C R I S E D U
C L E R G É, U N E C H A N C E
P O U R T O U S
Pierre Riouffrait, Equateur, Aout 2018.
Les récents
scandales dans l'Église latino-américaine exigent une révision de l’identité du
clergé. La démission des évêques chiliens il y a quelques mois, les
révélations, il y a quelques années, autour du Père Maciel au Mexique,
fondateur de l'institut sacerdotal « Les soldats du Christ », et le fossé qui
se creuse entre le clergé et les laïcs mous demandent que nous réfléchissions à
une nouvelle structuration du Peuple de Dieu dans notre Église catholique.
1. "Les
signes des temps"
Plusieurs
situations remettent en cause la structure ecclésiale actuelle.
a)
La démission des évêques chiliens. Les
scandales de la pédophilie des prêtres et sa dissimulation de la part des
évêques ont été mis en lumière lors la visite du pape François au Chili.
L'ampleur de ces situations dans différentes parties du monde montrent qu’elles
sont en grande partie les conséquences des nominations épiscopales de prêtres
totalement soumis au Vatican et obéissants aveugles à ses directives: Ils se
limitaient à résoudre les problèmes par le silence de tous.
b)
Le célibat sacerdotal. Depuis le
Concile Vatican II (1962-1965), de partout viennent des demandes insistantes
sur la nécessité de revoir l'obligation du célibat sacerdotal. Cela a obligé le
‘préfet de la Doctrine de la foi’ à Rome a d'affirmer que "le célibat
sacerdotal n'était pas un dogme" ... Malheureusement il en est resté là.
c)
Le diaconat réservé aux hommes. Face
au déclin continu du clergé, les ordinations d’hommes mariés comme diacres se sont
multipliées. La réalité montre qu'ils font au rabais les tâches sacerdotales,
mais cela ne résout pas les problèmes. L'organisation ecclésiale n'est pas
conçue à partir de la notion du Peuple de Dieu, systématiquement niée du synode
de Rome en 1985, mais seulement à partir de la hiérarchie.
d)
La marginalisation des femmes. Depuis
presque toujours, la structure ecclésiale marginalise les femmes. Cela les
empêche d'une part, de participer à la prise de décision et d'autre part leur
enlève la possibilité d'accéder au ministère sacerdotal. Celui-ci est devenu un
pouvoir sacré et patriarcale, contraire aux choix de Jésus et des premières
communautés chrétiennes.
Conclusion. L’actuelle structure cléricale est dans une impasse à
tous les niveaux: prêtres, évêques et papauté, malgré les nouvelles
propositions et pratiques qui se présentent de partout.
2.
Réflexions théologiques et bibliques
Depuis
plusieurs décennies, apparaissent dans tous les continents des écrits et des
pratiques qui nous font penser à la nécessité de conformer une autre façon
d'être l’Eglise plus fidèle au projet de Jésus et au modèle des communautés primitives.
a)
La rupture constantinienne
À
l'époque des empereurs romains du IIIe siècle, Constantin et Théodose, le
christianisme changea la structure ecclésiale et l'identité sacerdotale pour
devenir la religion officielle de l'empire.
-
Il est de plus en plus évident que Jésus n'est pas venu
pour fonder une Eglise ni une nouvelle religion, mais pour inaugurer un Mouvement
pour le Royaume, c'est-à-dire, une fraternité universelle au nom de Dieu.
-
Jésus était un laïc et non un prêtre. Pour cette raison,
la dimension sacerdotale dans tout le Nouveau Testament n'est prise que dans
son sens collectif et non individuel: "Vous êtes un peuple
sacerdotal". « Le baptême précède et dépasse l’ordination » dit le pape
François.
-
Il est de plus en plus clair que l'invitation de Jésus à
«faire mémoire» de la dernière cène s'adresse à la communauté des disciples et
n'est pas une ordination sacerdotale des apôtres.
Il
se peut que la transformation du mouvement de Jésus pour le Royaume en l'Église
et en religion officielle de l'Empire romain aient été la seule solution
trouvée par les évêques de cette époque; la réalité est qu'ils sont revenus aux
pratiques de l'Ancien Testament. L'Église devient "le Temple juif",
le rôle sacerdotal un sacerdoce juif et la fraction du pain un culte
sacrificiel, réalités totalement étrangères à l'exemple et à la pratique de
Jésus. Par sa mort qui fut un assassinat, Jésus s’est rendu solidaire de tous ceux
qui sont torturés et condamnés Jésus à mort injustement tant par les pouvoirs
politiques que religieux.
b) Conséquences négatives de la rupture constantinienne
-
La séparation "clergé-laïc". Les disciples de
Jésus ont cessé d'être "de petites communautés de frères et sœurs
égaux" pour devenir une masse de croyants, parce que les empereurs ont
obligé tout le monde à se baptiser. Une minorité a décidé commander et la
majorité a du obéir.
