ses inconditionnels qui lui sacrifient
jusqu'à père et mère: l'empire subsiste grâce à leur services funèbres. Jean
révèle même le code secret de l'empereur : 666. Toute la machine infernale
reste à découvert: il s'agit de ne pas se laisser tromper, mais de se défendre
et survivre.
2.
L'agneau et son armée = les communautés résistent à l'empire
(14-15)
Dans cette lutte à mort,
il n’y a rien de commun entre les deux adversaires: c'est l'opposition radicale
entre eux et leur camp, d'une part l’Agneau, Jérusalem et les chrétiens, de
l'autre la Bête, Rome et ses sbires, avec la Vérité et le mensonge, et la
dynamique de la victoire face à l'angoisse de la défaite. On entend déjà comme
la rumeur croissante d'un chant d'action de grâces qui couvre toute la terre,
car la lutte des Communautés préparent un monde nouveau selon le cœur de Dieu
par leur fidélité, leur fraternité et leur témoignage courageux.
Là termine la deuxième étape du
jugement de Dieu: C'est l'aujourd'hui dont Jean est le témoin privilégié. Il
voit les Communautés telle une petite graine qui devient Un grand arbre contre
lequel l'ouragan va s'essouffler.
C. LE FUTUR: LA
CONDAMNATION DE LA BETE ET DU DRAGON (l4,6-20,15)
Après le passé et le présent de la
marche des Communautés - et de l'Eglise -, Voici maintenant ses lendemains. L'inimitié
nouée au Paradis Terrestre va se dénouer tragiquement pour les persécuteurs du
Peuple de Dieu. Tirons-en les trois liens.
1.
La venue du jour du
jugement (14,14-20)
Le Messie est le Juge
principal. Tout est prêt pour la session: la faucille attend la moisson, et les
cuves le raisin vendangé. Le travail commence. Grâce à cette vision, Jean
veut faire comprendre aux Communautés que le jugement est en marche depuis la résurrection
de Jésus : les persécuteurs des Communautés sont déjà condamnés et la destruction
de l'empire est amorcée. La fin de l'histoire marquera la victoire de l'Eglise
sur toutes les formes du mal.
2.
La chute de Babylone (15,1-19,10).
Comme en Egypte, les
plaies vont frapper la capitale de l'empire, et le Peuple de Dieu pourra célébrer
l'Alliance après le passage de la Mer Rouge (Ex. 19 et 24). Mais plus
sévèrement punie que l'Egypte, Rome sera détruite, car elle a refusé de se
convertir, tant elle était attachée à ses idoles. Au passage, Jean dénonce les
péchés de l’Empire: celui-ci est devenu un repaire du démon à cause de sa soif
insatiable de pouvoir et de richesses. La fête liturgique s'ordonne autour de
quatre hymnes: le temps des épousailles de l'Agneau et de sa Fiancé -les
Communautés et l'Eglise- est proche.
3.
La débâcle finale du
dragon, de la bête et de ses adorateurs (19,11-20,15).
Le sens général de cette
partie, encore plus symbolique, est que
le mal, en dernière instance, sera totalement annihilé. La victoire du bien sur
le mal sera indéniable.
-
La première défaite (19,11-21) : Jésus combat et défait Is
rois de la terre, adorateurs du mal, et leur suite périt également avec eux.
-
Le Royaume millénaire (20,1-6) : Les ressuscités sont les
martyrs de la persécution actuelle. Ils favoriseront la croissance des
Communautés durant mille ans, c'est-à-dire tout le temps qui s'étend jusqu'à la
fin du monde (dont seul le père en connaît la date Mc. 13,32).
-
La seconde défaite et le jugement dernier (20,7-15) : Une ultime tentative du
démon sème la panique avant sa chute définitive. Mais survient la 'seconde
mort' : ceux qui ont été justifiés pat leur œuvres y échapperont, mais ceux qui
ont commis le mal durant leur vie la souffriront. C'est la mort de la mort.
Après cela, il n’y a place désormais que pour la vie à l'infini: la paix peut
éclater.
D. LA FETE QUI
VIENDRA EST DEJA COMMENCEE (21,1-22,5)
1.
Les cieux nouveaux et la
terre nouvelle.
Le bout du chemin marquera
l'aube d'une création nouvelle. Celle-ci sera, à la fois, don de Dieu et fruit
des luttes humaines: cadeau divin et œuvre de l'acharnement humain. La
libération atteint la liberté dans la fraternité et la communion avec Dieu:
c'est le Royaume dans un face à face éblouissant avec Dieu (1 Cor. 2,9). Mais ce futur est
diffus dans chaque aujourd'hui. Amplifions la vie qui est la visibilité de ce
Royaume: manifestons dès maintenant ce qui nous attend en plénitude au bout du
chemin. C'est une manière efficace révéler le sens des évènements, proclamer la
Bonne Nouvelle de jésus, faire reculer l'empire du mal, construire l'Eglise comme
Peuple serviteur de l'espérance de l'Humanité.