-
L’opposition «profane-sacré». Le prêtre devint «l'homme
du sacré», le «pont avec la divinité», la «personne séparée» du reste des
baptisés. Il a oublié que Jésus avait détruit dans son incarnation la
séparation entre le profane et le sacré, dont le signe avait été la rupture, au
moment de sa mort, du rideau du temple. Chaque personne Dieu si elle l'adore
"en esprit et en vérité" ; et quand nous sommes 2 ou 3 réunis au
nom de Jésus, il est « au milieu de nous ».
-
La « fraction du pain » et le partage fraternel sont
devenus le Saint Sacrifice de la messe, ce qui supprime le don de sa vie pour
le Royaume en solidarité avec tous les torturés et tués injustement. On oublie ce
que nous étions et devons être, un Peuple de Dieu fraternel et égalitaire, une
offrande agréable à Dieu, le seul culte que nous devons lui rendre
individuellement et collectivement.
Devant
cette situation de soumission au pouvoir romain tout puissant, parmi les laïcs,
c’est la femme qui subit la plus grande marginalisation. De plus le clergé a
élevé la fonction sacerdotale au niveau de sacrement. Tout cela se fonde sur le
droit canon, héritier du droit romain, et sur le catéchisme catholique,
héritier de cette organisation ecclésiale pyramidale.
c)
Nouvelles pratiques ecclésiales
Tout
ce qui précède est écrit et approfondi depuis le Concile et même avant, sur
tous les continents. D’autre part tout cela a commencé à se vivre dans beaucoup
d’endroits.
-
De plus en plus de femmes théologiennes nous font
découvrir non seulement les nouvelles dimensions de la Bible et de la théologie,
mais nous révèlent plus concrètement l'essentiel de la foi chrétienne, de
l'identité ecclésiale et de la manière de suivre Jésus.
-
Les Communautés ecclésiales (CEBs) sont « le premier
noyau ecclésial », qui révèle qu'est ‘possible, nécessaire et urgente’ une
nouvelle façon d'être Eglise, avec une plus grande fidélité à l'Evangile de
Jésus, comme l’écrivirent les évêques latino-américains dans le document
d'Aparecida (Brésil, 2007). Celui-ci confirme les CEBs : elles sont, en
fidélité au baptême, un peuple prophétique, sacerdotal et royal. Pour les CEBs,
l’Eucharistie est à nouveau l’offrande de leur fraternité et de leur martyre;
le prêtre qui préside est un de plus parmi tous les autres, "venu non pour
être servi mais pour servir".
-
Beaucoup d'autres groupes, tels que ceux de l'Action
catholique bien avant les CEBs, vivent ces mêmes réalités, signes actuels du
christianisme que Jésus voulait et qu’ont créés les premières communautés
chrétiennes. Depuis 50 ans, la théologie de la libération nous a apporté des
réflexions renouvelées et encourageantes sur cette nouvelle façon d'être la Communauté
du Royaume, dont a besoin de notre temps.
3. En
fidélité au Royaume
Le pape Paul
VI, bientôt reconnu ‘bienheureux’, a écrit en 1975 dans son encyclique
«L’annonce de l’Evangile» : «Le Royaume est l’unique absolu; le reste est
relatif. " C’est à cet «unique absolu» que nous devons revenir pour le
bien de l'Église, la conversion du clergé, le service à l'humanité, la fidélité
à Jésus et la gloire de Dieu.
-
La démission des évêques chiliens ouvre la possibilité
aux chrétiens de confirmer et d'élire leurs évêques.
-
Le Synode sur l'Amazone peut être l'occasion de confirmer
le sacerdoce baptismal des laïcs, la présidence de l'Eucharistie par des laïcs
y non exclusivement par des hommes célibataires, sinon par les dirigeants des
communautés chrétiennes, hommes et femmes indistinctement.
-
Le pape François sera-t-il capable de réviser le nombre
de sacrements ? Les premières communautés n'avaient que le baptême et la
fraction de pain comme signes fondateurs Cela nous fait voir que l'Evangile de
Jésus doit remplacer définitivement le droit canon et le catéchisme catholique,
vestiges de siècles dépassés.
-
L'option pour les pauvres, signe distinctif de Jésus, de ses
disciples hier et d'aujourd'hui nous oblige à actualiser d'abord et dans nos
vies, nos communautés, nos engagements, nos églises et notre société ce qui est
« le seul absolu » : le royaume selon Jésus. Il n'y a pas de temps à
perdre: commençons à vivre ce qui viendra dans sa plénitude : le royaume
et le reste viendra de soi-même.
Chaque crise
nous offre la possibilité de grandir et de mieux servir. La crise actuelle
concerne le renouvellement de toute l’Eglise. C'est ce que Jésus nous demande;
c’est ce que l’humanité exige de chacun d’entre nous, pour que nous puissions
avoir «la vie et la vie en abondance».
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