2.
Nos luttes construisent le
Royaume
Le Royaume croît dans l’histoire
de l'Humanité: Jésus en a décrit le tracé et posé les fondations; chaque
génération de chrétiens y apporte sa part; Dieu y mettra la dernière pierre.
Jean ébauche sa structure finale pour en faciliter la construction progressive:
il dit que le Royaume :
-
C'est une création nouvelle -comme aux
premiers jours- où tout est au service de la vie pour qu'elle naisse, grandisse
et atteigne sa plénitude en tout et en tous.
-
C'est le Paradis retrouvé -le nouvel Eden-
où l'harmonie naturelle et humaine est scellée par la réconciliation qui a fait
fuir la haine, la destruction et la peur.
-
C'est une Alliance Joyeuse -comme au Sinaï-
où la fidélité de l'homme correspond à la fidélité de Dieu, et le respect
mutuel à la communion avec lui.
-
C'est une Nation Organisée -à l'image des douze tribus- où règne
l'égalité comme fruit du partage, la fraternité comme fruit de la coopération
et la paix comme fruit de la justice.
-
C'est une Cité Sainte -comme la Jérusalem
dont Dieu rêve- où la transcendance est le ciment qui maintient unies les
pierres vivantes.
-
C'est un Peuple Restauré -Nouveau Messie-
prêt pour les noces avec son Dieu.
-
C'est l'Avènement de l'Emmanuel -définitivement-,
c'est-à-dire Dieu-avec-nous et l'Humanité-en-lui, dans sa taille adulte: tout
est résumé en Jésus-Christ grand-prêtre qui s’offre éternellement à son Père.
Tel est le message de
l'Apocalypse, à la fois infini et intime: lumière sur notre route, force dans
nos luttes, espérance dans nos nuits, salut dans nos égarements.
'Heureux celui qui lit et ceux qui écoutent et gardent ces paroles'.
CONCLUSION
A. REVELATION AU ‘FUTUR
ANTERIEUR’: par Adelino A. CORDEIRO, paysan brésilien.
'Regardons le futur que nous
présente Jean:
Il est la création en ses commencements.
Les pleurs ont disparu, la mort et
ses malédictions;
Notre fraternité, fruit
d'organisation,
Est notre paradis en alliance avec
Dieu.
Cette ville bénie est plus belle à
ses yeux
Que la fiancée parée, aux bras de
son époux:
Victorieuse du mal et du diable
jaloux.
La douleur et la mort, le mal et
la tristesse
Ont fait place à la vie, l'amour
et la sagesse.
L'oppresseur offrira tout son or,
mais en vain;
Pour lui un triste jour se lèvera
demain.
Nous sommes Apocalypse, cité d'un
Peuple fier,
Heureux, pauvre et frère et grand
comme la mer.
Dieu veille, paternel, et Jésus,
le Seigneur,
Etend sur nous la paix, la fête,
le bonheur.
Luttons tous bien unis, mais sans
peur et sans haine;
Dieu couronne déjà nos efforts et
nos peines'.
B. RECOMMANDATIONS
FINALES de Jean et de l'Auteur
1.
Jean a eu beaucoup de
talent, de foi et de courage pour avoir su interpréter ainsi les évènements de son
temps et en délivrer le message d'espérance et de lutte: il voyait le Dieu de
Jésus-Christ, fidèle et libérateur. Il termine son livre par quelques conseils (22,6-21), car il sait que celui-ci
va rencontrer des interprétations erronées et des oppositions farouches, en particulier
de la part de l'Empire romain et l’Empire du mal. Mais heureux sommes-nous de
pouvoir nous bénéficier d'un tel message!
2.
"Et moi, lecteur,
j'en achève le commentaire sans prétention. Il est le fruit de mon compagnonnage
avec les pauvres et la Bible. J'ai cherché à être fidèle à Dieu, à l'Eglise, au
texte et à la réalité de nos pays latino-américains. Si le Peuple souffrant de
nos Communautés Chrétiennes y trouve un encouragement et un motif de foi et
d'espérance pour continuer sa lutte contre l'Empire romain et l’Empire du mal,
j'aurai l'impression d'avoir répondu à ce que Dieu attendait de moi".
(Carlos MESTERS).
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